1.2 FOCUS SUR LA JURISPRUDENCE DE LA COUR
EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME ET LE DROIT DE L'UNION
EUROPÉENNE
1.2.1 La jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme
1.2.1.1 L'article 6 de la CEDH : le droit fondamental de
se défendre seul ou avec l'aide d'un avocat
Le droit pour tout prévenu d'être effectivement
défendu par avocat figure parmi les éléments constitutifs
du procès équitable tel que défini par la Convention
européenne des droits de l'homme'0.
1.2.1.2 L'effectivité du droit à
l'assistance d'un avocat
La CEDH ayant pour objectif de protéger des droits non
pas théoriques mais concrets et effectifs, il est important d'avoir des
mécanismes qui permettront aux justiciables, in concreto,
d'accéder réellement et effectivement aux cours et tribunaux afin
de faire valoir leurs droits''. Le droit à l'assistance
juridique gratuite d'un avocat est un élément incontournable
compris dans le concept de procès équitable'2.
La Cour européenne des droits de l'homme'3 a
précisé'4 cela à de nombreuses reprises en
reconnaissant explicitement le droit à l'aide juridique en tant que
véritable droit économique
8 Une aide juridictionnelle est accordée
à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure
où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité
de l'accès à la justice, Ch.Dr.Fond.UE., 7
décembre 2000, art. 47§3 ; Ci-après la Charte.
9 A être présente au procès et
à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d'un
défenseur de son choix ; si elle n'a pas de défenseur, à
être informée de son droit d'en avoir un, et, chaque fois que
l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer
d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le
rémunérer, P.I.D.C.P., 16 décembre 1966, art.
14§3, d).
10 F. KUTY., Justice pénale et
procès équitable, t. II, Bruxelles, Larcier, 2006, p. 395 ;
Ci-après CEDH.
11 Conseil des barreaux européen,
Recommandations du CCBE sur l'aide juridique, 22 octobre 2010, p. 2,
en ligne.
12 C.E.D.H., 4 novembre 1950, art. 6§3,
c).
13 Ci-après la Cour.
14 C.E.D.H., 9 octobre 1979, aff.
Airey contre Irlande, n°6289/73 et C.E.D.H., 21
février 1975, aff. Golder contre Royaume-Unis,
n°4451/70.
12
et social indissociable de la notion de procès
équitable au sens de l'article 6 de la CEDH15. Il est donc
crucial pour l'équité du système pénal que
l'accusé soit adéquatement défendu16.
1.2.1.3 Le droit à l'aide juridictionnelle : un
droit conditionné
A travers sa jurisprudence, la Cour a développé
les mesures positives que les Etats membres devaient prendre concernant le
droit à l'aide juridictionnelle.
Ainsi, la Cour n'a pas manqué de spécifier que
l'octroi de cette aide pouvait être assorti de conditions17
comme la démonstration de l'absence de ressources suffisantes ou
nécessaires pour faire face aux frais de justice18. De plus,
l'attribution de cette aide doit, in concreto, être
indispensable à un accès effectif au juge et servir les
intérêts de la justice19.
A cet égard, je pense que l'intérêt de la
justice est toujours atteint à partir du moment où l'on aide une
personne indigente à se défendre quel que soit les faits.
1.2.1.3.1 Le droit à l'aide juridique :
réservé aux prétentions sérieuses
La Cour a admis que le bénéfice d'une aide
juridictionnelle en matière pénale comme en matière civile
pouvait être réservé aux prétentions
sérieuses tout en respectant l'intérêt de la justice. En
raison des limites des ressources disponibles, il est possible de limiter
l'accès à l'aide juridictionnelle « aux demandeurs dont
le recours a une chance raisonnable de
succès20».
Cependant, je pense que l'intérêt de la justice
ne peut pas être respecté si l'on prive une personne de se
défendre uniquement parce que certaines instances considèrent que
le dossier en question n'a pas de chance raisonnable de succès.
La Cour a néanmoins considéré que cela
n'était pas incompatible avec l'exigence du procès
équitable21. Elle a par exemple décidé cela
dans la situation où une personne est condamnée
équitablement en première instance et n'a aucune chance
objective de succès en appel22.
Les juges dissidents TULKENS et LOUCAIDES voient dans ce
système de contrôle « quelque chose d'inéquitable
pour les justiciables puisque eux seuls sont soumis à un examen
préalable
15 C.E.D.H., 9 octobre 1979, aff.
Airey c. Irlande, n°6289/73 et C.E.D.H., 21 février
1975, aff. Golder c. Royaume-unis, n°4451/70.
16 C.E.D.H., 22 septembre 1994, aff. Lala
c. Pays-Bas, n° 14861/89, §33.
17 C.E.D.H., 9 juin 1998, aff. Twalib c.
Grèce, n°24294/94.
18 C.E.D.H., 25 septembre 1992,
aff. Croissant c. Allemagne, n°13611/88.
19 G. DE LEVAL, Le droit processuel &
judiciaire européen, Bruxelles, La Charte, 2002, p. 301 ; F. KUTY.,
Justice pénale et procès équitable, t. II,
Bruxelles, Larcier, 2006, p. 395.
20 C.E.D.H., 19 septembre 2000, aff.
Gnahoré c. France, n°40031/98, § 41.
21 C.E.D.H., 19 septembre 2000, aff.
Gnahoré c. France, n°40031/98, § 41.
22 F. KUTY., Justice pénale et
procès équitable, t. II, Bruxelles, Larcier, 2006, p. 401 ;
C.E.D.H., 26 février 1997, Lorthioir c. France.
13
du caractère sérieux de leur
recours23». De plus, « si la personne poursuit
néanmoins, sans l'assistance judiciaire refusée, la
procédure (...), elle le fait nécessairement avec un
préjugé quant au caractère sérieux des moyens
soulevés, ce qui la place dans une situation de désavantage par
rapport au justiciable qui n'a pas formulé de demande au titre de l'aide
juridictionnelle24».
Enfin, selon F. KUTY, cette jurisprudence est un «
regrettable infléchissement de la jurisprudence de la
Cour25». En effet, limiter le droit à l'aide
juridictionnelle pour les causes considérées comme « perdues
» constitue, selon moi, une entaille au droit à un procès
équitable.
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