0. INTRODUCTION GENERALE
0.1 ETAT DE LA QUESTION
Les chaînes de valeur agricole (CVA) sont devenues
très importantes pour la détermination de la
compétitivité commerciale des pays à l'heure de la
mondialisation (Tomen, 2014). En Afrique, où l'agriculture est
l'épine dorsale de nombreuses économies, elles sont importantes
non seulement pour renforcer la compétitivité des exportations,
mais aussi pour développer des systèmes agricoles durables,
lutter contre la pauvreté, promouvoir l'inclusion financière, en
particulier des personnes pauvres vivant en milieu rural (Tomen, 2014).
D'après la FAO, trois quart des pauvres sur la
planète vivent actuellement en milieu rural et l'agriculture constitue
un moyen de subsistance pour 86% des populations rurales mondiales (Kingsbury,
2010, p 13).
L'agriculture est généralement
considérée, dans le pays en développement, comme l'un des
moteurs de croissance les plus important. Il a été empiriquement
prouvé qu'en Afrique comme ailleurs dans les pays en
développement, la croissance agricole: (a) contribue plus que tout autre
secteur à la croissance globale de revenu en milieu rural où vit
et travaille la majeure partie des plus vulnérables, (b) stimule la
croissance dans les autres secteurs de l'économie en amplifiant la
demande de biens et services produits en dehors du secteur, et (c)
réduit globalement le niveau de pauvreté, de la famine et de la
malnutrition en accroissant l'offre alimentaire et en améliorant
l'accès à une meilleure alimentation grâce à des
revenus plus élevés en milieu rural et dans les autres secteurs
de l'économie (Baba Dioum, Ousmane Badiane, et al., 2008).
La RDC est un pays à vocation agricole en ce que
près de 70 % de sa population vit en milieu rural et dépend
essentiellement de l'activité agricole (Chausse, Kembola et Ngonde,
2012, p. 3). Cependant, ce potentiel colossal de ce pays le place au
septième rang des plus importants pays agricoles au monde ; mais pour
l'instant largement sous-utilisé (Mpanzu-Balomba, 2013,
P.2). Le pays possède 80 millions d'hectares (ha) de terres
arables, dont moins 10 % sont actuellement cultivées, une grande
diversité agro-climatique, l'abondance et la régularité
des pluies, et la présence d'eaux de surface en grande quantité
permettent une production très diversifiée (RD Congo,
Note de politique agricole, avril 2009, p. 2). Ce
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potentiel dont dispose le pays permettrait au secteur agricole
de jouer un rôle important dans le développement
socioéconomique du pays.
Paradoxalement, la RDC enregistre, depuis
l'indépendance, une forte régression de ses performances
agricoles au point de ne plus être en mesure de répondre ou
satisfaire la demande alimentaire intérieure. Selon la FAO, le nombre de
personnes sous alimentées en RDC est passé de 11,4 millions
d'habitants (29% de la population) pour la période 1990-1992 à
43,9 millions d'habitants (74% de la population) pour la période
2004-2006 (Lebailly, 2010). De manière générale, depuis le
début des années 1990, le taux de croissance annuelle moyenne de
la production vivrière (2 %) est resté inférieur à
celui de la croissance démographique (3,3 %) (Chausse, Kembola et
Ngonde, 2012, p.5).
Alors que la part du secteur agricole dans le revenu national
atteignait 50% jusqu'en 1990, les ressources budgétaires allouées
au secteur agricole et rural sont restées généralement
inférieur à 2 % ; ce qui est resté loin de l'objectif de
la déclaration de Maputo (Mozambique) demandant aux pays signataires de
consacrer au moins 10 % de leurs ressources budgétaires à ce
secteur. Il n'est pas surprenant que ce contraste ait conduit à une
régression constante et spectaculaire de la productivité agricole
des cultures pérennes.
Par ailleurs, l'effondrement de l'agriculture congolaise peut
être aussi associé à des conflits armés
répétitifs et l'insécurité dans les zones
productrices. L'extrême violence de ceux-ci ont entraîné aux
déplacements massifs des populations, et ainsi dépouiller les
milieux ruraux de sa main d'oeuvre. Cependant, la chute de la production
agricole en RDC est largement antérieure au conflit. Comme nous l'avions
noté, elle a débuté peu après
l'indépendance, s'est accélérée avec la politique
de « zaïrianisation » lancée en 1973, dont l'effet a
été une désorganisation de l'agriculture commerciale, et
s'est poursuivie dans les décennies suivantes au rythme de la
dégradation des infrastructures de transports et de la disparition des
services d'appui à la production qui ont coupé les producteurs
des marchés et des services dont ils avaient besoin.
Ainsi, dès le milieu des années 1990, il ne
restait déjà plus, dans la plus grande partie du pays, qu'une
agriculture vivrière tournée vers l'autosubsistance et/ou de
l'approvisionnement des marchés de proximité, sans
débouchés ni accès aux intrants agricoles. La production
et la productivité de l'agriculture familiale restaient limitées
par l'accès aux facteurs de production; intrants, capital productif,
information et transfert de
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technologies. Toutefois, il est certain que les technique de
production sont restées traditionnelles sans utilisation de
variétés sélectionnées - sauf dans de rares cas
pour le manioc - ou d'intrants (engrais, produits phytosanitaires) et donc les
rendements ont régressés davantage.
Jusqu'en 1990, les statistiques officielles indiquent que la
production vivrière a connu au mieux une stagnation et probablement un
déclin. Les raisons de ce déclin sont largement les mêmes
dans tous les cas : impossibilité de produire pour les grands centres de
consommation, absence de variétés améliorées et
d'intrants, méthodes culturales inadéquates, forte incidence des
maladies et prédateurs et pertes après récolte très
élevées (RDC, MINADR, 2010).
Cette situation ne laissa pas indifférent à
l'action aux interventions du gouvernement congolais. Celui-ci a
sollicité l'appui du Royaume de Belgique, de la FAO et d'autres
partenaires humanitaires. Ce qui aboutit à plusieurs initiatives visant
à accroître la production. Parmi ces initiatives, nous pouvons
citer entre autre1: le Plan intérimaire de
relance agricole (1966-1972), Programme Agricole Minimum (1980-1981), Plan de
relance agricole 19821984, Programme d'Autosuffisance Alimentaire (PRAAL
1987-1990), Plan directeur du Développement Agricole et Rural
(1991-2000), Programme National de Relance du Secteur Agricole et Rural «
PNSAR » (1997-2001), Programme triennal d'appui aux producteurs du secteur
agricole 2000-2003, Programme multi- donateur manioc financé
principalement par la Commission européenne, la Belgique et le USAID,
exécuté par la FAO, Projet horticulture urbaine et
périurbaine financé par la Belgique et exécuté par
la FAO, Projet d'appui au développement communautaire financé par
le PNUD, etc. La multiplicité de ces initiatives, témoigne
non seulement de l'effort fourni par le gouvernement congolais et ses
partenaires pour accroître et maintenir la production agricole.
Malgré ces grands efforts fournis par le gouvernement
et ses partenaires pour promouvoir le secteur agricole, ces plans et programmes
agricoles aboutirent à un échec par ce qu'elles ne
s'étaient focalisées sur l'accroissement de la production
agricole que sur les conditions de vente de ces produits, mais aussi elles
n'étaient majoritairement orientées que dans certains coins du
pays que dans d'autres (Chausse, Kembola et Ngonde, 2012, p.5). En effet, pour
tous ces programmes, l'accent était mis dans la plupart de cas sur les
recherches
1 Le résumé de ces programmes et projet
sera proposé en annexe de ce travail.
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agronomiques visant la mise au point des nouvelles
variétés plus productives et résistantes aux
différents ravageurs afin d'accroitre la production, sans beaucoup se
préoccuper aux conditions de mise sur le marché des productions
obtenues et donc globalement du fonctionnement du système de
transformation et de commercialisation avec comme corollaire la tendance
à minimiser l'ampleur des tâches fastidieuses et souvent
délicates que nécessitent l'acheminement des produits vivriers de
la campagne vers la ville.
