2.6 Résonance stochastique
Description générale de la résonance
stochastique
La résonance stochastique est un
phénomène non linéaire dans lequel la transmission par
certains systèmes non linéaires d'un signal utile ou
cohérent, peut être améliorée par l'ajout de bruit
au système [43], [55], [57]. Ce phénomène paradoxal a
été introduit il y a une quinzaine d'années dans le
contexte de la dynamique des climats [43], [59]. Au cours des diverses
études qui ont suivi, le cadre de la résonance stochastique s'est
progressivement élargi. Aujourd'huit, la résonance stochastique
apparaît comme un phénomène non linéaire
général, observable dans de nombreux systèmes, et qui
désigne un effet de transmission du signal favorisé par le bruit
[57]. On peut maintenant inscrire ce phénomène dans le cadre
général des signaux et systèmes dynamiques complexes (non
linéaires) oÙ il se présente comme un paradigme illustrant
la possibilité dans de tels processus d'extraire de l'ordre hors du
désordre, ou de l'information utile hors du bruit.
La résonance stochastique peut revêtir diverses
formes, selon les types considérés pour le signal utile, le
bruit, le système de transmission et la mesure de performance qui se
voit améliorée par l'ajout de bruit. Les signaux utiles ou
cohérents impliqués dans la résonance stochastique peuvent
être des signaux
de forme connue ou des signaux porteurs d'information. Ces
signaux peuvent prendre par exemple la forme de signaux périodiques, on
parle alors de résonance stochastique périodique. Ils peuvent
aussi être des signaux apériodiques déterministes ou
aléatoires, on parle alors de résonance stochastique
apériodique. Les signaux de bruit considérés peuvent
être de distributions statistiques et de structures de corrélation
diverses. Ils peuvent être par exemple de type gaussien, blanc ou
coloré. Les systémes présentant la résonance
stochastique sont de types variés mais ils sont tous non
linéaires. La résonance stochastique se manifeste par une
amélioration de la transmission du signal utile, obtenue grâce
à une augmentation du niveau de bruit. Selon le
contexte, on peut définir différentes mesures pour
caractériser cet effet. Dans le cas de Signaux utiles
périodiques, on peut définir par exemple un rapport signal sur
bruit dans le domaine fréquentiel à partir de la
densité spectrale de puissance du signal de sortie [55]. Pour des
signaux utiles apériodiques, on peut calculer par exemple un coefficient
de corrélation entrée sortie , ou une information mutuelle
entrée sortie . En présence de résonance stochastique, ces
mesures suivent une évolution non monotone, passant par un maximum, en
fonction du niveau de bruit. Dans la suite, nous allons revenir en
détails sur les propriétés des signaux et systémes
qui participent au phénomène de résonance stochastique.
Aperçu historique de l'étude de la
résonance stochastique :
La résonance stochastique a été
introduite pour la première fois dans le contexte de la dynamique des
climats, au début des années 1980. Il s'agissait d'expli-quer la
récurrence régulière des ères glaciaires
[43],[2],[59] par la proposition du schéma suivant. Une ère
glaciaire résulte de variations importantes de l'enso-leillement
terrestre. Ces variations peuvent provenir de deux sortes de causes. La
première est une cause périodique due à
des variations d'excentricité de l'orbite terrestre, que l'on
considère comme un signal cohérent du fait de sa
périodicité. La deuxième est une cause aléatoire
due à des fluctuation du rayonnement solaire, que l'on
considère comme un bruit incohérent du fait de son
caractère. erratique. La cause périodique est d'iflnuence
insuffisante et elle n'est pas la seule qui provoque une ère glaciaire.
Cependant, l'intéraction de la cause aléa-
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toire avec la cause périodique permet la survenue d'une
façon régulière des ères glaciaires. Il
apparaît donc que
d'influence sur le résultat de la cause
périodique cohérente peut être renforcée par la
cause aléatoire.
A partir de cette première introduction, la
résonance stochastique a progressivement été
étendue à différents types de systèmes non
linéaires. Elle a été étudiée tout d'abord
dans le cas de la transmission de signaux périodiques par des
systèmes dynamiques non linéaires bistables ou plus
généralement multi stables [2],[59] Les systèmes de ce
type sont gouvernés par des champs de potentiel possédant des
états stationnaires stables, séparés par des
barrières de potentiel qui peuvent être franchies sous l'influence
conjointe du signal et du bruit.
La résonance stochastique a été ainsi
mise en évidence dans différents systèmes dynamiques
bistables tels que des systèmes mécaniques [63],[52], des
circuits électroniques [1], des systèmes optiques à lasers
,[55], des systèmes magnétiques.
