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L'accord de Paris dans l'enjeu climatique


par Assiri A. Ephraïm OBROU
Université Catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Master en droit public 2019
  

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PARTIE 2 :

LES INSUFFISANCES DE L'ACCORD

La démarche entreprise par l'Accord pour atteindre son objectif de limitation de la hausse des températures se dessine par moment hésitante ou boiteuse. Les articles qu'elle contient et qui constituent son cheval de course témoignent de certaines insuffisances qui viennent contraster ses innovations. En effet, les obligations d'une convention environnementale pour qu'elles soient exécutées de manière efficace doivent être sans équivoque. En outre, elles doivent suffisamment être claires pour que l'exécution par les Parties soit davantage facilitée. A ce niveau, l'Accord de Paris semble avoir manqué de cette précision si vitale à la réalisation effective de son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Certaines obligations qu'il impose aux Parties vont à contre-courant de l'ambition qu'il nourrit. Aussi, nous détectons un problème de taille. La conférence qui a donné naissance à l'Accord de Paris a été le théâtre de plusieurs discussions. Les Parties présentes, et principalement les pays en développement, nourrissaient le rêve de voir des matières importantes prendre forme contraignante au sein de l'Accord. Malheureusement, la lecture du résultat de la COP 21 laisse comprendre que plusieurs matières essentielles à la lutte contre le réchauffement climatique et chères aux pays en développement ont simplement été jetées dans le néant. En somme, des incompréhensions se soulèvent et des vides sont découverts dans l'Accord de Paris. Ainsi, l'on se rend compte que vis-à-vis des conventions précédentes déjà étudiées, l'Accord sur certaines matières clés stagne ou même avance à reculons. De nombreux hiatus ressortent de son cadre multilatéral insuffisamment précisé (Chapitre 1) et des matières névralgiques hors du texte (Chapitre 2).

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CHAPITRE I : UN CADRE MULTILATERAL INSUFFISAMMENT PRECISE

Au sens du droit international, « tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté de bonne foi »157. L'exécution de bonne foi exige que les cocontractants usent de leurs prérogatives de manière raisonnable en s'abstenant de toute mesure contraire aux buts du traité158. Ainsi, pour que ces obligations puissent être exécutées de manière efficace il est nécessaire qu'elles soient clairement précisées. Or, l'Accord de Paris ne livre pas tous les éléments indispensables pour l'accomplissement de certaines obligations. Pourtant, celles-ci sont vitales pour la bonne marche de la lutte contre le réchauffement climatique. Le système financier établi par l'Accord comporte des imprécisions d'une importance dangereuse. En somme, l'Accord de Paris reprend par endroit les écueils des précédentes conventions et semble même avoir reculé. Cela se ressent dans les obligations multilatérales mal définies (Section 1) et dans le système financier partiellement éclairé (Section 2).

Section 1 : Des obligations multilatérales mal définies

L'Accord de Paris, comme certaines conventions en droit de l'environnement, impose à ses Parties une panoplie d'obligations censées faire progresser la lutte contre le réchauffement climatique. Malheureusement, leur imprécision fait craindre la progression de la lutte contre l'augmentation des températures. Ces imprécisions se retrouvent dans la nature des contributions déterminées au niveau national (Paragraphe 1) et dans la périodicité défaillante du dépôt de celles-ci (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'imprécision des contributions déterminées au niveau national

Les contributions déterminées au niveau national sont au coeur de l'Accord de Paris et de la matérialisation de ses buts sur le long terme. Pourtant, celles-ci sont insuffisamment

157 Art. 26, Convention de Vienne sur le droit des traités

158 ROCHE (C.), L'essentiel du droit international public, 2019, Gualino, p. 26

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précisées car les cibles qu'elles doivent contenir sont incertaines (A) et leur rehaussement avant le bilan (B) est imprécis.

A- Les cibles incertaines des contributions nationales

Comme nous l'avons relevé plus haut, l'Accord fait mention des contributions nationales que sont censés établir les États Parties.

Chaque partie est censée communiquer une contribution déterminée au niveau national tous les 5 ans159. Elles ont ainsi l'obligation de préparer, communiquer et de respecter celles-ci et de prendre des mesures à l'échelle nationale en vue d'atteindre les objectifs qui y sont fixés160. A ce niveau, on note une difficulté qui s'attache au contenu des contributions déterminées au niveau national. Il n'est expliqué nulle part dans l'Accord, le contenu de telles contributions. La notion de contribution déterminée au niveau national n'est pas exactement circonscrite par l'Accord. En outre, elle n'est pas définie et sa qualification juridique reste incertaine. S'il est vrai que l'établissement des contributions nationales des Parties constitue une obligation de résultat, l'ensemble des éléments se trouvant à l'intérieur ne sont nullement abordés. Aucune disposition de l'Accord ne définit clairement les éléments obligatoires qui doivent se retrouver dans les contributions déterminées au niveau national. Nous avons donc un contenant mais vidé de sa substance. L'Accord dit que les contributions doivent être prises dans des domaines qui permettront à la Partie en question d'atteindre ses engagements au sein de la convention climatique. Quant à savoir quels sont les secteurs exacts sur lesquels les Etats Parties devront s'appesantir pour prendre et honorer leurs contributions nationales, on note une hésitation de l'Accord. Or, les contributions déterminées au niveau national sont impérieuses pour permettre aux Parties, dans leur globalité, d'atteindre le but ultime de la Convention. Ainsi, les contributions déterminées au niveau national, centrales pour atteindre les objectifs de l'Accord, ne sont pas dans le traité ni en annexe de celui-ci161. Il préfère laisser la latitude aux États de choisir le domaine, les activités qu'ils pensent pouvoir le mieux répondre aux objectifs majeurs qu'il leur indique en son article 2.

159 Art. 4 § 9 de l'Accord de Paris sur le Climat

160 « Contributions déterminées au niveau nationale et cycles d'évaluation »,

https://www.climat.be/politique-climatique/internationale/accord-de-paris/contributions-determinees-au-niveau-national-et-cycles-d-evaluation/

161 LAVALLEE (S.), MALJEAN-DUBOIS (S.), « L'Accord de Paris : fin de la crise du multilatéralisme climatique ou évolution en clair-obscur ? », Revue juridique de l'environnement, 2016, p. 10

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La difficulté est toute grande car le risque majeur est de voir les Parties porter toute leur attention sur des domaines à l'emprunte carbone quasi nulle. Le choix d'un secteur important peut être décliné par les dirigeants au profit d'un autre162. Cet éventail de possibilités ne garantit aucunement l'efficacité et l'accomplissement des ambitions de l'Accord. On ne saurait nier le caractère vital des contributions nationales. C'est suivant elles que va s'opérer le réajustement des ambitions prévu lors du bilan mondial. Alors, le fait qu'il n'y ait aucune précision sur leur contenu se dénote comme un danger.

Quant à la forme du document supposé contenir les contributions « déterminées au niveau national » et confirmer leur mise en oeuvre, un autre problème surgit. Le manque d'entrain de l'Accord pour une description ou pour l'adoption d'une forme particulière du document est inquiétant. Tout porte à penser que celle-ci est abandonnée au bon gré des Parties. Autrement dit, l'Accord n'impose pas aux Parties une forme exacte de l'instrument censé contenir les contributions déterminées au niveau national. Tout ce que l'on peut tirer des dispositions de l'Accord de Paris et de la décision qui le complète, c'est que les Parties sont astreintes à l'obligation d'établir un instrument qui va contenir leurs contributions nationales. C'est ce document dont la forme sera choisie par la Partie, qui devra par la suite être transmis au secrétariat qui se chargera de l'inscrire au registre public. Cette autre imprécision de l'Accord est fort intrigante.

Lorsque l'on jette un regard averti sur le Protocole de Kyoto, il s'avère plus avenant que l'Accord au sujet de la détermination des contributions nationales. En effet, celui-ci énonce avec limpidité les domaines dans lesquels les Parties sont obligées de prendre des mesures. Les programmes qu'elles établissent doivent impérativement prendre en compte plusieurs secteurs. Ils doivent concerner les secteurs de l'énergie, des transports et de l'industrie ainsi que de l'agriculture et la gestion des déchets163. En somme, les Etats Parties sont astreints à articuler leurs programmes autour de ces secteurs principalement. Il faut ajouter à cela que les Parties ont la possibilité de se pencher sur d'autres domaines dont les réductions de gaz à effet de serre sont susceptibles de participer grandement à la lutte contre le dérèglement climatique. Tout compte fait, les Parties au Protocole de Kyoto doivent tout mettre en oeuvre pour que leurs contributions touchent immédiatement les domaines énumérés. Comme on peut le remarquer, les mesures telles que présentées dans les dispositions du Protocole de Kyoto ne sont en aucune

162 LAVALLEE (S.), « Quelques réflexions sur l'Accord de Paris et la souveraineté économique des États », Protection du Climat et souveraineté étatique, Vertigo, mai 2018

163 Art. 10 § b) al. i), Protocole de Kyoto

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manière évasives comparées à celles de l'Accord de Paris. Les secteurs déterminés constituent des pans majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique. Comme l'évidence se présente, les dispositions du Protocole de Kyoto sont plus précises et par cela même ne laissent pas la latitude aux Parties de trouver une échappatoire comme c'est le cas dans l'Accord de Paris. Le Protocole met à charge des Parties des obligations nettement circonscrites comme le requiert la matière climatique.

La teneur et les cibles des contributions sont incertaines dans l'Accord. Tout ceci tend à prouver que les contributions déterminées au niveau national ne sont pas dotées d'un statut juridique précis164.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway