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Comptines sur le bout de la langue.

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par Lisa Martin
HEL  - Baccalauréat en logopédie-orthophonie 2014
  

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2.2 Les types de bilinguismes

Parler d'un « bilinguisme » unique serait réducteur, puisque Daviault (2011) stipule que chaque personne bilingue possède son propre bilinguisme. Afin de mieux cerner celui figurant au coeur de ce travail, une importante distinction est nécessaire :

- Le « bilinguisme simultané » ou « bilinguisme précoce simultané » ou « bilinguisme familial » : l'enfant apprend deux langues premières de front avant 3 ans. Il est issu de parents façonnant une mixité linguistique.

- Le « bilinguisme séquentiel » ou « bilinguisme précoce consécutif » ou « bilinguisme institutionnel » : l'enfant acquiert deux idiomes l'un à la suite de l'autre. Il possède une LM inculquée par la famille, ainsi qu'une LS développée en société. Ses origines sont diversifiées : « déménagement, émigration, entrée à l'école... » (Groux cité par Attout, 2007 ; Owens cité par Daviault ; Taly , Salaün, Serre, Moro, 2008).

Il est maintenant possible de qualifier le bilinguisme des quatre enfants de ce projet. Tous entrent dans la seconde catégorie. Par conséquent, les prochains sous-chapitres s'attarderont particulièrement sur ce dernier.

2.3 Développement lexical d'un enfant au « bilinguisme séquentiel »

Le nourrisson, auditivement actif dès la vie foetale, commence à s'imprégner des sons constituant sa propre langue (Neveu, 2009, p.11). Passé le babillage débutant vers 7 mois (Boysson-Bardies, 1996), il en arrive tout doucement à la compréhension et production de mots. L'enfant considéré comme « bilingue précoce consécutif », situé à la croisée d'une « double culture », n'apprend pas sa LP et sa LS pareillement, mais Boysson-Bardies est sûre d'une chose : « tous les bébés de la Terre parlent aux mêmes âges ».

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? Acquisition du lexique en langue maternelle :

Les théories innéistes (Chomsky), behavioristes (Skinner, Bates, Wallon) et constructivistes/interactionnistes (Piaget, Bruner) s'affrontent pour expliquer l'acquisition du langage (Docquier, 2012). À l'heure actuelle, la science appuie assurément le pouvoir de l'interaction entre l'inné et l'acquis. En effet, pour s'exprimer dans un idiome quelconque, le petit d'Homme a besoin d'un système nerveux et d'organes périphériques intégraux, mais également d'un modèle linguistique de qualité procuré par l'entourage (Docquier, 2013). C'est précisément l'environnement « maternel et socio-économique » qui donne naissance à des contrastes interindividuels dans l'acquisition d'une langue, et par conséquent du lexique (Bassano, 1998).

Avant de produire un mot, l'enfant le comprend. Benedict (citée par Daviault, 2011) soutient qu'il comprend « cinq fois plus de mots qu'il n'en produit ». L'apparition des premiers mots de vocabulaire tant attendus par les parents s'effectue généralement entre 1 an et 2 ans (Bassano, 1998). Daviault poursuit en affirmant que les 50 premiers mots de l'enfant appartiennent au « lexique précoce », dont l'acquisition extrêmement lente s'étale sur une période de 6 mois. Il s'ensuit une phase de « boom lexical » surgissant à l'école maternelle, où le rythme d'acquisition des mots s'accélère fortement puisque l'enfant peut produire de « 4 à 10 nouveaux mots par jour » (Boysson-Bardies, 1996). On peut dire que le « lexique précoce » et le « boom lexical » demeurent les paliers phares du développement lexical chez l'enfant, étant donné l'abondance des informations partagées dans la littérature scientifique.

Nelson (cité par Bassano, 1998 et Docquier, 2012) met en évidence une « variabilité stylistique » des productions de l'enfant, et identifie deux genres : les jeunes possédant un style « référentiel » dont les mots principaux sont des noms (d' « objets, communs ») axés sur la concrétude de la vie, et ceux au style « expressif » détenant un vocabulaire plus étoffé, davantage orienté vers l'aspect pragmatique (exemples : « bonjour », « merci », « allô ? »). Il faut savoir que le sens initial donné à des représentations lexicales inédites est complètement approximatif, mais s'affinera avec l'expérience et les corrections adultes (Bruley & Painset, 2007 ; Daviault).

