SECTION III LA PROCEDURE COLLECTIVE DE LIQUIDATION
DES BIENS
Nous recourons à l'étude de cette
procédure pour quatre raisons principales :
- Premièrement, parce que la liquidation des biens
d'une société ordonnée par le tribunal est une cause de
disparition ou de dissolution commune à toutes les
sociétés commerciales ;
- Deuxièmement, parce que cette cause de dissolution a
une réglementation particulière et appropriée, à
savoir l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d'apurement du passif (AUPC) ;
- Troisièmement ; parce qu'il est nécessaire de
démontrer à ce niveau particulier, tout comme aux autres phases
déjà vues, le sort des contrats et des conflits de travail en
cours ;
- Quatrièmement enfin, parce que la
compréhension du déroulement de cette procédure, du
rôle que peuvent jouer les travailleurs à cette étape ainsi
que de leurs droits nous aidera à enrichir et à approfondir la
présente étude.
D'une manière générale, la liquidation
des biens fait partie des procédures collectives d'apurement du passif
prévues par le droit OHADA. En effet, il s'agit des procédures
judiciaires ouvertes lorsque le commerçant
193 OHADA, Droit des sociétés commerciales,
op.cit, p. 62.
194 OHADA, Traité et actes, op.cit, p. 451.
63
personne physique ou personne morale de droit privé est
en état de cessation des paiements'95 ou connait des
sérieuses difficultés financières, dans le but d'assurer
le paiement des créanciers et, dans la mesure du possible, le sauvetage
de l'entreprise, de son activité et des emplois.
Classiquement, ces procédures collectives poursuivent
trois objectifs. D'abord, elles visent à protéger les
créanciers impayés et à assurer leur
désintéressement dans les meilleures conditions possibles,
d'où le rôle relativement important des créanciers dans le
dénouement de la procédure et la discipline collective qui
s'applique à tous les créanciers. Ensuite, elles visent à
punir et éliminer le commerçant qui n'honore pas ses engagements.
Cet aspect n'est pas à négliger lorsque l'on considère le
caractère dissuasif de la punition ainsi que sa contribution à la
moralisation du milieu des affaires et au paiement des créanciers (cas
de la faillite personnelle et de la banqueroute). Enfin, les procédures
collectives doivent permettre la sauvegarde des entreprises redressables,
même au prix d'une certaine entorse au droit des
créanciers.'96
Quant aux caractéristiques de ces procédures
collectives, il sied d'en retenir principalement trois :
- L'aspect collectif : les créanciers sont
regroupés et soumis à un ensemble de règles
destinés à les discipliner afin que leur paiement se fasse dans
l'égalité et la justice.
- L'aspect conflictuel : un conflit
d'intérêt existe, d'une part entre les créanciers et le
débiteur ou la société, d'autre part, à
l'intérieur du groupe des créanciers entre les créanciers
chirographaires, les créanciers munis de sûretés et les
créanciers pouvant se prévaloir de préférence, en
l'occurrence le droit de propriété.
- L'intervention judiciaire : cette intervention est
essentielle dans le domaine des procédures collectives. Elle est
destinée à protéger les intérêts en
présence et à assurer l'efficacité et la moralité
des procédures.
L'Acte uniforme portant organisation des procédures
collectives d'apurement du passif (AUPC) prévoit trois procédures
:
- Le règlement préventif avant la cessation des
paiements qui constitue l'une des pièces maîtresses de la
prévention destinée à éviter la cessation des
paiements au moyen d'un concordat préventif'97
;
- Le redressement judiciaire après la cessation des
paiements, qui est destinée à la sauvegarde de la
société en visant à la fois son sauvetage et l'apurement
de son passif au moyen d'un concordat de redressement'98 ;
195 La cessation des paiements est la situation où le
débiteur ne peut faire face à son passif exigible avec son actif
disponible (Art. 25 AUPC)
196 SAWADOGO F.M, « Commentaires sur l'AUPC », in
OHADA, Traité et actes uniformes commentés et
annotés, Juriscope, 2012, pp. 1121-1302.
