§2 ROLE DES TRAVAILLEURS DANS LA MISE EN OEUVRE
DE LA PROCEDURE DE LIQUIDATION DES BIENS
On ne le dira jamais assez ; les travailleurs, face à
leur employeur en difficulté, sont des créanciers et devraient
être traités, a priori, comme les autres créanciers de la
société. Mais il ne peut en être ainsi pour deux raisons
:
- En premier lieu, ils font partie de l'entreprise et
constituent une de ses composantes indissociables : l'élément
humain, à côté de l'élément économique
qui est l'activité.232
- En outre, le salaire est une ressource dont la nature
alimentaire est absolument incontestable.
Ces raisons font que le traitement des travailleurs ne peut
être absolument identique à celui des autres créanciers,
fournisseurs de biens, de services ou de crédits qui ont accordé
leur confiance à la société en difficulté ou en
voie de disparition. La participation de l'élément humain
à la constitution et à la vie de la société vue
dans la dimension économique de l'entreprise implique l'information des
employés, voire leur consultation sur les questions vitales. La
sécurité de l'emploi et la garantie des revenus salariaux doivent
être également prises en compte.233Ce sont là
les idées fortes qui devraient imprégner le traitement des
travailleurs dans les sociétés en difficulté ou en voie de
disparition.
Le sort des travailleurs apparaît, à ce niveau,
plus ou moins fragilisé selon les chances de redresser ou non la
société. Aussi, il se pose, en pratique, un problème pour
l'employeur ou le syndic concernant le choix à faire entre
230 SAWADOGO F.M, op.cit, p. 1271.
231 Tribunal de Commerce de Bamako, Jugement n° 179 du 26
avril 2006, Société AIR-MALI S.A., OHADA, Traité et
actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2012, p.
1272. On y relève ce qui suit : « Attendu qu'aux termes du rapport
du juge-commissaire daté de mars 2006, la poursuite des
opérations de liquidation des biens de la société AIR-MALI
SA est rendue impossible en raison de l'insuffisance d'actif ; que se fondant
sur le rapport du liquidateur désigné en la personne de TIECORO
DIAKITE, le juge-commissaire a relevé que les opérations de
réalisation sont terminées et qu'il n'existe plus aucun actif
disponible ; qu'il échet en conséquence de procéder
à la clôture pour insuffisance d'actif de la présente
affaire en application de l'article 173 de l'AUPC ».
232 CATALA N., L'entreprise, Dalloz, Paris, 1980, p.
19.
233 ISSA-SAYEGH J., « Le sort des travailleurs dans les
entreprises en difficulté », Ohada.com/ Ohadata D-09-41, p.
1.
234 Art. 169 AUPC.
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l'obligation de licenciement et l'obligation de reclassement
à l'endroit de tel ou tel autre salarié.
Le code du travail congolais reste silencieux sur le point de
savoir quel rôle les travailleurs peuvent jouer dans cette phase.
Néanmoins, à en croire le professeur ISSA-SAYEGH, les codes de la
plupart des Etats parties de l'OHADA relèvent que les travailleurs ont,
dans la liste de leurs prérogatives, pour mission de communiquer
à l'employeur toute suggestion utile tendant à
l'amélioration de l'organisation et du rendement de l'entreprise ; ce
qui est loin de la possibilité de se joindre à lui pour
diagnostiquer les maux de la gestion de l'entreprise, de sa solvabilité,
de sa politique commerciale passée ou à venir, etc.
A. Rôle des travailleurs dans le
déclenchement de la procédure
En principe, cette procédure est
déclenchée, soit par le débiteur au moyen d'une
déclaration au tribunal compétent, soit par assignation des
créanciers non payés, soit d'office par le tribunal.
Il est clair de ce qui précède qu'en cas
d'absence de toute initiative de leur employeur auprès du tribunal, on
peut parfaitement concevoir et admettre que les salaires impayés des
travailleurs de la société justifient une assignation en
cessation des paiements ou constituent une information suffisamment
inquiétante sur la santé de la société pour
être portée à la connaissance du parquet ou du tribunal
compétent pour une saisine d'office de la juridiction, à
condition, bien entendu, qu'il s'agisse de créances certaines, liquides
et exigibles.
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