Par la suite, il a été montré [65] que la
bistabilité n'était pas indispensable pour l'apparition de
résonance stochastique. Celle-ci peut en effet avoir lieu dans des
systèmes dynamiques non linéaires gouvernés par des
potentiels monostables, c'est-a-dire présentant un seul état
stable [64], [52].
L'effet a aussi été étendu aux
systèmes excitables, [47], [50], [53]. Ces systèmes
présentent un état de repos stable dont ils ne peuvent sortir que
sous l'influence d'une excitation suffisamment forte. Celle-ci provoque alors
une excursion déterministe qui entraîne le système loin de
son état de repos et l'y ramené ensuite. Pour certains de ces
systèmes excitables, l'excursion déterministe peut être
réalisée par l'émission d'une impulsion en sortie, suivie
du retour a l'état de repos du système.
Plus récemment, la résonance stochastique a
été observée pour des systèmes sans une dynamique
excitable avec retour spontané à l'état de repos, et
gouverné uniquement par une dynamique à seuil . Dans ce cas, la
sortie du système ne dépend à chaque instant que de
l'amplitude du signal bruité en entrée, par
rapport à un seuil, Enfin dans des études encore
plus récentes, des systèmes sans retour spontané à
l'état de repos et sans seuil ont également été
étudiés comme présentant de la résonance
stochastique [44].
L'ensemble de ces développements a progressivement
élargi le cadre de définition de la résonance
stochastique. Une avancée supplémentaire a été de
montrer les liens de ce phénomène avec d'autres situations
où le bruit peut jouer un rôle bénéfique notamment
avec le "dithering noise" utilise lors de la conversion analogique
numérique d'un signal ou dans le codage d'une image[49].
2.6.1 Présentation des systémes dynamiques
non linéaires bistables
Considérons un signal sinusoidal s(t)
= Asin(2ðt/Ts) et un bruit stationnaire
ç(t) appliqués en entrée d'un
systéme dynamique non linéaire dont l'état
x(t) évolue suivant
x3(t)
Ex.(t) = x(t) - +
s(t) + ç(t) (2.66)
x2
b
avec les paramètres xb > 0 et E
> 0.
Une telle évolution caractérise un
système forcé par l'entrée s(t) +
ç(t) et dont la relaxation libre Ex.
= -dU/dx est gouvernée par le potentiel "quartique"
Ce potentiel à double puits est
représenté sur la Fig. 2.5 Un tel système
possède deux états stationnaires stables +-Xb
correspondant aux deux minima du potentiel U(x =
+-Xb) = -Xb/4 séparés par une
barrière de potentiel de hauteur U0 =
X2 b /4
Si on interprète mécaniquement
l'évolution du système, l'Eq. (2.66) décrit le
mouvement en régime suramorti (l'inertie x.. est
supposée négligeable devant les forces de frottements visqueux
x.) d'une particule dans le potentiel
U(x)
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FIGURE 2.5 - Potentiel bistable quartique à double
puits de l'Eq. (2.2) présentant deux minima en
+-Xb
séparés par une barrière de potentiel
de hauteur U0.
soumise à la force extérieure s(t) +
ç(t)
En présence de l'excitation périodique s(t)
seule et d'amplitude trop faible, la particule ne peut pas franchir la
barrière de potentiel située autour de l'origine. Elle oscille
alors périodiquement en restant confinée dans l'un des deux puits
situés autour des minima du potentiel.
Si l'on ajoute un bruit ç(t) de faible
amplitude, celui-ci pourra permettre occasionnellement à la particule de
franchir la barrière de potentiel. Il en résulte alors en sortie
une succession de transitions entre les deux puits du potentiel. Ces
transitions sont corrélées avec le signal périodique en
entrée s(t) car elles sont produites par l'action conjointe du
signal s(t) et du bruit. En augmentant l'amplitude du bruit on
augmente d'abord la probabilité de survenue de transitions
cohérentes et on renforce ainsi la corrélation du signal de
sortie (un signal binaire qui indique dans quel puits se trouve la particule)
avec le signal s(t) d'entrée. En continuant d'augmenter
l'amplitude du bruit, les transitions produites par la seule influence du bruit
deviennent de plus en plus fréquentes, ce qui provoque progressivement
une diminution de la corrélation de la sortie avec l'entrée
périodique. jusqu'à un niveau optimal de bruit. Puis il provoque
ensuite une décroissance de cette corrélation
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