B. Le fonctionnement de la société
Comme l'être humain, l'être moral
société est doté d'organes qui sont nécessaires
à sa vie. Ces organes sont appelés « organes sociaux ».
En d'autres termes, ce sont les organes sociaux qui font fonctionner les
sociétés commerciales. Ces organes sont les associés, les
dirigeants et les commissaires aux comptes. Il faut ajouter également
à cette liste les salariés, ces derniers étant
33 Art. 886 à 905 AUSCGIE.
19
des cocontractants et des créanciers de la personne
morale société, qui en constituent une composante non
négligeable.
1. Les associés
Le terme associé est pris ici dans son sens le plus
large. Il inclut par conséquent tous les titulaires de droits sociaux
(parts ou actions) attribués en contrepartie d'un apport et
détenus soit par l'apporteur initial, soit par un ayant cause de
celui-ci.
Si les associés figurent parmi les
éléments moteurs des organes sociaux, c'est principalement en
raison des décisions collectives qu'ils peuvent prendre pour la marche
de la société.34 Les associés peuvent nommer
des dirigeants ou des gérants dans la société, tout comme
ils peuvent exercer eux-mêmes ces fonctions.
En effet, les associés doivent pouvoir donner leur
opinion sur l'orientation générale de la société,
exercer leurs droits d'associés, notamment celui de contrôler et
de critiquer la gestion des dirigeants.35 Les associés
doivent, pour l'expression de leurs droits, se regrouper au sein des
assemblées. L'assemblée des associés est ainsi
considérée comme l'instance suprême de la
société. Tout associé a droit de participer aux
décisions collectives.36
2. Les dirigeants sociaux
Il s'agit de toutes les personnes physiques ou morales
investies, individuellement ou collégialement selon les cas, de l'un ou
au moins des trois pouvoirs suivants : le pouvoir de représentation
externe qui fait du dirigeant le porte parole de la société dans
ses rapports avec les tiers37, le pouvoir de direction interne qui
le place au sommet de la hiérarchie sociale ; enfin, le pouvoir de
contrôle qui l'érige en censeur des actes accomplis par d'autres
organes. Ils détiennent souvent la majorité du capital du
groupement et n'agissent qu'en qualité de mandataire au nom et pour le
compte de la personne morale. Cette dernière, elle seule, exerce la
fonction de propriétaire, d'employeur et de contractant.38
La mission du dirigeant consiste donc, exception faite du cas
des sociétés unipersonnelles, à représenter la
collectivité des associés qui exprime la volonté du
groupement.
En effet, les pouvoirs accordés à ces dirigeants
ne sont pas absolus. Des clauses statutaires peuvent les limiter, notamment
interdire de passer certains actes d'une gravité exceptionnelle, ou
imposer l'autorisation préalable des
34 PETIT B., op.cit, p. 49.
35 OHADA, Traité et actes, op.cit, p.
425.
36 Art 125 à 136 AUSCGIE.
37 Art. 121 et 122 AUSCGIE.
38 REINHARD Y., Droit commercial,
3ème édition, Litec, Paris, 1993, p. 181.
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associés ou d'un organe de contrôle. Aussi, ils
ne jouissent pas de la pérennité de leurs fonctions : la
révocation de son mandat peut être prononcée par la
collectivité des associés ou par décision judiciaire.
Les actes accomplis de façon inopportune ou
malhonnête par le dirigeant social ne sont pas sanctionnés par la
nullité mais par sa responsabilité personnelle. La
société peut mettre en cause la responsabilité (civile ou
pénale) de ce dirigeant dans les conditions des articles 889 et suivants
de l'Acte uniforme.
Selon les réglementations particulières à
chaque type de société, les associés peuvent nommer des
gérants comme organes de gestion de la
société.39 Ces gérants peuvent être
associés ou non, personnes physiques ou morales40. Ils ont le
pouvoir de représenter la société et d'accomplir tous les
actes entrant dans l'objet social. Leur rémunération est
fixée par les associés.
