L'égalité humaine ne trône pas face aux
apprentissages linguistiques: des processus
internes et externes entrent en scène afin d'encourager
ou de freiner ces derniers. Daviault
(2011) en énumère quelques-uns:
- « Âge »
- « Intérêt et motivation » : les signes
avant-coureurs de la démotivation sont
dépeints par « la démobilisation, le
mutisme, le chahut » (Defays, 2003). Necati
illustrera ce point.
- « Aptitude à apprendre une langue » : une
bonne mémoire phonologique à court
terme avantage fortement le développement du vocabulaire
(Attout, 2007).
- « Degré de similitude entre L1 et L2 »
- « Fréquence et modalités d'exposition
»
- « Qualité linguistique entendue »
- « Degré de valorisation sociale »
- « Opportunité de pratiquer sa langue »
Le milieu socio-économique compte également. Ne
pas diaboliser la langue cible et vivre
harmonieusement en acceptant sa « double culture »
ferait partie du secret pour éviter un
quelconque rejet identitaire et favoriser l'apprentissage de la
langue.
L'appellation est inhérente à la
métaphore « l'enfant tel un corps plongé dans un liquide
s'imprégnerait du langage » selon Petit & Laroche (2003). Ils
déclarent également que le « bain est la condition de
passage de la compétence (aptitude à parler) à la
performance (acquisition d'une langue).
Braibant (2013) corrobore en qualifiant le « bain de
langage » comme un moyen très apprécié des enfants,
de par son caractère ludique, pour faire émerger le langage oral
lorsque ce dernier peine à se construire. Il est estimable notamment
pour l'enrichissement lexical, mais également pour la construction
syntaxique qu'il apporte au jeune. Si l'enfant est victime de troubles
articulatoires, ceux-ci seront envisagés une fois un certain niveau
lexical acquis. La visée principale de cette méthode est de
« donner du sens à ce que l'on verbalise ».
En logopédie, ce type de stimulation est très
usité étant donné l'importante proximité avec une
situation communicationnelle naturelle. Et comme l'expriment si bien Gauthier
& Lejeune (2008) « l'exploitation d'activités se rapprochant le
plus possible des situations naturelles d'acquisition de la langue et
favorisant les interactions entre enfants à partir d'un vécu
stimulant et en petit groupe s'avère utile ». La méthode
s'apparente au jeu, avec quoi les enfants s'exprimeraient davantage,
apprendraient tout en fondant leur identité (Rayna, 2011) mais où
dominent certaines règles.
Docquier (2013) préconise quelques directives que tout
bon thérapeute doit
appliquer :
- « L'auto-verbalisation » : oraliser ce que le
thérapeute est en train de faire
- « La verbalisation parallèle » :
oraliser ce que l'enfant est en train de faire
- « La reformulation » : reprendre le sens de
l'énoncé original en apportant une
correction de la prononciation ou de la construction de la
phrase
- « L'allongement » : apporter une idée
neuve pour enrichir la phrase de départ
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- « L'incitation » : attendre ou faire
répéter un mot cible par le choix, la phrase en suspens,
l'ébauche orale, l'absurde, par une question
Daviault (2011) ajoute que la répétition d'un
mot à maintes reprises, le placement de l'adulte à hauteur de
l'enfant, le fait de lire avec lui et de chanter des comptines en y ajoutant
l'expression corporelle favorisent le développement lexical. Le CRDP
(2012) peaufine en disant que l'enfant doit être guidé par un
« parler professionnel modélisant » incluant une accentuation
de l'articulation, des phrases brèves et un ralentissement du
débit.
Enfin, il est indiqué de faire passer l'enfant par le
« niveau vécu », le « niveau manipulé » et le
« niveau représenté » en vue d'optimiser la
mémorisation et le transfert du vocabulaire (Bringier, 2012).
Pour conclure, la situation que vit un enfant dans un cas de
« bilinguisme séquentiel » est loin d'être
évidente. L'école maternelle représente une
véritable période de transition où émergent des
différences interindividuelles à tous niveaux. La
découverte d'une culture différente de la sienne à
laquelle il faudra s'adapter et d'une langue aux mots barbares qu'il devra la
plupart du temps s'auto-approprier pour espérer communiquer avec ses
camarades de classe sont les renversements les plus marquants. Taly et al.
(2008) soulignent qu'une intégration réussie dépendrait de
la présence d'« adultes-guides », d'un « milieu riche et
sécurisant » où il s'agirait de « transcender la
vulnérabilité et faire de ses faiblesses une force
créatrice ». Tel est le cadre qu'une logopède en herbe peut
modestement essayer d'instituer.
24
POUR MIEUX PRATIQUER !
« Si la poésie est universelle, il est certain
que chaque pays a ses images, ses couleurs, sa
particularité »
Evelyne RESMOND-WENZ
25
De l'école maternelle à l'école primaire,
le pont est large. Le primaire, point de rencontre avec la lecture,
l'écriture, les maths... Tous ces apprentissages essentiels,
puisqu'utiles au quotidien. Afin de pénétrer ce nouveau monde
dans les meilleures conditions, il est nécessaire d'avoir en
réserve quelques prérequis. Le rôle premier de
l'école maternelle est de fournir les recettes les plus
délicieuses pour une acquisition optimale du langage oral. Le
vocabulaire constitue la substance linguistique à acquérir en
priorité dans n'importe quelle langue (CRDP, 2012).
Une logopède témoignera toujours des bienfaits
des activités ludiques au sein de notre profession, destinées
à rééduquer. J'ai pris la décision d'en cibler deux
en particulier, plus connues sous le nom de « comptine » et «
bain de langage ». En effectuant une comparaison, je souhaitais amener une
réponse à ma problématique initiale : « La «
comptine » et le « bain de langage » agissent-ils de la
même manière au niveau de l'apprentissage d'un vocabulaire
donné ? L'un ne s'avérerait-il pas plus efficace que l'autre
?»
Quatre enfants non francophones, entre 5 et 6 ans,
scolarisés en grande section de maternelle ont participé à
ce projet. Les groupes ont été formés de manière
équitable (deux pour l'atelier « comptine », et deux pour
l'atelier « bain de langage ») en fonction de la personnalité
des sujets, et de leur attrait pour l'un ou l'autre domaine. Aborder la
première primaire sans séances privilégiées
axées sur le langage oral me paraissait totalement inconcevable, et
n'aurait fait que nuire à leur scolarité. Dans une
société où l'école s'apparente à des rails
sur lesquels il est préférable de rouler le plus vite possible en
évitant les écarts, le mot d'ordre était urgence.
Il fallait agir rapidement afin qu'ils puissent amorcer les bases
éducatives et formatrices d'une manière plus simpliste, et
d'atténuer leurs difficultés de divers ordres. Le langage oral et
le langage écrit s'influencent énormément : l'un a besoin
de l'autre pour se développer.
Cette seconde partie du travail offrira, dans un premier
temps, une présentation des quatre enfants ne prétendant pas
à l'exhaustivité. Il s'ensuivra un descriptif des
activités et objectifs choisis pour les deux domaines, et ce, pour
chaque séance. Enfin, je m'attacherai à exposer les
différents résultats, tant qualitatifs que quantitatifs,
couplés à une analyse permettant ainsi d'étudier la
progression.