Figure 1. Différentes manières d'apprendre (Defays, 2003)

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Il est intéressant de préciser qu'universellement, les enfants franchissent les mêmes grandes étapes du développement langagier, et ce, relativement aux mêmes âges bien que « la variabilité des langues, le mode de transmission et le tempérament » importent. En revanche, le rythme d'acquisition lexicale est interdépendant de la structure générale de l'idiome. Par exemple, l'élaboration du vocabulaire d'un jeune enfant français se réalisera nettement plus lentement que celle d'un anglais, ceci s'expliquant par la complexité structurelle de la langue française (Bassano, 1998 ; Daviault, 2011). Boysson-Bardies (1996) stipule que « les variations individuelles, l'influence de la culture et la structure de la langue modulent déjà le choix et la distribution des premiers mots de l'enfant ». Bassano l'illustre en affirmant que la fréquence de production de noms domine chez les Français, tandis que les Chinois et les Coréens préfèrent énoncer des verbes.

? Acquisition du lexique en langue seconde :

Defays (2003) adhère à l'idée que l' « on peut très bien se passer d'enseignement pour acquérir une langue étrangère ». Le schéma voisin détaille ce phrasé.

Il distingue « l'apprentissage non-guidé, spontané, inconscient » de « l'apprentissage guidé à l'école sous le contrôle du professeur ». Le premier s'assimile à la façon d'apprendre une LM, en écoutant l'autre, en le plagiant et en tenant compte de ses feed-back : il permet d'entrer aisément en communication et de répondre aux besoins sociaux. Quant au second, il ne permet pas d'accéder d'emblée à une « situation réelle » communicationnelle étant beaucoup plus formel et dépourvu de naturel (à l'exception de l'immersion qui offre toute la communication dans la langue cible ou seconde, livrant des résultats plus probants) (Daviault, 2011). Par ailleurs, si un individu est soumis à ce type d'apprentissage, il est recommandé à l'instructeur de choisir des thèmes fonctionnels à étudier avec un certain nombre de mots associés (CRDP, 2012), et se fier à la fréquence de ces mots dans ladite langue. Plus un mot est fréquent, plus il sera fonctionnel pour celui qui l'apprend (Prince, 1999). Ces éléments occuperont une place importante dans ma pratique.

Il précise qu'une « participation active » et « une motivation personnelle » de l'apprenant sont indispensables, quelle que soit l'approche adoptée, pour acquérir un nouvel idiome et son lexique.

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Prince (1999) indique que les rapports entre L1 et L2 sont étroits. En effet, l'apprenant s'appuie sur sa langue première pour modeler sa langue seconde. Le « concept » d'un mot en LS sera déjà ancré, mais le réel travail réside dans son association à une « forme lexicale ». Un mot en L2 est automatiquement relié à son semblable L1 au niveau du réseau lexical. L'auteur ajoute que les liens sémantiques se renforcent généralement à vive allure, au gré des redondantes rencontres lexicales. Il spécifie qu'entrer en contact 6 ou 7 fois avec un même vocable, dans divers contextes, suffit à détenir sa vraie signification et à le produire spontanément. Le mot se place ainsi dans la mémoire à long terme de la personne, à son insu.

Le « code-switching est un phénomène typique des bilingues adultes et enfants » (Daviault, 2011). Le principe est que le locuteur emploie dans la même phrase des mots provenant des deux vocabulaires de ses deux langues, ce qui arrivait souvent en séance. Ceci amène certains auteurs à penser que les individus ne discernent pas les deux langues convenablement, à l'inverse de ceux qui pointent du doigt l'imitation du modèle parental (Daviault cite Genesee, 2001 ; Pert & Letts, 2006). Selon l'étude de Nicoladis et Genesee (1997) mise en avant par Daviault, les enfants âgés de 2 ans savent déjà quelle langue emprunter lorsqu'ils s'adressent à telle ou telle personne.

Un certain nombre de parents se persuade que l'apprentissage de l'idiome d'accueil, considéré comme plus prestigieux en raison des portes professionnelles qu'il permettra d'ouvrir ultérieurement à leur enfant, est néfaste non seulement pour la conservation de la culture originelle et LM, mais également pour la qualité de chacune des langues. Il faut mettre un terme à ces poncifs. De légères « interférences » naissent en toute normalité, mais aucun dommage linguistique n'est commis si ce n'est le rythme d'acquisition du vocabulaire futilement diminué (Defays, 2003 ; Rayna, 2011).

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand