? Le choix du test
Il appert que tester un enfant dans un cas de bilinguisme
n'est pas une chose évidente. Tout d'abord, la compréhension de
consignes risque de s'avérer laborieuse, ensuite parce que le
marché actuel ne dispose pas d'un test adapté et
étalonné pour ce type de population.
Évaluer l'évolution du lexique d'un enfant
à travers des lignes de base réalisées sur mesure me
paraissait plus pertinent que d'octroyer des épreuves de vocabulaire
en
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dénomination et désignation situées dans
la N-EEL (Nouvelles Épreuves pour l'Examen du Langage), ou encore d'user
du TVAP (Test de Vocabulaire Actif-Passif). En effet, les listes de mots
généralement proposées dans les tests de vocabulaire
étalonnés ne me convenaient pas, dans la mesure où les
sens des mots sont démesurément dispersés (exemple :
« Vocabulaire 1 de la N-EEL forme P ? brouette, parachute, ampoule,
passoire, noix, masque, cuillère »). Il est vrai, cependant, que
les épreuves « Lexique » de la N-EEL forme P regroupent les
vocables par champs sémantiques, mais le nombre d'items et de
catégories sont insuffisants à mon sens. Je me suis alors
lancée dans la création de lignes de base pour les cinq champs
sémantiques à travailler.
? Les lignes de base
Docquier (2013) rappelle les règles de construction
d'une ligne de base : « Après avoir identifié la cible
du traitement, sélectionner une tâche et des items qui permettront
d'évaluer les performances du patient avant de commencer le traitement
et ultérieurement ». Le type de lignes de base
approprié à l'étude ne porte pas sur l'apprentissage d'une
« stratégie », mais sur celui d' « items
spécifiques ». Il y aura donc des items travaillés et des
items contrôles afin de mettre en avant l'efficacité des ateliers
par rapport à l'apprentissage spontané.
Concernant le choix des champs sémantiques, je me suis
d'abord demandé : « Quels sont les thèmes susceptibles
d'être les plus fonctionnels pour un enfant dans cette situation ?
». L'orientation temporelle, essentielle pour sécuriser l'enfant,
n'a pas été élue, car elle était travaillée
journellement en classe, avec l'institutrice. Afin de parfaire ma
démarche, je me suis référée aux programmes
scolaires de maternelle afin de savoir quel vocabulaire était attendu en
cette phase (Portail national des professionnels de l'éducation, 2014).
Je me suis également inspirée des thèmes utilisés
en cours de Français Langue étrangère (FLE) (Le Point du
FLE, n.d.).
Les thématiques gagnantes sont proposées dans
un ordre d'importance décroissant, personnellement
réfléchi : le schéma corporel, l'orientation spatiale
couplée à la météo, les
émotions/états/sentiments, le langage scolaire comprenant les
objets et verbes d'action, et enfin les vêtements.
La tâche de sélection des 24 mots par champ
sémantique, 12 Mots Travaillés (MT) et 12 Mots Contrôles
(MC) fut beaucoup plus ardue. L'effet de fréquence jouant un rôle
important dans l'apprentissage d'une langue, il fallait mesurer
consciencieusement la fréquence de chaque mot potentiel pour
déterminer sa participation à l'étude ou non. Je tiens
à rappeler que la fréquence correspond au nombre d'apparitions
d'un mot à l'intérieur d'un corpus. Pour cela, la base lexicale
« NovLex » mise au point par Lambert & Chesnet en 2001
m'a été d'un précieux secours.
La « Novlex » m'a permis de choisir 12
mots fréquents par champ sémantique dont 6 apparaissent dans les
MT et les 6 autres dans les MC, et 12 mots moins fréquents soumis au
même système. Les tableaux ci-après présentent les
vocables admis pour la composition des cinq lignes de base.
J'ai tenté dans la mesure du possible de
répartir équitablement les mots de part et d'autre des MT et MC.
Après réflexion tardive, le champ sémantique des
émotions comporte des mots démesurément
inappropriés pour des enfants de maternelle (et plus encore pour des
enfants non francophones !) comme « douleur, perdu » ainsi que les
synonymes « heureux-gai » et « fâché-en
colère ». Pour ma défense, même si ce thème me
semble essentiel à explorer avec des enfants, il n'en reste pas moins le
plus complexe à aborder de par son caractère abstrait.
Le testing débutera par la phase expressive où
les enfants dénommeront les photos qu'ils aperçoivent, puis
s'enchaînera avec la phase réceptive leur demandant de
désigner. L'élection des photos a triomphé face aux
images, reflétant un aspect plus réel des
éléments.
? La cotation
1 point est accordé pour un mot correctement
dénommé ou désigné, 0.5 pour une
dénomination acceptable énoncée à l'aide d'une
ébauche orale phonémique, et 0 lorsqu'il y a absence de
réponse ou réponse erronée. La prononciation ne sera pas
prise en considération puisque ce n'est ni une épreuve de
phonologie, ni une évaluation de l'articulation.
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? La création de comptines
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Ce projet était ambitieux, mais malheureusement je ne m'en
suis pas aperçue de suite. En effet, une comptine a beau être
courte et simple en surface, mais le temps et les ressources accordés
à l'aménagement le sont moins.
Une comptine demande : d'intégrer les 12 vocables
à travailler, d'adapter les autres mots de la formulette au niveau de
vocabulaire d'un enfant de maternelle, de fabriquer une syntaxe peu complexe,
de trouver des rimes et du sens au texte, d'élaborer des mélodies
et rythmes différents pour chaque thématique en tenant compte du
découpage syllabique marqué, de respecter la forme brève
caractérisant les enfantines... Le parcours fut semé
d'embûches. Je suis parvenue à les survoler, mais le manque de
qualité s'en ressent.
Inventer des comptines, comme créer des chansons,
demande beaucoup de temps, car c'est un véritable et rude exercice de
composition. Il s'agit d'un métier à part entière. Elles
vous seront présentées lors des activités
logopédiques.