197 Art. 2- 1 AUPC.
198 Art. 2- 2 AUPC.
199 Art. 2- 3 AUPC.
200 Art. 3 AUPC.
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- La liquidation des biens, après la cessation des
paiements, qui a pour objet la réalisation de l'actif et qui implique la
liquidation de la société au profit des
créanciers.199
C'est cette dernière procédure qui nous
intéressera ici pour les besoins de la présente étude,
étant donné que c'est elle seule qui implique la disparition de
la société. C'est pourquoi, dans les lignes qui suivent, il sera
question de déterminer les conditions d'ouverture de la liquidation des
biens et d'établir les modalités de son exécution
(§1), de saisir le rôle des travailleurs dans la mise en oeuvre de
cette procédure (§2). En outre, la présence des travailleurs
au sein de la société à cette phase délicate pousse
à réfléchir sur la place de l'activité
contractuelle dans cette procédure ainsi que sur les modalités
prévues pour le traitement des créances de salaires (§
3).
§1 CONDITIONS D'OUVERTURE ET
MODALITES D'EXECUTION
En vertu de l'article 33 AUPC, la liquidation des biens peut
être ouverte soit immédiatement lorsque la société
n'a pas d'espoir de se redresser, le débiteur n'ayant pas proposé
un concordat sérieux ou qu'elle a cessé toute activité,
soit à l'issue d'une période d'observation.
Nous verrons que dès le prononcé du jugement
d'ouverture de la liquidation des biens, le tribunal nomme des organes de la
procédure, qui sont des mandataires chargés de conduire et
d'acheminer cette procédure.
A. Conditions d'ouverture
Il faut savoir avant tout qu'à côté des
conditions de forme que nous allons évoquer ci-dessous pour l'ouverture
de la liquidation des biens, il existe aussi des conditions de fonds, notamment
la cessation des paiements et la juridiction compétente. En effet, les
personnes physiques ou morales visées dans cette procédure ne
peuvent être déclarées en liquidation des biens que si
elles sont en état de cessation des paiements. Aussi, la juridiction
compétente en cette matière n'est autre que celle
compétente en matière commerciale, en l'occurrence le tribunal de
commerce.200
Quant aux conditions de forme, il faut parler de la saisine du
tribunal, de la décision même provenant de ce tribunal ainsi que
des effets du jugement de liquidation des biens.
65
1°) La saisine du tribunal
Elle peut se faire soit par le débiteur, soit par un
créancier, ou même d'office par le juge.
a) Saisine par le débiteur
Le débiteur en état de cessation des paiements
doit en faire la déclaration au tribunal dans les 30 jours de cette
cessation, aux fins d'obtenir l'ouverture de la procédure de liquidation
des biens, le cas échéant.201
En effet, l'article 25 AUPC donne une définition
légale de la cessation des paiements et apporte des précisions
relatives à la saisine de la juridiction compétente par le
débiteur. La cessation des paiements découle de la comparaison
entre l'actif disponible et le passif exigible. L'actif disponible est la
trésorerie de la société. Il comprend les sommes dont la
société peut disposer immédiatement soit parce qu'elles
sont liquides, soit parce que leur conversion en liquide est possible à
tout moment et sans délai. Le passif exigible est reflété
par les éléments de la cessation des paiements ouverte (non
paiement d'une dette certaine, liquide et exigible) ou de la cessation des
paiements déguisée (maintien du service de caisse par des
expédients).202
Aux termes de l'article 26 AUPC, la déclaration ci-haut
mentionnée doit être accompagnée des pièces et
documents exigés pour ce faire. Il s'agit entre autres des
éléments suivants :
- Un extrait d'immatriculation au RCCM ;
- Les états financiers de synthèse comprenant
notamment le bilan, le compte de résultat, un tableau financier des
ressources et des emplois ; - Un état de la
trésorerie ;
- L'état chiffré des créances et des
dettes avec indication du nom et du domicile des créanciers et des
débiteurs ;
- Le nombre des travailleurs et le montant des salaires et des
charges salariales impayés ;
- Les noms et adresses des représentants du personnel
;
- La liste des membres solidairement responsables des dettes
de la société avec indication de leurs noms et domiciles ainsi
que les noms et adresses de ses dirigeants.
La pertinence de ces documents ne paraît pas discutable
dans la perspective de l'apurement du passif de la société.
Cependant, il semble difficile de les réunir toutes, et cela pourrait
retarder la déclaration, ce qui serait dommageable. C'est pourquoi
l'Acte uniforme a prévu au dernier alinéa de l'article 26 une
hypothèse, conçue comme une exception et qui pourrait se
révéler très fréquente. Cet alinéa
prévoit en effet que, dans le cas où l'un des
201 Art. 25 AUPC.
202 SAWADOGO FM, op.cit, p. 1172.
66
documents cités supra ne peut être fourni ou ne
peut l'être qu'incomplètement, la déclaration reste
possible mais doit indiquer les motifs de cet empêchement.
b) Saisine par un créancier
Tout créancier, quelle que soit la nature et
l'importance de sa créance, peut demander l'ouverture d'une
procédure collective contre son débiteur, pourvu que cette
créance soit certaine, liquide et exigible. Pour ce faire, l'assignation
du créancier doit préciser la nature et le montant de sa
créance et viser le titre sur lequel elle se fonde.203
Les caractères certain, liquide et exigible de la
créance signifient que l'ouverture d'une procédure collective ne
peut être fondée sur des créances contestables et que les
créances elles-mêmes doivent attestées par des
pièces justificatives.
En l'espèce, sur appel interjeté contre un
jugement du tribunal régional de Dakar du 14 février 2007 ayant
refusé d'ouvrir une procédure collective de liquidation des biens
contre la société A4 CENTER, sur assignation d'un de ses
créanciers pour non paiement de sa créance, la Cour d'appel de
Dakar confirme le jugement entrepris pour les motifs selon lesquels «
l'appelant n'a pas produit de titres exécutoires, les créances
alléguées résultent de documents unilatéraux ne
comportant pas la signature du débiteur et non certifiés par une
autorité légalement habile ; et il s'y ajoute que les
chèques ne sont également pas émis par la
société A4 CENTER ; elles ne sont donc pas certaines.
»204
L'une des causes de demande par le créancier de la
procédure collective de liquidation des biens contre son débiteur
est le fait que toutes les poursuites en paiement du créancier sont
demeurées vaines. En l'espèce, le jugement du TPI de Libreville
du 12 mars 2001 a ouvert une procédure de liquidation des biens contre
la société OGAR à la demande d'un des ses
créanciers du fait que la société a cessé toute
activité depuis plus d'un an et ses dirigeants ont quitté le
Gabon ; ce qui a fait que toutes les poursuites en paiement soit
demeurées vaines.205
Il faut noter en outre que l'alinéa 3 de l'article 28
AUPC laisse au débiteur assigné la possibilité de faire la
déclaration et la proposition de concordat dans le délai d'un
mois de l'assignation.
c) Saisine d'office
Aux termes de l'article 29 AUPC, la juridiction
compétente peut se saisir d'office, notamment sur base des informations
fournies par le
203 Art. 28 AUPC.
204 Cour d'appel de Dakar, Chambre civile et commerciale,
Arrêt n° 192 du 18 février 2010, Mr X c/
Société A4 CENTER, OHADA, Actes uniformes commentés et
annotés, Juriscope, p. 1177.
205 TPI de Libreville, Jugement n° 11/2000-2001 du 12
mars 2001, Mr X c/ Société OGAR ; OHADA, Traité et
actes uniformes commentés et annotés, p. 1176.
67
représentant du Ministère public, les
commissaires aux comptes, les associés ou les institutions
représentatives du personnel qui lui indiquent les faits de nature
à motiver cette saisine.
Le président du tribunal fait convoquer le
débiteur, par les soins du greffier, par acte extrajudiciaire, à
comparaître devant la juridiction compétente siégeant en
audience non publique.
Si le débiteur comparaît, le président
l'informe des faits de nature à motiver la saisine d'office et
reçoit ses observations. Si le débiteur reconnaît
être en cessation des paiements ou en difficulté ou si le
président acquiert l'intime conviction qu'il est dans une telle
situation, ce dernier lui accorde un délai de 30 jours pour faire la
déclaration et la proposition de concordat. Passé ce
délai, le tribunal statue en audience publique.
