6.2 Performance financière des chaînes de
valeurs
Le tableau 3.17 montre que toutes les chaînes de valeurs
sont rentables sur le plan financier. En d'autres termes, la production de
manioc est profitable pour le producteur, le transformateur et le
commerçant selon la chaîne dans laquelle ces acteurs se trouvent.
En effet, les valeurs ajoutées et les profits sont positifs pour tous
les acteurs dans toutes les chaînes de valeurs sauf la chaîne de
valeur farine de manioc où la valeur ajoutée (- 10 097 217 FC) et
le profit (- 1 410 443 FC) du producteur sont négatifs. Ce dernier
résultat peut s'expliquer au mode d'accès à la terre, aux
conditions d'accès du produit aux marchés - désenclavement
du milieu et tracasseries- mais aussi le moyen de transport utilisé -
personnes - pour transformer et commercialiser le manioc. La comparaison entre
les chaînes de valeurs indique que celle produisant le manioc
séché est la plus rentable au plan financier. Les producteurs y
obtiennent un gain de 14 097 217 FC en valeur ajouté et 12 417 684 FC en
profit, 801 840 FC et 546 890 FC pour les commerçants. Les producteurs
et les commerçants y obtiennent des valeurs ajoutées et profits
les plus élevés. Vient en seconde position la chaîne de
valeur de farine de manioc. Dans cette chaîne de valeur, ce sont les
transformateurs ainsi que les commerçants y obtiennent les valeurs
ajoutées et les profits les plus
66
élevés. On retrouve en troisième position
la chaîne de valeurs relative au manioc frais. La chaîne de valeurs
les moins rentables au plan financier sont celles de foufou puis de chikwangue
en valeur ajoutée comme en profit.
Lorsqu'on s'intéresse aux ratios de rentabilité
(le tableau 3.17) les conclusions changent. En effet, on peut remarquer qu'avec
l'analyse des ratios, la chaîne de valeur farine devient rentable pour
tous les acteurs. Les commerçants y investissent d'avantages que les
deux autres acteurs car elle leurs procure plus d'avantages financiers. En
effet, un (1) franc congolais investi dans cette chaîne
génère trois 15,928 FC de valeur ajoutée pour les
commerçants, 7,52 FC pour les transformateurs et 4,61 FC pour les
producteurs.
Par contre, les producteurs investissent plus dans les
chaînes de valeur manioc séché et manioc frais. En effet,
il est plus profitable aux producteurs d'investir dans ces deux (2)
chaînes car 1 franc investis dans l'une de deux chaînes procure
respectivement aux producteurs un gain de 85,32868 FC ou 8,479 FC en valeurs
ajoutées et 65,549 FC ou 4,289 FC de profit. Les transformateurs
trouvent plus de gain dans la chaîne de valeur produisant le foufou. En
effet, en investissant un franc congolais dans cette chaîne, les
transformateurs trouvent une valeur ajoutée de 14,491 FC en valeur
ajoutée et 10,558 FC de profit.
De manière globale, le maillon de «
commercialisation » semble être le moins rentable lorsqu'on
considère les ratios valeur ajoutée sur consommation
intermédiaire et profit sur coûts totaux. Autrement dit, ce
maillon se présente comme celui générant le moins de
valeur ajoutée dans les chaînes de valeurs de manioc. Cela peut
s'expliquer par le fait que le manioc est un produit périssable -manioc
frais- et ne permet donc pas aux commerçants de spéculer et/ou de
différer les périodes de ventes par le biais de
conservation/stockage par exemple. Ce maillon mérite donc un appui si
l'on souhaite développer la filière manioc. L'appui à la
transformation de manioc pourrait constituer une option complémentaire
compte tenu surtout du fait qu'elle contribue à rendre disponible la
farine de manioc et le foufou tout au long de l'année.
67
Tableau 3.17 Indicateurs de performances
financières des chaînes de valeur manioc dans le groupement de
Buzi.
