1.3.1.3 Aide juridique de première ligne
1.3.1.3.1 Définition
L'aide juridique de première ligne73 est
définie comme « l'aide juridique accordée sous la forme
de renseignements pratiques, d'information juridique, d'un premier avis
juridique ou d'un renvoi vers une instance ou une organisation
spécialisée74».
1.3.1.3.2 Organisation et conditions
d'accès
L'aide juridique de première ligne est organisée
par les différentes commissions d'aide juridique75 et est
assurée par des professionnels du droit, le plus souvent par des avocats
lors de permanence76.
L'aide juridique de première ligne est gratuite et
accessible à tous sans condition de revenu. Par conséquent,
toutes les personnes inculpées en liberté, condamnées en
liberté (et ex-détenues) peuvent en bénéficier afin
d'obtenir un premier avis quant à leur situation.
Ce type d'aide est un premier accès à
l'information juridique mais les avocats présents lors des permanences
sont souvent de jeunes diplômés et donc sans expérience. La
présence de personnes ayant plusieurs années de pratique n'y
ferait pas de mal mais les avocats les plus expérimentés n'ont
pas forcément envie de le faire en raison de la faible
rémunération s'y rapportant. Dès lors, il faudrait que
l'Etat Belge se pose la question de l'augmentation du prix des prestations
d'aide juridique.
68 L'inculpé quant à lui est la
personne contre laquelle il existe des indices sérieux de
culpabilité et contre laquelle une instruction est menée ; C. I.
Cr., art. 61 bis.
69 C. Jud., art. 674 bis.
70 Modifié par l'Arrêté royal
du 26 avril 2007 qui augmente les seuils d'accessibilité à l'aide
juridique de deuxième ligne et à l'assistance judiciaire et par
les arrêtés royaux des 19 août 2011 et 31 août
2011.
71 L'assistance judiciaire peut être totale ou
partielle comme dans le cadre de l'aide juridique de deuxième ligne.
72 Les personnes poursuivies devant la Cour
d'Assises.
73 A ne pas confondre avec l'accueil juridique de
première ligne.
74 C. Jud., art. 508/1,1°.
75 Il existe une commission d'aide juridique dans
chaque arrondissement judiciaire ; C. Jud., art. 508/2.
76 Ces permanences se tiennent au palais de
justice, dans les justices de paix et dans les maisons de justice mais aussi
dans certaines administrations communales, CPAS ou ASBL qui disposent d'un
service juridique.
21
1.3.1.4 Aide juridique de deuxième ligne
1.3.1.4.1 Définition
Les articles 446bis et 508/1 à 508/23 du Code
judiciaire et l'article 184bis du code d'instruction criminelle permettent
à tout inculpé, à tout prévenu ou à tout
accusé indigent, d'obtenir l'assistance gratuite d'un
avocat77.
L'assistance gratuite d'un avocat relève de l'aide
juridique de deuxième ligne. Celle-ci est définie par l'article
508/1 du Code judiciaire comme étant « l'aide juridique
accordée à une personne physique sous la forme d'un avis
juridique circonstancié ou l'assistance juridique dans le cadre ou non
d'une procédure ou l'assistance dans le cadre d'un procès y
compris la représentation au sens de l'article 72 ».
Un avocat est donc désigné afin de
procéder à un examen approfondi du dossier et, si cela
s'avère nécessaire, de représenter le justiciable indigent
devant les cours et tribunaux78.
1.3.1.4.2 Organisation
L'aide juridique de deuxième ligne est organisée
par le Bureau d'aide juridique79. C'est à ce dernier qu'il
appartient de désigner un avocat d'office afin d'assurer la
défense du justiciable indigent80. Le Bureau d'aide juridique
sera notamment chargé de contrôler la qualité des
prestations effectuées par l'avocat de manière à assurer
l'effectivité de ce droit81. Selon moi, ce système de
contrôle permet de pallier le manque d'expérience dans les
prestations d'aide juridique.
1.3.1.4.3 Conditions d'accès
Cette aide est octroyée à toute personne faisant
la preuve de son indigence sans condition de nationalité82.
Les Arrêtés royaux des 18 décembre 2003, 10 juin 2006, 7 et
19 juillet 200683 en définissent les conditions.
77 M., FRANCHIMONT, A., JACOBS, A., MASSEt,
Manuel de procédure pénale, coll. de la faculté
de droit de l'Université de Liège, Larcier, Bruxelles, 2012,
p.860.
78 Il s'agit là de la plus grande
concrétisation du droit à l'aide juridique consacré par
les différents instruments internationaux et par l'article 23 de la
Constitution Belge.
79 C. Jud., art. 508/7.
80 C. Jud., art. 508/13 ; Elle peut être
totalement ou partiellement gratuite.
81 C. Jud., art. 508/8.
82 Directive 2003/8/CE du Conseil du 27 janvier
2003 visant à améliorer l'accès à la justice dans
les affaires transfrontalières par l'établissement de
règles minimales communes relatives à l'aide juridique
accordée dans le cadre de telles affaires, J.O.C.E., L 26 du 31
janvier 2003, p.41 transposée en droit belge par les lois du 15 juin
2006, M.B., 31 juillet 2006, p. 37182 et du 1er juillet 2006,
M.B., 10 août 2006, p. 39178.
83 M., FRANCHIMONT, A., JACOBS, A.,MASSEt,
Manuel de procédure pénale, coll. de la faculté
de droit de l'Université de Liège, Larcier, Bruxelles, 2012, p.
861.
22
Dès que celles-ci sont remplies, l'Etat est dans
l'obligation de prendre en charge la rémunération des avocats des
personnes indigentes. Il faut souligner que l'Etat Belge prend en compte,
à juste titre selon moi, tant les ressources de la personne que sa
situation sociale.
1.3.1.4.3.1 Insuffisance des ressources
Seules les personnes n'ayant pas de ressources suffisantes
peuvent bénéficier, totalement ou partiellement84, de
l'aide juridique de deuxième ligne85. C'est le revenu mensuel
net86 du ménage au moment de la demande87 qu'il
faut prendre en compte afin d'octroyer ou non l'aide juridique de
deuxième ligne. L'Arrêté royal du 18 novembre
200388 en fixe les montants89 ainsi que les pièces
à produire90.
Relevons toutefois que les montants91 prévus
par la loi sont assez faibles. Par conséquent, certaines personnes
disposeront d'un revenu légèrement suffisant par rapport à
la loi mais seront précarisées dans les faits.
En effet, celles-ci devront choisir entre renoncer au service
d'un avocat (ce qui revient à dire que le droit d'avoir recours à
un avocat pour assurer sa défense n'est pas effectif, in
concreto, en droit belge) ou s'ils recourent à un avocat sans aide
juridique, ceux-ci seront placés dans une situation précaire,
notamment s'ils ont une famille à nourrir.
L'arrêté royal du 18 novembre 2003 comprend une
liste de personnes qui, en raison de leur situation, ont le droit de
bénéficier soit totalement soit partiellement de l'aide juridique
de deuxième ligne92.
Est présumé jusqu'à preuve du contraire
être une personne ne bénéficiant pas de ressources
suffisantes, la personne en détention, le prévenu visé par
les articles 216 quinquies à 216 septies du code
d'instruction criminelle, la personne malade mentale ayant fait l'objet d'une
mesure de protection, l'étranger, le demandeur d'asile ou la personne
qui a introduit une
84 L'article 2 de l'Arrêté royal du 18
novembre 2003 prévoit les cas où l'aide juridique de
deuxième ligne est accordée partiellement. Dans ces
différentes hypothèses, l'avocat, sous le contrôle du
bureau d'aide juridique, pourra demander une intervention modérée
au justiciable afin de couvrir ses prestations.
85 C. Jud., art. 508/13.
86 C. trav. Liège, 2 avril 2001, Chron.
D.S., 2002, p. 352.
87 Trib. trav. Liège (10e ch.), 17
janvier 2006, J.L.M.B., 2006, p. 288.
88 A. R. du 18 novembre 2003 déterminant les
conditions de la gratuité totale ou partielle du bénéfice
de l'aide juridictionnelle de deuxième ligne et de l'assistance
judiciaire, art. 1er et 2, M.B., 24 décembre 2003,
p. 60559.
89 Ainsi, la gratuité partielle sera
accordée si le revenu net du ménage se situe entre 953 et 1224
€ pour une personne isolée, et entre 1224 et 1439 € par mois
pour une personne isolée avec famille à charge. La
gratuité totale sera accordée dans l'hypothèse ou le
revenu du ménage net est inférieur à 1224 € par mois
pour les personnes isolées et 1056 € pour les personnes
isolées avec famille à charge (Du 1er avril 2016 au 21
août 2016).
90 G., DE LEVAL (dir.), Droit judiciaire - Manuel
de procédure civile, t. II, Bruxelles, Larcier, 2015, p.
263-264.
91 Arrêté royal du 18 novembre 2003
déterminant les conditions de la gratuité totale ou partielle du
bénéfice de l'aide juridictionnelle de deuxième ligne et
de l'assistance judiciaire, 2003, M.B., 24 décembre 2003, p.
60559.
92 C. Jud., art. 508/13.
23
demande de statut de personne déplacée, la
personne en cours de règlement collectif de dettes au même titre
que la personne surendettée93.
On voit donc que le détenu et le prévenu
bénéficient, en tant que tel et jusqu'à preuve du
contraire, de l'aide juridique de deuxième ligne. Ce choix du
législateur est judicieux car il prend en compte, de façon
limitée, l'impact financier d'une détention ou d'une
inculpation94.
1.3.1.4.3.2 Demande manifestement mal
fondée
Il est toutefois possible pour le bureau d'aide juridique de
rejeter les demandes « farfelues » ou concernant une action n'ayant
manifestement aucune chance d'aboutir95. Dans cette
hypothèse, le bureau d'aide juridique procède à un premier
examen du fond du dossier.
Comme le rappelle le professeur G. DE LEVAL, « cette
condition pose toutefois de nombreuses difficultés
d'appréciation, la loi ne donnant aucune précision quant à
cette notion96».
De plus, un premier examen du fond du dossier serait
inéquitable car seules les personnes précarisées y
seraient soumises puisque les personnes ayant les ressources financières
suffisantes n'auront, par définition pas recours l'aide juridique. A ce
titre, les remarques formulées préalablement en ce qui concerne
le droit européen s'appliquent mutadis mutandis.
1.3.1.4.4 Procédure
En cas d'octroi, le bureau d'aide juridique désigne un
avocat spécialisé dans le domaine concerné et dans la
langue du justiciable. S'il n'est pas possible de désigner un avocat
parlant la même langue, un interprète sera éventuellement
désigné97.
Il est capital que la personne poursuivie comprenne la
procédure à laquelle elle est soumise afin de faire valoir au
mieux ses droits de la défense. Dans les faits, le recours à un
interprète est très rare et les avocats sont contraints de parler
en anglais mais faut-il encore que le justiciable sache s'exprimer dans cette
langue. Dès lors, des problèmes de compréhension se
93 Ainsi que les bénéficiaires de
sommes payées à titre de revenu d'intégration ou à
titre d'aide sociale, les bénéficiaires de sommes payées
à titre de revenu garanti aux personnes âgées (GRAPA), les
bénéficiaires d'allocations de remplacement de revenu
handicapé, les personnes qui ont a leur charge une enfant
bénéficiant de prestations familiales garanties, les locataires
sociaux qui paient un loyer égal à la moitié du loyer de
base ou un loyer minimum, les personnes mineures ; A. R. du 18 novembre 2003
déterminant les conditions de la gratuité totale ou partielle du
bénéfice de l'aide juridictionnelle de deuxième ligne et
de l'assistance judiciaire, art. 1§2, M.B., 24 décembre
2003, p. 60559.
94 En tant que détenu cela se comprend plus
facilement car la détention suspend les allocations sociales. En tant
qu'inculpé, les saisies et les perquisitions menées durant
l'enquête peuvent avoir pour conséquence de priver
l'inculpé de certains revenus.
95 G., DE LEVAL, Droit judiciaire - Manuel de
procédure civile, t. II, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 266.
96 G., DE LEVAL, Droit judiciaire - Manuel de
procédure civile, t. II, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 266.
97 C. Jud., art 508/10 ; Service public
fédéral Justice, Un meilleur accès à la
justice, p. 14, en ligne.
24
font ressentir et peuvent avoir pour effet de rendre moins
effective la défense des droits du justiciable98.
Si la demande d'aide juridique de deuxième ligne est
rejetée, le justiciable a la possibilité d'introduire un recours
au greffe le tribunal du travail par requête écrite ou verbale. Ce
recours doit être introduit dans un délai d'un mois à
partir de la notification de la décision de refus du bureau d'aide
juridique99.
1.3.1.4.5 Retrait de l'aide juridique et
recouvrement
Le bureau d'aide juridique peut mettre fin à l'aide
juridique de deuxième ligne si le bénéficiaire ne
collabore manifestement pas à la défense de ses
intérêts100 ou s'il ne satisfait plus aux conditions de
revenus101/102.
L'Etat a la possibilité de récupérer
l'indemnité payée à l'avocat auprès du
bénéficiaire de l'aide juridique lorsqu'intervient une
modification de ses revenus103 et lorsqu'elle aura été
accordée suite « à de fausses déclarations ou
d'autres moyens frauduleux, lorsqu'il aura retiré un profit de
l'intervention de l'avocat qui lui aura été désigné
dans la mesure où, si ce profit avait existé au moment de la
désignation, l'aide ne lui aurait pas été
accordée104».
La récupération aura lieu par l'avocat qui
réclamera au bénéficiaire un état de frais et
honoraire que le BAJ aura lui-même dressé105.
J'estime que ce système est vicieux lorsque
l'indemnité est récupérée pour cause de
modification de revenus car il créé une dette pour le (ou
l'ancien) bénéficiaire alors qu'il sort à peine la
tête de l'eau au niveau financier.
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