3. Les commissaires aux comptes
Les commissaires aux comptes sont des organes de
contrôle dont peut se doter une société pour assurer son
fonctionnement, surtout en ce qui concerne ses ressources financières et
sa comptabilité.
En effet, les commissionnaires aux comptes sont des
professionnels chargés aux termes de la loi du contrôle des
sociétés commerciales. Ils sont seuls habilités à
exercer la mission de contrôle légal des comptes.41
La mission du commissaire aux comptes consiste en l'examen des
états financiers de la société en vue de donner une
opinion motivée sur leur régularité, leur
sincérité et leur concordance. Le commissaire aux comptes a pour
rôle permanent de vérifier les valeurs et les documents comptables
et d'en contrôler la conformité aux règles en vigueur. En
d'autres termes, il s'agit d'un examen qui a pour finalité de
vérifier que les règles et les principes qui président
à l'élaboration des états financiers sont respectés
et que ceux-ci présentent une image fidèle du patrimoine et du
résultat de la société. Ce contrôle est aussi
effectué dans un souci de protection du patrimoine de la
société même si l'objectif principal n'est pas de
déterminer les fraudes. Cependant, ces vérifications doivent
exclure toute immixtion dans la gestion. Leur finalité se limite
à la certification des comptes.
Aux termes de l'article 710 AUSCGIE, « le commissaire aux
comptes certifie que les comptes annuels sont réguliers et
sincères et donne une image fidèle du résultat des
opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation
financière et du patrimoine de la société à la fin
de cet exercice (...) »
39 Art. 276 à 282 pour la SNC, Art. 323
à 332 pour la SARL (AUSCGIE).
40 Dans la SARL, la gérance ne peut pas
être confiée à une personne morale (Art. 323 AUSCGIE).
41 ALISSOUTIN O.K., Principe, objectifs et
pratique du commissariat aux comptes : cas du « Carder Atlantique
Littoral », CESAG, 2004, p. 7.
21
La nomination d'un commissaire aux comptes est obligatoire
dans les sociétés anonymes42contrairement aux SARL
où leur nomination est subordonnée à certaines conditions.
Pour les SARL ne remplissant pas les conditions de l'article 376 AUSCGIE, la
nomination d'un commissaire aux comptes est facultative. En ce qui concerne les
autres formes de société, le droit OHADA n'a pas prévu
l'intervention du commissaire aux comptes. Toutefois, celui-ci peut intervenir
dans un cadre autre que légal pour une mission bien
déterminée.43
Il sied de noter que les dirigeants des sociétés
dans lesquelles il est exigé un commissaire aux comptes et qui de
mauvaise foi auront omis d'en désigner concourent une sanction
pénale selon l'article 897 AUSCGIE. De son coté, l'article 697
cite les incompatibilités liées à la profession de
commissionnaire aux comptes dans les sociétés anonymes.
3. Les salariés
Les salariés constituent une composante essentielle de
l'entreprise considérée en tant que collectivité humaine.
Ce sont des cocontractants et des créanciers de la personne morale
société.
La société doit être un cadre de la
protection de l'emploi, tout comme celui de l'expression de
l'intérêt des salariés et de la mise en place des instances
représentatives du personnel. La relation de travail entre la
société et ses salariés est régie par les
conventions individuelles et collectives ainsi que par les usages
d'entreprises.
Le salarié est donc lié à la
société (son employeur) par un contrat de travail. Ce dernier
détermine la tâche lui confiée et sa
rémunération. L'activité salariée est
exercée sous la dépendance de l'entrepreneur et le lien de
subordination qui en résulte permet de distinguer le salariat des
fonctions accomplies par un professionnel indépendant (agent commercial,
commissionnaire ou courtier). Il est à remarquer que l'absence du
travailleur au sein d'une société est inconcevable car
étant un frein ou un obstacle à la réalisation du but de
la société.
En effet, comme dit ci-haut, le salarié, dans l'analyse
traditionnelle, est essentiellement un créancier de la
société (vue sous l'angle de l'entreprise). Mais on ne saurait
faire abstraction du fait que ce n'est qu'en cas de disparition de la
société, ou de difficultés financières importantes,
qu'une situation particulière est faite aux salariés et que la
créance de salaire fait l'objet d'un traitement privilégié
Cette évolution s'insère dans un courant de pensée
traditionnel, qui ne considère le salarié que comme un
créancier. A en croire Yves REINHARD, cette analyse est manifestement
insuffisante. C'est pourquoi le droit des procédures collectives associe
aujourd'hui étroitement les salariés au
42 Art. 694 AUSCGIE.
43 ALISSOUTIN O.K., op.cit., p. 12.
22
déroulement de la procédure : cette nouvelle
solution annonce un changement de cap.44
De ce qui précède, il est évident que, du
fait que le personnel salarié est partie intégrante de
l'entreprise dans laquelle il travaille, il devient un partenaire de cette
entreprise. L'article 80 du Code du travail précise en effet que «
lorsqu'il y a substitution d'employeur, notamment par cession, succession,
fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les
contrats de travail en cours au jour de la substitution subsistent entre le
nouvel employeur et le personnel ». Cette disposition justifie
l'occupation d'une place de choix dans cette matière : le principe
civiliste de l'effet relatif des contrats se trouve écarté et
affirmée l'appartenance du salarié à l'entreprise.
Les groupements de salariés peuvent conclure des
accords collectifs de travail, et les syndicats de salariés sont, par
l'intermédiaire des accords et convention collectifs, à l'origine
de la création du droit du travail.45Les organisations
syndicales de salariés représentatives au plan national ou local
sont habilitées à conclure ces accords et ces conventions qui
peuvent avoir pour champ d'application une branche d'activité et traiter
de l'ensemble des conditions d'emploi, de travail et de garanties sociales.
La présence des salariés au sein de la
société se trouve prolongée de deux façons : par
l'existence d'institutions collectives et par la reconnaissance de droits
individuels. Pour ce qui est des institutions collectives, il faut noter que la
participation des salariés à la vie de la société
est une exigence de la gestion moderne : elle permet aux salariés de
s'organiser et de faire mieux entendre leurs revendications ; elle donne
à l'entreprise les moyens d'utiliser au mieux les compétences et
les avis de ses employés.
Par les institutions collectives, nous voyons la
représentation du personnel et la représentation syndicale.
a) La représentation du personnel
L'élection d'une délégation du personnel
est obligatoire dans toutes les sociétés.46 Les
délégués, élus par les salariés, sont
chargés de présenter à l'employeur toutes les
réclamations individuelles ou collectives portant sur l'application du
droit social dans l'entreprise et de saisir éventuellement l'inspection
du travail. Ils doivent être consultés par l'employeur sur les
horaires de travail, sur les critères généraux en
matière d'embauchage, de licenciement et de transfert des travailleurs,
sur les systèmes de rémunération et de prime,
etc.47
44 REINHARD Y., op.cit, p. 184.
45 Idem.
46 Art. 255, Code du travail.
47 Art. 259, Code du travail.
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b) La représentation syndicale
L'article 237 du code du travail définit par renvoi
à l'article230 du même code un syndicat comme étant toute
organisation professionnelle constituée en vue de la défense et
le développement des intérêts professionnels des
travailleurs ainsi que le progrès social, économique et moral de
leurs membres.
Les sections syndicales sont donc créées
à l'initiative des syndicats représentatifs et ont pour mission
de représenter leurs adhérents. Elles ne sont pas
mandatées par la collectivité des salariés mais par les
seuls adhérents du syndicat dont elles sont l'émanation.
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