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Comptines sur le bout de la langue.

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par Lisa Martin
HEL  - Baccalauréat en logopédie-orthophonie 2014
  

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DISCUSSION

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À travers cette étude, je me suis passionnée pour les jeunes enfants non francophones, déracinés de leur culture et de leur langue maternelle dès le processus de fréquentation scolaire enclenché. Des difficultés langagières découlent des complications pragmatiques, donc d'intégration. Je me suis penchée sur l'utilité du « bain de langage » et de la « comptine », deux procédés opérant en rééducation logopédique du langage oral, dans la phase d'apprentissage du vocabulaire, afin de savoir lequel des deux s'avérait être le plus fructueux.

Quatre enfants ont été sélectionnés, répondant aux critères d'inclusion précédemment cités. La seule observation permettait de dire que ces jeunes avaient un niveau de vocabulaire, en expression comme en production, beaucoup plus faible que celui des autres élèves de classe. Par conséquent, je n'ai pas jugé pertinent de leur administrer un test étalonné comme la N-EEL (dont l'échantillon se compose d'enfants francophones) pour effectuer une comparaison, sachant que les résultats allaient obligatoirement être égaux ou inférieurs à -2 ET (écart-type) et que l'interprétation allait se résoudre à une analyse qualitative. Par ailleurs, les items intégrant les différentes épreuves de lexique et de vocabulaire n'étaient pas indiqués pour la suite des événements, d'où la création de cinq lignes de base bâties uniquement sur des épreuves de dénomination et désignation.

Le choix des champs sémantiques, au nombre réduit, m'a paru difficile. Evidemment, l'attrait fonctionnel a déterminé la sélection. Les notions temporelles, importantes car rassurantes, devaient être inculquées mais, trop difficiles à illustrer et déjà abordées un minimum en classe, j'ai préféré laisser ce concept à l'enseignante.

Les résultats au prétest, logiquement attendus, ne font pas l'objet d'un franc succès. On peut assimiler la détresse de Necati et Dilahan à un gouffre lexical. La réception est aussi atteinte que la production, et l'effet de fréquence d'un mot en langue française ne semble pas avoir d'impact chez eux. Les quelques réussites sont dues à aux ressemblances phonétiques de quelques mots turcs et français (exemples : bottes, pantalon, pyjama, toilettes), mais également à la part de hasard qu'on ne peut écarter. Il est à noter que Necati utilise, pour la désignation (sélection d'une photo parmi quatre), sa stratégie consistant à désigner quasi constamment les photos en allant de droite à gauche. En ce qui concerne

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Naïsha et Ansarollah, légèrement plus avancés lexicalement que leurs camarades, les scores en réception surpassent nettement ceux en production. L'effet de fréquence semble, ici aussi, jouer un rôle minime dans la connaissance du vocabulaire.

Concernant la fréquence des mots présente au sein de cette expérience, il faut savoir que le but premier n'était pas de démontrer l'impact qu'elle pouvait avoir sur l'apprentissage lexical. Si des mots fréquents et moins fréquents apparaissent, c'est simplement parce qu'il est extrêmement difficile de trouver 24 mots appartenant à un même champ sémantique et de fréquence approximativement égale. La question était plus d'ordre pragmatique ici. Aussi, les effets de fréquence ne ressortaient pas suffisamment dans les résultats finaux, justifiant ainsi l'absence d'évocation de la fréquence dans les tableaux. L'essentiel était de s'attarder davantage sur la comparaison entre les mots travaillés et les mots contrôles, afin de souligner les bénéfices d'une prise en charge logopédique en langage oral, quelle qu'elle soit.

