Section 2 : Un mécanisme de financement
partiellement
éclairé
Le caractère stratégique du mécanisme de
financement est indéniable pour l'accomplissement des ambitions de
l'Accord. Malgré les importantes innovations du système financier
que ce dernier prévoit, certaines zones obscures se profilent. Lorsqu'on
s'immerge un peu plus dans le mécanisme financier de l'Accord, on
découvre qu'il est quelque peu mal éclairé et ce pour
plusieurs raisons. Cette défaillance se repère aussi bien dans
l'absence de conditionnalités du financement (Paragraphe
1) que dans l'imprécision de la teneur du financement
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'absence de conditionnalités du
financement
L'Accord de Paris n'aborde pas avec franchise les
critères qui entourent le financement qu'il prévoit accorder aux
Parties qui en ont besoin. Son analyse révèle l'absence de
conditionnalités du financement qui se repère à deux
niveaux dont celui d'un éventail de bénéficiaires
difficilement saisissable (A), et celui d'une utilisation des
fonds peu circonscrite (B).
A- Un éventail de bénéficiaires
difficilement saisissable
177 Art. 4 § 9 Accord de Paris
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Le financement constitue une partie capitale dans la
majorité des conventions environnementales. La détermination
exacte de son volume est immanquable pour l'accomplissement des objectifs
fixés. Ainsi, le mécanisme qui l'entoure se doit d'être
précis. Comment bénéficier du financement ? Voici la
question qui se pose lorsqu'il s'agit de mécanisme de financements dont
la finalité est de faciliter la lutte contre le réchauffement
climatique.
À certaines conditions et sous certaines
réserves, l'institution d'instruments économiques peut aussi
être un moyen d'assurer un contrôle, une évaluation et
surtout un suivi178. Cependant, l'Accord ne soumet pas le
financement à de quelconques conditions ce qui n'est pas sans susciter
l'inquiétude. En effet, en partant sur cette base, n'importe quel pays
en développement peut recevoir le financement de façon
répétitive sans qu'un suivi ne lui soit imposé. Une
allocation des financements est considérée comme équitable
si elle distribue les ressources selon une procédure juste en tenant
compte d'une condition donnée ; par opposition, une allocation des
ressources financières visant une stricte logique d'efficience
aboutirait à donner la priorité aux pays dans lesquels les
bénéfices nets attendus des actions sont les plus
grands179. Au vu de ces deux critères, on dira que l'Accord
fonde l'octroi des financements sur l'équité mais une
équité mal définie. L'équité à
laquelle il fait référence n'est pas clarifiée dans son
article 9 qui porte sur le financement. Aussi, il rajoute que c'est à la
lumière de la situation des pays en développement que le
financement sera attribué. Pourtant, l'Accord ne se donne pas pour
mission d'énumérer quelques situations susceptibles de
déclencher le mécanisme de financement.
Il n'y a pas d'indicateur formel qui puisse servir de base
à l'allocation des ressources qui sont dédiées à la
lutte contre le réchauffement climatique, plus précisément
aux fins du renforcement des capacités, de l'adaptation et de
l'atténuation. On ne sait donc pas sur quelle base le mécanisme
financier va s'appuyer pour attribuer les financements aux Parties qui feraient
appel à lui. En l'absence de critères d'attribution du
financement, l'on est en mesure de s'interroger sur l'efficacité dudit
mécanisme établi par l'Accord. En plus de cela, il ne dit pas
expressément qui sera en charge de vérifier la situation des pays
en développement. S'agit-il des experts du mécanisme du
financement ou s'agit-il d'une autorité affectée uniquement
à
178 ROMI (R.), « Les mécanismes juridiques de
contrôle et de suivi des mesures environnementales en droit
comparé », Vers un nouveau droit de l'environnement ? Centre
International de Droit Comparé de l'Environnement, p. 218
179 WEIKMANS (R.), « Dimensions éthiques de
l'allocation du financement international de l'adaptation au changement
climatique », Vertigo, Vol. 16 n°2, septembre 2016, p. 2
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cette mission ? Aucune réponse n'apparaît dans
l'Accord ce qui laisse entendre que la disposition est lacunaire.
L'Accord de Paris, faut-il le rappeler, est un protocole
additionnel à la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements
climatiques (CCNUCC). Il lui emprunte donc l'essentiel des définitions
de termes clés. C'est en ce sens que son préambule renvoie
à la CCNUCC en la matière : « Reconnaissant aussi les
besoins spécifiques et la situation particulière des pays en
développement Parties, surtout de ceux qui sont particulièrement
vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques,
comme le prévoit la Convention ». Ainsi, l'Accord fait
plusieurs fois référence aux pays en développement qui
sont particulièrement vulnérables aux changements
climatiques180. Ces éléments se retrouvent avec
facilité dans le texte de la CCNUCC, notamment dans son article 4. La
CCNUCC considère comme particulièrement vulnérables les
pays suivants : « a) les petits Etats insulaires , · b) les
pays ayant des zones côtières de faible élévation
, · e) les petits pays ayant des zones sujettes à la
sécheresse et à la désertification , · f) les pays
ayant des zones de forte pollution de l'atmosphère urbaine , ·
h) les pays dont l'économie est fortement tributaire soit des revenus de
la production, de la transformation et de l'exportation de combustibles
fossiles et de produits apparentés à forte intensité
énergétique, soit de la consommation desdits combustibles et
produits , · i) les pays sans littoral et les pays de transit
»181. Comme on peut l'observer, presque tous les pays du
monde rentrent d'une façon ou d'une autre dans cette
catégorisation. La Convention-cadre ne donne pas de définition
opérationnelle de la notion de pays « particulièrement
vulnérables » et l'Accord de Paris reprend à son compte
ce défaut.
Le financement vert tant décrit par les dispositions de
l'Accord semble être mis en péril par le manque de
précision des critères devant être remplis par les
éventuels bénéficiaires.
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