De par ses fonctions de production, de transformation et de
vente de denrées alimentaires, le secteur de l'agriculture et de la
chaîne de valeur agricole en particulier constitue un enjeu
socio-économique vital et une source de revenu capitale pour de nombreux
ménages. En outre, il contribue significativement à la croissance
économique locale (Soule, Aboudou et al. 2013). La chaîne de
valeur agricole identifie l'ensemble d'acteurs (privés et publics y
compris les prestataires des services) et d'activités qui font passer un
produit agricole de base dès sa production dans le champ jusqu'au
consommateur final, chaque étape ajoutant une valeur au produit
(Kaplinsky et Morris, 2000). Le processus peut inclure la production, la
transformation, l'emballage, le stockage, le transport et la distribution.
Dans le cadre d'une approche neutre ne tenant pas en compte de
l'équité des profits entre acteurs, et si le processus de valeur
ajoutée allant de la production à la consommation finale est plus
efficient, les chaînes de valeur permettent de réaliser des
résultats positifs ; les revenus et les bénéfices tout au
long de la chaîne augmentent, avec des consommateurs réalisant
potentiellement des économies (Sakho, 2013 p. 11).
C'est dans ce cadre que vers les années 2000 le
gouvernement congolais a adopté des nouvelles politiques et
stratégies dont les objectifs majeurs assignés au secteur
agricole ont été la modernisation et l'intensification de
l'agriculture, la diversification des cultures, la sécurité
alimentaire, la réduction de la pauvreté, l'accès aux
marchés des produits agricoles et l'augmentation des revenus (RD
Congo, Note de politique agricole, Avril 2009, p. 16). Cependant,
l'acheminement des produits agricoles des zones de production vers les
marchés urbains et leur distribution entre les marchés primaires
et les marchés de gros posent jusque-là des sérieux
problèmes.
La croissance de la demande en produits vivrier, induite par
la croissance démographique, l'explosion urbaine et la hausse du pouvoir
d'achat, a contribué à renforcer la part de la production
destinée aux marchés locaux, régionaux, nationaux, voire
internationaux
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(Ba Mbow et ali., 2013 p. 2). L'implication croissante dans le
fonctionnement des marchés a considérablement renforcé le
rôle des petits producteurs agricoles dans les chaînes de valeurs.
Ce qui permit aux petites exploitations familiales à se
développer et jouent actuellement un rôle considérable dans
les systèmes de production agricole du pays (Idem, p. 12).
Présentes et très actives dans des activités aussi
variés de l'agriculture, ces petites exploitations familiales reposent
généralement sur des systèmes économiques combinant
une production destinée à l'autoconsommation et une production
orientée vers les marchés.
Il est important de noter, cependant que, la part des
avantages que ces acteurs tirent de leur participation aux chaînes de
valeur dépend largement de leur compréhension du fonctionnement
général de la chaîne de valeur, de leur pouvoir de
négociation, de la transparence de l'information et de la communication
le long de la chaîne.
Malheureusement, au Sud-Kivu et dans le territoire de Kalehe
en particulier, l'isolement dans lequel sont confinés les petits
producteurs milite rarement en faveur d'une bonne compréhension de la
structure et du fonctionnement des marchés (ADRA et World Vision/Minova,
2014, p. 4). Le déficit organisationnel et le manque d'information sur
les prix constituent de lourds handicaps pouvant compromettre leurs chances de
tirer un meilleur parti de leur participation aux marchés. Ils sont
confrontés à des handicaps majeurs qui limitent, à des
niveaux très bas, la valeur ajoutée tirée des
chaînes de valeur. Parmi ces handicaps, figure, au premier rang, le
déficit organisationnel qui oblige certains acteurs à agir seul
dans un marché où les lois sont dictées par les plus
forts.
Sachant que la chaîne de valeur agricole permet de
définir les différents rôles et fonctions des acteurs mais
aussi d'intégrer les différents acteurs intervenant dans le
processus de production, de transformation et de commercialisation agricole,
l'approche « chaîne de valeur Manioc » sera poursuivie dans le
cadre de cette étude afin de comprendre plus en détails les
performances des différentes chaînes de valeur, les relations
qu'entretiennent les acteurs le long de la chaîne, mais aussi les
facteurs qui bloquent la croissance des revenus des certains acteurs
intervenant dans la chaîne.
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