L'objectif d'augmenter le stock lexical des enfants en production et en réception était commun aux deux méthodes. Au départ, je ne souhaitais pas réaliser les séances si le binôme n'était pas au complet. Ceci m'a fait perdu un temps précieux, puisque j'ai pu remarquer que le taux d'absentéisme à l'école maternelle était très élevé. De cette perte de temps, il en découle des séances logopédiques très rapprochées et régulières entraînant sans aucun doute des répercussions mélioratives sur l'apprentissage des jeunes avec une rétention plus efficiente en comparaison avec une séance hebdomadaire. En m'adaptant suite aux conseils de professionnels, quelques séances se sont déroulées en compagnie d'un seul élève.

Le « bain de langage » m'a paru tout à fait adapté pour les deux participants du projet. Il semble convenir aux enfants compétiteurs et introvertis. La relation patient-thérapeute a été difficile à établir au début en raison de la méfiance des enfants et de l'incompréhension de la langue française. Les consignes précises et souvent redondantes installaient progressivement un climat de sécurité, poussant l'enfant à s'exprimer de plus en plus aisément. Lorsque la timidité s'atténuait, la prise de parole spontanée devenait régulière créant ainsi un temps d'échanges particuliers. Un atout non négligeable est le fait que la séance comporte deux activités, captivant davantage l'enfant et signifiant qu'il est

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confronté plus d'une fois au vocabulaire cible, ce qui renforce la mémorisation. Enfin, les diverses techniques d'aide à l'expression verbale (exemple : la verbalisation parallèle), également pratiquées en guidance parentale, permettent au thérapeute d'intervenir lorsque cela est nécessaire et ne laissent pas l'enfant dans l'erreur.

La « comptine », quant à elle, stimule grandement l'oreille musicale et donne des indices sur la structure syntaxique de la langue, bien que l'opportunité d'expression naturelle et spontanée ne soit pas forcément offerte aux enfants. Dans ces conditions, il est

ardu de s' « entraîner » à la construction syntaxique. La répétition favorise la
mémorisation engendrant l'ancrage des mots, certes. Il est alors possible d'absorber du vocabulaire dans un contexte unique, mais il est fort probable que le transfert en soit moins facilité. Contrairement au « bain de langage », les enfants ne peuvent pas appliquer la méthode des essais et erreurs puisque la « comptine » pédagogique est déjà établie : l'improvisation n'y a pas réellement sa place. En revanche, un point plus que profitable associé aux comptines est la gestuelle. Celle-ci constitue un moyen d'aide excellent pour encourager la compréhension, et amuse les enfants de surcroit. Elle a entièrement sa place en logopédie, mais il faudrait préférer son incorporation dans le « bain de langage » plutôt que de l'utiliser seule.

Cette expérience m'a appris à relativiser. Il y a des bienfaits à saisir dans toute chose, mais des limites surgissent inévitablement.

Il est certain que ce projet dans sa globalité présente, lui aussi, certaines limites. La taille de l'échantillon extrêmement réduite, l'absence de tests étalonnés réservés aux jeunes bilingues pour évaluer les difficultés langagière précises et les capacités cognitives des enfants représentent les principales imperfections de la méthodologie. En effet, en cours d'année, des spécialistes médicaux ont détecté des anomalies de développement chez Necati, ce qui pourrait expliquer la faiblesse des derniers résultats par rapport à ses camarades. D'autre part, les supports des comptines ont été améliorés graduellement. La création de comptines aurait pu être accompagnée d'un livre d'illustrations conçues par un professionnel, pour un affinement de la compréhension doublé d'un attrait et d'une évasion encore plus intenses. Par ailleurs, la qualité ne s'en trouverait qu'améliorée. Il ne s'agirait

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pas pour autant de supprimer la mimo-gestualité contribuant également à la compréhension.

Ce mémoire me permet désormais de répondre à ma problématique de départ. Les résultats ne mettent manifestement pas en évidence une différence d'efficacité dans l'apprentissage du vocabulaire entre l'atelier « bain de langage » et l'atelier « comptine ». Tous deux demeurent complémentaires. Au-delà du fait de valider ou d'invalider mon hypothèse initiale, j'affirmerais qu'une telle expérience sur le terrain enrichit inéluctablement autant les connaissances que les compétences logopédiques.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle