2.1.1.3 Raison de ce choix politique
Le principal objectif du législateur est de
préserver l'égalité entre les allocataires détenus
vis-à-vis des allocataires « libres » et vis-à-vis des
autres détenus qui ne jouissaient pas d'allocations sociales avant leur
détention111.
Dans les faits, cela se traduit malheureusement par une
inégalité entre les détenus qui ont ou n'ont pas de
famille pouvant les soutenir financièrement.
2.1.1.4 Critiques de ce choix politique 2.1.1.4.1
Manque de cohérence
Les dispositions concernant la suspension des allocations de
sécurité sociale en cas de détention diffèrent
énormément entre elles. Il en résulte qu'un secteur de la
sécurité sociale est suspendu entièrement, partiellement
ou voire pas du tout en fonction des dispositions112.
En plus de créer une situation de grande
précarité, ce système créé une certaine
angoisse en raison de la multitude des normes applicables.
2.1.1.4.2 Double peine
L'article 23 de la Constitution Belge consacre le droit
fondamental à la sécurité sociale pour toute personne.
Plus particulièrement et conformément à l'article 6§1
de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, «
le détenu ne peut subir d'autres restrictions de ses droits sociaux
que celles qui résultent de la privation de liberté ou qui lui
sont indissociablement liées, et celles qui sont
déterminées par ou en vertu de la loi ».
Par conséquent, il n'est possible de suspendre le droit
à la sécurité sociale que si les mécanismes
alternatifs qui les prennent en charge assurent, effectivement, une protection
équivalente113.
A y regarder de plus près, l'intervention du SPF
Justice ne peut pas être considérée comme
équivalente aux régimes d'assistance et d'assurance sociale. Le
principe de suspension est
111 X., « Les limitations au droit à la
sécurité sociale des détenus: une double peine ? »,
in V. VAN DER PLANCKE, G. VAN LIMBERGHEN (sous la direction de),
R.D.P.C., 16, La Charte, 2010, Bruxelles, p. 56.
112 Par ailleurs, l'entrée en vigueur de la suspension
aura lieu directement ou de façon différée et s'appliquera
tantôt aux allocataires détenus en prison, tantôt aux
détenus au sens large. De plus, lors de la remise en liberté, la
suspension des différentes allocations de sécurité sociale
sera levée de façon différente en fonction du type
d'allocations ; Voir à cet effet VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN,
G., La sécurité sociale des (ex)-détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 150, 178, 193, 207, 231, 258, 286,
304, 312, 347 et 361.
113 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 50 et 70.
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alors vu comme une sanction supplémentaire
résultant de la détention114. Or, il paraît que
l'on ne peut pas être puni deux fois pour les mêmes faits.
2.1.1.4.3 Situation familiale du
détenu
La justification selon laquelle la suspension des allocations
sociales réside dans la prise en charge du détenu par le SPF
Justice perd tout son sens dans la mesure où le SPF Justice ne couvre
que les besoins de la personne détenue et non de sa famille.
En effet, si l'allocataire venait à être
emprisonné, ses prestations seraient suspendues totalement ou
partiellement ce qui entrainerait des conséquences catastrophiques pour
sa famille. Cette situation violerait le principe de limitation des effets
préjudiciables de la détention consacré par la loi de
principes du 12 janvier 2005 qui exclut que la famille du détenu souffre
de privations qui découleraient de la détention de l'un de ses
proches115.
Il est donc nécessaire que toutes les dispositions
relatives à la suspension des allocations de sécurité
sociale en cas de détention prennent en considération l'existence
des membres de la famille détenu116. Or, tel n'est pas le cas
à l'heure actuelle.
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