0.2 DEFINITION DU PROBLEME DE RECHERCHE
Au Sud-Kivu, la majorité de la population s'occupe de
l'agriculture ; et, le manioc y constitue l'une des principales cultures
vivrières. (Ahadi, 2013).
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Le manioc est un produit essentiel sur la majeure partie du
pays, particulièrement à l'Est du pays2. La production
totale actuelle est estimée à 15 millions de tonnes, en nette
régression par rapport à celle réalisée en 1991 (20
millions). Le rendement moyen est de 7 à 8 tonnes/ha ; il est
manifestement faible pour ces principales raisons : l'utilisation des
variétés traditionnelles à faible productivité et
sensibles aux maladies3 et aux insectes et l'utilisation de
techniques culturales inadéquates (Chausse, Kembola et Ngonde, 2012,
p.17). Il convient de noter à cet effet que, la faiblesse des rendements
du manioc est aussi liée à la baisse tendancielle des prix
agricoles, des mauvais états des infrastructures d'évacuation des
produits vers les débouchés, entrainant des coûts des
transactions énormes provoquant ainsi une baisse de la production.
(Lusenge, 2006 ; cité par Ahadi, 2013). La FAO, le SECID (USAID) et
l'IITA appuient la relance de la production par le biais d'un programme visant
à la multiplication et à la distribution
accélérée de boutures saines de variétés
sélectionnées pour leur tolérance ou leur
résistance à la mosaïque.
Comme sur toute l'étendue du pays, la transformation
agroindustrielle du manioc (pour la fabrication de l'amidon et comme un
substitut du blé dans la fabrication du pain, des biscuits et des
gâteaux) reste encore non effective au niveau des ménages dans la
province du Sud-Kivu dit au non accès à la technologie. La
transformation du manioc est artisanale et manuelle. Le manioc frais, cossettes
de manioc, le chikwangue, le foufou de manioc et farines de manioc constituent
dans la plupart des cas les produits finis les plus commercialisés.
Dans la province du Sud-Kivu, et dans le territoire de Kalehe
en particulier, la culture du manioc mobilise une main d'oeuvre relativement
peu qualifiée et est pratiquée par les ménages ruraux. La
main d'oeuvre familiale, suivie de la main d'oeuvre salariée sont
dominantes dans les exploitations et sont utilisées pour toutes les
opérations culturales et de transformation post-récolte.
Les femmes sont les principaux acteurs au niveau des maillons
de transformation et de commercialisation. Les petits exploitants qui cultivent
1-2 ha environs, font encore recours aux anciennes variétés et
à des technologies de production traditionnelles, ils ne
possèdent pas des outils mécanisés, utilisent peu
d'engrais, et d'autres intrants, ne sont pas organisés et vendent leurs
produits principalement aux commerçants informels ou sur le
marché local. A
2 Sud-Kivu, Nord-Kivu, Maniema.
3 La mosaïque, l'anthracnose et la cochenille
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cela s'ajoute l'enclavement des zones productrices et le quasi
inexistence de financement des activités du monde rural ; l'agriculture
en particulier. Les IMF encore implantées dans le milieu ont
dévié leur mission ; celle de financement des pauvres. Ces
raisons expliquent aussi les faibles rendements qu'on enregistre dans ce
sous-secteur (N'SIMIRE Balika, Mai, 1012).
L'enclavement des zones de production prive les populations de
l'accès aux services des marchés et les distances séparant
les zones rurales de centres urbains de consommation deviennent le cadre
d'activités d'une multitude d'intermédiaires dont la structure,
le comportement et les performances en termes de gestion de l'information et de
pouvoir de marchés, accès aux services des marchés,
coûts de transactions réduisent les marges de profitabilité
des producteurs (Mastaki, 2006 cité par Mpanzu Balomba, 2013).
Quand c'est l'acheteur qui fait le déplacement dans les
zones les moins enclavées, les prix sont dictés par celui-ci et
d'un niveau de rémunération généralement bas
décourageant ainsi les producteurs à produire pour le
marché. En plus de ces contraintes physiques, ils font face à une
série de tracasseries portant sur des prélèvements fiscaux
de diverses natures.
Cela étant, la présente étude s'inscrit
dans la perspective de chaîne valeur plutôt que celle de la
filière en ce sens que l'approche chaîne de valeur permet de
diagnostiquer les problèmes et de trouver des voies
d'amélioration de la situation au niveau des maillons à faibles
marge.
La chaîne de valeur agricole, et particulièrement
de la filière manioc est un sujet bien documenté en ce sens
qu'elle a déjà fait l'objet de plusieurs recherches scientifiques
à travers le monde en vue de sa promotion. Cependant cette analyse
semble ne pas être abordée pour le cas de la République
Démocratique du Congo, d'où l'importance de cette
étude.
L'étude sur « le diagnostic actualisé de la
filière manioc pour une analyse de la chaîne des valeurs
ajoutée » menée par Diancoumba en 2008, a montré
comment la filière est organisée au Burkina Faso. Elle a permis
aussi de connaître la valeur ajoutée des activités de
chaque maillon, de dégager les forces et les faiblesses de la
filière. Tougma et al (2008) ont cherché à comprendre
l'organisation du maillon de transformation d'attiéké au
Burkina. Cette étude a abordé la rentabilité
financière de transformation de l'attiéké uniquement en
occultant les autres produits dérivés comme le tapioca et le gari
etc.
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Les études de CALVOSA (2008) sur les
potentialités de commercialisation dans les marchés
CEMAC4, ont permis de déterminer les produits
dérivés soumis à l'exportation, d'identifier les
contraintes d'entrées des produits sur les marchés existants ou
potentiels, de mesurer le degré de concurrence entre les pays
concernés et de décrire la chaîne d'approvisionnement des
produits entre les pays CEMAC. Une telle étude permet de renforcer les
capacités de commercialisation et permet de profiter des avantages
comparatifs des acteurs impliqués dans la commercialisation du
produit.
Tidjani-Serpos (2004) a montré que la production de
manioc permet au producteur d'accumuler de la richesse. Arouna et
Afomassè (2005) ont analysé la compétitivité de la
filière manioc au Bénin et sont arrivés à la
conclusion que la production de manioc est rentable sur le plan financier
(c'est-à- dire pour le producteur) et sur le plan économique
(c'est-à-dire pour la nation). Agoundoté (2007) a
travaillé sur la stratégie des acteurs et la répartition
des valeurs ajoutées produites dans la filière manioc au
Bénin principalement dans la commune d'Abomey-Calavi. L'un des
résultats auxquels cette étude est parvenue après une
analyse de l'ensemble des valeurs ajoutées sur la filière et en
considérant le temps nécessaire pour acquérir ces valeurs
ajoutées par les acteurs, est que la richesse produite dans la
filière est répartie de façon inéquitable.
Cependant, toutes ces études se placent beaucoup plus
dans une perspective filière. Cette manière de procéder ne
permet pas d'orienter les intervenants en fonction des besoins et des
spécificités de chaque catégorie d'acteurs. Par exemple,
Sissinto (2005) puis Arouna et Afomassè (2005) ont effectué des
études dans une perspective filière c'est-à-dire sans une
prise en compte des différentes chaînes de valeurs. L'analyse de
la rentabilité de manioc dans une perspective filière donne une
rentabilité moyenne de la filière sans mettre en exergue les
maillons les plus rentables et ceux les moins rentables. Ce qui a pour
conséquence la non spécification des interventions en fonction
des besoins spécifiques de chaque catégorie d'acteurs selon la
chaîne de valeurs considérée.
Vue les limites de la littérature existante sur la
filière manioc, l'objectif poursuivi dans étude est alors
d'essayer d'analyser, les aspects économiques et financiers que
revêt la culture du manioc dans le groupement de Buzi par l'approche de
chaînes de valeur. Plus concrètement, il s'agit dans ce travail
:
4 Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale
La reproductibilité des activités de la
filière étant fortement liée à sa
rentabilité que profitent le plus aux transformateurs et aux
commerçants (FAQ, 2008), la présente étude se
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D'évaluer la rentabilité financière et
économique des différentes chaînes de valeurs ainsi que
celui des acteurs intervenants dans ces différentes chaînes de
valeur manioc;
Identifier les facteurs qui bloquent la croissance du profit
au niveau des maillons à rentabilité faibles.
Abondant dans cette optique, Epiphane, Bankolé et al.
(2011), par leur étude sur
« l'Analyse de la performance des chaînes de
valeurs de l'ananas au Bénin » ont su proposer une
démarche pour analyser les CVA. En effet, pour trois types des produits
de l'ananas: ananas frais, les jus & sirop d'ananas et l'ananas
séchés, ils ont ressorti une cartographie de cinq types d'acteurs
classifiés en deux groupes en fonction d'activités
exercées dans la chaîne:
Les acteurs qui exercent les activités
primaires: le producteurs, les commerçants - parmi lesquels ils
distinguent les grossistes, les semi grossistes et les détaillants- et
les transformateurs et ;
Les acteurs qui exercent les activités de
support: les fournisseurs d'intrant, les collecteurs (transporteurs),
les consommateurs.
En fonction de la destination des produits et des produits
dérivés de l'ananas et des marchés existants, ils ont
définis six (6) grandes chaînes de valeurs (CV). Il s'agit de : la
CV « ananas frais pour le marché européen », la CV
« ananas frais pour le marché local », la CV « ananas
frais pour le marché sous régional », la CV «le jus
d'ananas pour le marché local et régional», la CV «
ananas séchés pour les marchés local, régional et
européen. Les résultats de leur recherche ont montré que
toutes les chaînes de valeurs étaient rentables sur le plan
financier. Leurs valeurs ajoutées et profits sont aussi positifs pour
tous les acteurs. En d'autres termes, la production d'ananas était
profitable pour le producteur, le transformateur et le
commerçant/exportateur quelle que soit la chaîne dans laquelle ils
exercent leurs activités. La comparaison entre les différentes
chaînes de valeurs a indiqué que celle produisant le jus d'ananas
est la plus rentable au plan financier. Les transformateurs ainsi que les
commerçants y obtenaient les valeurs ajoutées et les profits les
plus élevés.
Cependant, cette démarche d'analyser les chaîne
de valeur paraît être intelligible et par conséquent, elle
sera retenue dans le cadre de cette étude à quelques
différences d'adaptations près par ce qu'en fait notre
étude ne prendra pas en compte des analyses au niveau international,
mais seulement au niveau local et urbain et s'intéresse au produit
« manioc » que de l'ananas.
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veut alors être une réponse à question de
recherche suivante : « dans quelles mesures les chaînes de
valeur manioc sont rentables dans le groupement de Buzi ? »
? Pertinence de la recherche : cette
étude en adoptant une perspective longitudinale et en prenant en compte
des acteurs qui exercent les activités primaires (producteurs,
transformateurs et les commerçants) va permettre de :
? Relever l'intérêt d'une démarche qui
privilégie l'approche chaîne de valeur en lieu et place de
l'approche filière.
? Une meilleure compréhension de l'analyse SWOT dans la
chaîne valeur ;
? Utilisation des résultats : les
résultats de cette étude seront utiles aux acteurs
étatiques et non étatiques intervenants dans le secteur agricole
qui disposeront d'informations valides leur permettant de réorienter les
politiques agricole dans le territoire de Kalehe. Ils pourront aider
également les acteurs de première ligne à améliorer
la performance de la chaîne de valeur manioc par la prise en compte des
insuffisances relevées et dont la résolution serait à leur
portée.
Le choix porté à ce sujet de recherche est
influencé par l'instabilité économique que traversent les
milieux ruraux de la R.D Congo, plus particulièrement le territoire de
Kalehe, la médiocrité des conditions de vie, la pauvreté
qui y prévalent en dépit de toutes les potentialités
humaines et naturelles qu'elle renferme. Du point de vue scientifique, ce
travail va contribuer à renseigner sur la chaîne de valeur manioc
dans le territoire de Kalehe avec une particularité d'axer l'analyse sur
les aspects économiques et financiers de chaque maillon. Ce travail
constitue aussi un support scientifique et une source d'informations qui peut
être intéressante pour les scientifiques et chercheurs futurs qui
voudront approfondir leurs analyses dans la composition des coûts dans
les analyses de la chaîne de valeur agricole.
Mis à part de l'introduction et la conclusion, ce
travail s'articule autour de trois grands chapitres à savoir : chapitre
premier parle de la généralité sur la chaîne de
valeur agricole, le deuxième chapitre explique la méthodologie
suivie pour rédiger ce travail et la présentation du milieu
d'étude et en fin, le troisième chapitre présente et
discute les résultats d'analyse.
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