|
Rubriques chaînes
de valeur/Valeurs ajoutées, profits et Ratios
|
Manioc frais pour le marché local et la ville de Goma
|
Manioc séché pour le marché local, la ville
de Goma et de Bukavu
|
Farine de manioc pour le marché local, la ville de Goma et
de Bukavu
|
Chikwangue pour le marché
local
|
Le foufou de manioc pour le marché local
|
Valeurs ajoutées
|
Producteurs
|
2073620
|
14097217
|
-1044760
|
96200
|
46300
|
Transformateurs
|
0
|
0
|
801840
|
1199371
|
219600
|
Commerçants
|
49500
|
801840
|
579399
|
53400
|
0
|
Total
|
2123120
|
14899057
|
336479
|
1348971
|
265900
|
Profits
|
Producteurs
|
1493420
|
12417684
|
-1410443
|
54689
|
45640
|
Transformateurs
|
0
|
0
|
9771018
|
1049474
|
189250
|
Commerçants
|
31867
|
546890
|
365316
|
51300
|
0
|
Total
|
1525287
|
12964574
|
8725891
|
1155463
|
234890
|
Ratio V.A/C .I
|
Producteurs
|
8,47906
|
85,32868
|
4,46136
|
0,94409
|
3,58896
|
Transformateurs
|
0
|
0
|
7,5233
|
24,55036
|
14,49114
|
Commerçants
|
1,88899
|
9,15705
|
15,92868
|
2,47222
|
0
|
Total
|
10,36805
|
94,48573
|
27,91334
|
27,96667
|
18,0801
|
Ratio Profit/C.T
|
Producteurs
|
4,28927
|
65,54978
|
2,56481
|
3,25386
|
2,85386
|
Transformateurs
|
0
|
0
|
4,77873
|
18,71832
|
10,5589
|
Commerçants
|
1,06152
|
6,05478
|
9,42944
|
2,01176
|
0
|
Total
|
5,35079
|
71,60456
|
16,77298
|
23,98394
|
13,41276
|
Source : traitement de nos données d'enquêtes dans
les logiciel SPSS et Excel, 2007
L'analyse de la répartition des valeurs ajoutées
entre les différentes catégories d'acteurs intervenant dans les
différentes chaînes de valeurs (figure 3.19) indique que dans les
chaînes de valeurs manioc frais et manioc séché, les
producteurs y obtiennent la plus grande partie des gains
générés par ces chaînes de valeur. La
répartition des gains générés dans ces
chaînes de valeur semble être plus ou moins égale entre les
transformateurs et les commerçants.
Par ailleurs, dans les chaînes de valeur chikwangue et
foufou, ce sont les transformateurs qui obtiennent des gains les plus
élevés que d'autres acteurs (producteurs et
commerçants).
68
Figure 3.19. Répartition des valeurs
ajoutées entre les différentes catégories d'acteurs des
chaînes de valeurs manioc.
Sources : Graphique Excel de nos données de recherche.
Figure 3.20. Répartition des profits entre les
différentes catégories d'acteurs des chaînes de valeurs
manioc
Sources : Graphique Excel de nos données de recherche.
D'une manière générale, les
résultats obtenus au plan financier sont compatible avec ceux obtenus
par plusieurs auteurs. C'est le cas par exemple, de Ouedrago (2010) montre que
le manioc vendu sur les marchés ruraux et urbains régionaux est
déjà une culture rentable au Burkina Faso. L'exportation
(essentiellement vers l'Europe) permet d'augmenter la valeur ajoutée
d'au moins 40
69
%, en dépit des commissions prélevées par
les intermédiaires de la chaîne. En revanche, les risques sont
nettement plus élevés, ainsi que les coûts -de transport,
conditionnement, etc.- et le savoir-faire exigé pour
pénétrer le marché mondial et satisfaire aux exigences de
la qualité des consommateurs européens.
Par ailleurs, Soule, Aboudou, et al. (2013) dans leur
étude appliquée au Bénin montrent que les systèmes
de production de manioc sont financièrement rentables. Cependant, ils
mentionnent cependant que la plus grande contrainte à la
rentabilité de la chaîne de valeur manioc est qu'elle mobilise une
main d'oeuvre relativement peu qualifiée. En effet, la main-d'oeuvre
familiale est dominante dans les exploitations et est utilisée pour
toutes les opérations culturales et de transformation
post-récolte. Elle est suivie de la main-d'oeuvre salariée. Les
femmes sont les principaux acteurs au niveau des maillons transformation et
commercialisation. Elles représentent plus de 70 % de l'ensemble des
chaines de valeur, avec une pointe de plus de 85 % aux niveaux des segments de
transformation et de distribution du produit.
Il en est de même d'Amoussouhoui (2009) qui a
également montré que les systèmes de culture et la
superficie emblavée de manioc peut dans une large mesure
déterminer la rentabilité financièrement de la
filière. Cette dernière étude a également permis de
conclure que la manière dans laquelle les acteurs s'organisent pour
produire, transformer et commercialiser les produits de manioc peut avoir des
effets sur la rentabilité de la filière manioc.
En ce qui concerne le manioc vendu dans les villes, Floquet et
Mongbo (1998) ont montré que la détermination du prix est
influencée par certains facteurs que sont : la distance entre le lieu de
la transaction et la route principale, la disponibilité physique du
produit dans le milieu, le besoin de liquidité du producteur. Cette
forme de commercialisation met le producteur dans une position de faiblesse qui
ne permet pas toujours de négocier à juste titre dans les
transactions. Cette forme de commercialisation met le producteur dans une
position de faiblesse qui ne l'arrange pas toujours dans les transactions. Pour
pallier cette faiblesse, les paysans de certaines localités se
regroupent en créant un marché temporel sur un site du village.
Cette pratique permet dans certains cas d'obtenir un prix un peu plus
élevé par rapport au prix bord champ. Mais comme le manioc est un
produit très périssable, il arrive que les acheteurs
(essentiellement les transformatrices) jouent sur le temps pour faire baisser
les prix. Ce qui fait que vente bord du champ prédomine parce que le
producteur a encore la possibilité de ne pas déterrer toute sa
production.
70
|
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