Chapitre premier : GENERALITE SUR LA CHAINE DE VALEUR
AGriCOLe
2.1. Cadre théorique :
2.1.1. Approche chaîne de valeur
Historiquement, la notion de «chaîne de
valeurs» tire son origine de la notion de «filière»
(Raikes et al. 2000). Dans une analyse de filière, on se
préoccupe de l'analyse de la succession d'actions menées par les
acteurs pour produire, pour transformer, pour vendre et pour consommer un
produit. Ces acteurs ne se connaissent pas nécessairement. Dans une
chaîne de valeurs, par contre, les acteurs se supportent mutuellement et
chacun travaille dans le souci d'améliorer la
compétitivité de l'autre et surtout en visant la satisfaction du
consommateur (KIT, Faida MaLi et IIRR, 2006). A l'intérieur d'une
filière donnée, on peut rencontrer plusieurs chaînes de
valeurs.
De ce point de vue, une chaîne de valeurs peut
être définie comme l'ensemble des activités qui sont
nécessaires pour amener un produit ou un service du lieu de conception
aux consommateurs finaux, en passant par les différentes phases de
production (impliquant une combinaison de la transformation physique et
l'apport de services aux différents producteurs) et de livraison aux
clients finaux (Kaplinsky 1999 et Morris, 2003).
Il convient de mentionner que le concept « chaîne
de valeur » fut introduit dans la littérature économique
pour la première fois par Michael Porter dès 1985. Pour cet
auteur, le concept s'appliquait au secteur industriel et décrivait
l'ensemble des activités devant concourir harmonieusement à
produire et à vendre un produit en permettant aux intervenants à
tous les niveaux d'engranger les meilleurs bénéfices possibles.
Dans cette perspective, l'auteur identifie deux types d'activités dans
une organisation, les activités primaires (ou principales) de
l'organisation et les activités de support. Les activités
primaires sont celles qui ajoutent de la valeur au produit de l'organisation
tandis que les activités de support sont celles qui contribuent aux
réalisations des activités principales, telles que les fonctions
d'administration, les finances ou les TIC.
Dans l'industrie, la chaîne de valeur comprend
plutôt l'ensemble des firmes fournissant les intrants y compris les
matières premières en amont, l'entreprise qui fabrique le produit
lui-même et les firmes qui interviennent dans diverses activités
en aval du produit
Les chaînes de valeur gouvernée(s) par le(s)
producteur(s), qui sont celles dans lesquelles le(s) producteur(s) impulse(nt)
et contrôle(nt) les activités de la chaîne ; C'est le cas
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pour sa commercialisation et/ou sa distribution jusqu'au
consommateur final national ou international.
La chaîne de valeur s'installe alors entre ces acteurs
lorsqu'ils collaborent pour améliorer la qualité du produit,
accroître l'efficacité de leurs actions ou diversifier leurs
productions pour engranger plus de bénéfices à chaque
niveau de la chaîne et accroître leur performance sur le
marché.
Cependant l'application du concept a atteint au fil des
années d'autres domaines que l'industrie. Les partenaires au
développement se servent de ce concept pour concevoir leur
stratégie d'appui aux secteurs pouvant contribuer à la lutte
contre la pauvreté dans des pays en développement, surtout dans
le domaine agricole au sens large. Ceux-ci mettent un accent particulier sur la
structuration de la chaîne basée sur la capacité du produit
agricole final à accéder aux marchés local et global. Ils
essayent d'organiser les petits producteurs pour qu'ils tirent les meilleurs
bénéfices de leur labeur et vivent plus décemment avec
leurs familles ; la finalité étant d'aider les pays à
réduire l'extrême pauvreté et de la faim.
Lorsque ce terme est orienté vers le secteur agricole,
on parle de la chaîne de valeur agricole. A ce titre, elle identifie
l'ensemble d'acteurs (privés et publics y compris les prestataires des
services) et d'activités qui font passer un produit agricole de base
dès sa production dans le champ jusqu'au consommateur final, chaque
étape ajoutant une valeur au produit (USAID, 2007). Le processus peut
inclure la production, la transformation, l'emballage, le stockage, le
transport et la distribution. La chaîne de valeur agricole permet donc
d'intégrer les différents acteurs intervenant dans le processus
de production, de transformation et de la commercialisation des produits
agricoles chaque maillon de la chaîne ayant au moins une liaison en amont
et/ou en aval.
Tous les théoriciens de la chaîne de valeur
mettent un accent particulier sur le rôle de la gouvernance de la
chaîne de valeur ; il s'agit de déterminer qui gouverne
l'interdépendance des acteurs de la chaîne. Les
spécialistes en la matière (Kaplinsky et Morris, 2001) retiennent
deux types des chaînes de valeur : notamment les chaînes de valeur
gouvernées par le(s) producteur(s) et les chaînes de valeur
gouvernées par le(s) acheteur(s).
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des chaînes contrôlées par des firmes
nationales et des multinationales ou des producteurs organisés en
coopératives hiérarchisées ; par contre les chaînes
de valeur gouvernée(s) par le(s) acheteur(s) ou par le marché,
qui sont celles contrôlée(s) par les grands groupes chargés
de la commercialisation du produit ou même par le marché boursier.
Ces dernières sont parfois appelées chaînes de valeur
globales parce qu'elles s'étendent sur plusieurs continents. Les deux
types de gouvernance s'appliquent aux produits agricoles selon le cas.
La chaîne de valeur vue sous l'angle du
développement du secteur agricole s'apparente à une
filière agricole structurée autour d'une organisation. Son
avantage comparatif par rapport à une agriculture traditionnelle
réside dans le fait qu'elle vise à la fois
l'élévation du niveau de vie des petits producteurs, le
développement de l'entreprenariat et des PME, une productivité
élevée et des produits de qualité
contrôlée.
Les acteurs qu'on retrouve généralement dans une
chaîne de valeurs inclus les fournisseurs d'intrants, les producteurs,
les transformateurs, les transporteurs, les collecteurs, les grossistes, les
détaillants et les consommateurs finaux. Il y a un ensemble
d'activités de transformation, de conditionnement, de stockage, de
transport, de labellisation du produit fini et autres dans la chaîne, qui
sont toutes liées les unes aux autres. A chaque étape, le produit
se voit ajouter de la valeur grâce au processus de cette étape.
Dans cette étude, nous allons nous limité à quatre types
d'acteurs : les producteurs, les transformateurs, les commerçants et les
transporteurs. On y retrouve également différents types de
relations ou de «liens»: les relations entre les activités,
les relations entre les entreprises/acteurs, les relations entre l'entreprise
et ses acheteurs et les fournisseurs. Les relations entre acteurs peuvent
être horizontale (c'est-à-dire entre acteurs se trouvant dans la
même branche ou activité) ou verticale (relation avec agent se
trouvant dans d'autres secteurs).
Selon Shank et Govindarajan (1992 et 1993), une analyse de
chaîne de valeurs prend explicitement en compte l'interdépendance
entre les activités des acheteurs et des fournisseurs. Dans cette
analyse, la chaîne de valeurs est décomposée en
activités stratégiquement pertinentes.
Ensuite les coûts, les revenus et les actifs sont
affectés à ces «activités à valeur
ajoutée». En réalité, il n'existe pas de
méthode unique pour l'analyse de chaîne de valeurs. Mais, il y a
de bonnes raisons de recommander l'utilisation d'une combinaison de
méthodes qualitatives et quantitatives aussi bien dans la collecte que
dans l'analyse des données. Selon
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Rich et al. (2011) l'utilisation de l'approche qualitative seule
ne permet pas de répondre aux questions telles que :
(i) quand (et comment) investir et (ii) quel sera l'impact
économique d'interventions spécifiques sur les différents
acteurs de la chaîne?
Au plan pratique, il existe quatre (4) principales composantes
dans une analyse de la chaîne de valeurs (Kaplinsky et Morris, 2001)
comme présenter sur la figure 1.1 ci-dessous :
Figure 1.1. Principales composantes dans une analyse de
chaîne de valeurs
Cartographie des chaînes et caractérisation des
acteurs
Analyse de la gouvernance dans chaque chaîne
Analyse des possibilités de perfectionnement
Calcul et analyse de la répartition des
bénéfices
la cartographie et la caractérisation des acteurs
participant à la production, la distribution, le marketing et les
ventes d'un produit particulier;
une évaluation des mécanismes de gouvernance
de la chaîne de valeurs, en termes de structure des relations et des
mécanismes de coordination qui existent entre les acteurs de la
chaîne de valeurs, de manière à identifier les arrangements
institutionnels qu'il serait indispensable de cibler pour améliorer les
capacités, remédier aux distorsions distributionnelles et pour
accroître la valeur ajoutée. L'analyse de la gouvernance permet
d'identifier les gouverneurs-clés de chaque chaîne de valeurs. Vu
l'objectif assigné à ce travail, nous allons essayer de faire un
aperçu sur cette étape de gouvernance de la chaîne de
valeur.
une analyse des possibilités de perfectionnement
au sein de la chaîne par les différents acteurs de la
chaîne,
le calcul et l'analyse de la répartition des
bénéfices dans et entre les acteurs de la chaîne pour
déterminer celui à qui profite la chaîne de valeurs, quels
acteurs pourraient
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bénéficier d'un soutien accru ou une organisation
particulière. Ces opérations passent par la détermination
des indicateurs retenues dans le tableau 1.1 ci-dessous :
Tableau 1.1. Eléments d'identification des
gouverneurs-clés d'une chaîne de valeurs
Indicateurs
Part des ventes dans la chaîne
|
Forces et faiblesses
Pas un indicateur fort étant donné qu'on peut
vendre de grandes quantités sans avoir d'influence
|
Source de données Les bilans
|
Part de la valeur
ajoutée de la chaîne
|
Un meilleur indicateur pour mesurer la taille car il
reflète la part des activités de la chaîne
|
Interviews au niveau des
entreprises
|
Part de profit de la chaîne (maillon)
|
Peut être un bon reflet de la puissance de la
chaîne, mais peut également découler d'un contrôle
monopolistique sur les matières
premières rares et, Peut avoir peu d'influence sur
le traitement en aval
|
Les bilans, mais il est probable
que ces données ne seront
disponibles que pour les entreprises publiques
|
Taux de profit
|
Un mauvais indicateur puisque les petits
acteurs de la chaîne peuvent être
relativement rentables, mais ont peu d'influence
|
Les bilans, mais il est probable
que ces données ne soient
disponibles que pour les entreprises publiques
|
Part du pouvoir
d'achat dans la chaîne
|
Un bon indicateur de la puissance, en
particulier s'il existe des asymétries, c'est- à
dire que leur dépendance à l'égard de ses fournisseurs est
inférieure à leur dépendance vis-à-vis de
l'entreprise leader
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Interviews au niveau des
entreprises
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Détenteur de l'identité
du marché de la chaîne
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Peut-être critique dans les marchés où
l'image de marque est très importante
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Interviews au niveau des
entreprises, étude de marchés
|
Source : Adapté de Kaplinsky et Morris (2001)
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