Si le débiteur ne comparaît pas, il en est pris
acte et la juridiction compétente statue à la première
audience publique utile.
De ce qui précède, l'on note que les cas de
saisine d'office sont en pratique très rares. Les enquêtes pouvant
être faites par des organes ou des individus chargés d'informer le
tribunal paraissent inadéquates. Il serait mieux pour les tribunaux de
commerce de la RDC d'organiser, à l'instar des tribunaux de commerce
belges, un service d'enquêtes commerciales dont l'utilité est
évidente pour la saisine d'office.206
B. Modalités d'exécution 1°)
La décision du tribunal
Il ressort de la lecture de l'article 32 AUPC qu'avant de
prononcer l'ouverture d'une liquidation des biens, le tribunal peut
désigner un juge du siège ou toute personne qu'il estime
qualifiée pour recueillir tous renseignements sur la situation du
débiteur, ses agissements et ses propositions concordataires et en faire
rapport.
A cet égard, on remarque que quel que soit le mode de
saisine, le tribunal ne peut rendre de décision avant 30 jours à
compter de sa saisine. Si le tribunal constate la cessation des paiements dans
le chef du débiteur, il doit prononcer la liquidation des biens
après avoir constaté que le débiteur ne peut pas ou ne
peut plus proposer un concordat sérieux de redressement
judiciaire.207Il peut aussi prononcer cette liquidation à
tout moment au cours de la procédure de redressement judiciaire si le
débiteur ne respecte pas ses propositions contenues dans le
concordat.
206 DUPLAT J.L, « Les services des enquêtes
commerciales des tribunaux de commerce » ; in L'entreprise en
difficulté, Editions Jeune Barreau, 1981, pp. 45-76.
207 Art. 33 AUPC.
68
Le concordat sérieux, à en croire le professeur
Filiga Michel SAWADOGO, est celui qui, tout en préservant et en
favorisant l'assainissement de l'entreprise, assure le paiement des
créanciers dans des conditions acceptables. Il doit donc comporter d'une
part des mesures de redressement de la société et un plan de
paiement des créanciers théoriquement satisfaisants, et d'autre
part des garanties d'exécution des engagements que contient la
proposition de concordat.208
Le tribunal, dans la décision d'ouverture de la
liquidation des biens, nomme certaines personnes devant agir comme organes de
la liquidation, à savoir le juge commissaire, un à trois syndics,
et le cas échéant, des contrôleurs.
a) Le juge commissaire
Il est nommé parmi les juges de la juridiction,
à l'exclusion de son président sauf en cas de juge unique. Il
veille au déroulement rapide de la procédure et aux
intérêts en présence. C'est lui qui nomme les
contrôleurs, lesquels sont choisis parmi les créanciers, sans que
leur nombre puisse excéder trois.209Ces derniers assistent le
juge-commissaire dans sa mission de surveillance du déroulement de la
procédure.
b) Le syndic
Il paraît comme l'acteur central dans la
procédure de liquidation des biens. C'est lui seul qui exécute
les opérations de liquidation pendant que les autres sont là pour
assurer le contrôle. Il est généralement choisi sur une
liste des spécialistes arrêtée par la Cour
d'appel.210
Sa mission est essentielle quant au déroulement
diligent et au bon aboutissement de la procédure collective. Il a
l'obligation de rendre compte de sa mission au juge-commissaire selon une
périodicité définie par ce dernier.211 Le
syndic peut représenter la masse des créanciers, le tribunal en
tant que mandataire de justice et, le cas échéant, le
débiteur. L'on remarque que dans ces conditions, un conflit de fonctions
peut se produire.
En effet, les alinéas 2 et 3 de l'article 53 AUPC
énoncent que le jugement qui prononce la liquidation des biens entraine
corrélativement le dessaisissement des pouvoirs du débiteur au
profit du syndic qui sera chargé de représenter les droits et
actions concernant le patrimoine du débiteur dessaisi pendant toute la
durée de la procédure collective. Lorsque le débiteur est
une personne physique, l'application ne pose pas de difficulté dans la
mesure où le débiteur est simplement remplacé par le
syndic.
208 SAWADOGO FM, op.cit, p. 1183.
209 Art. 48 AUPC.
210 SAWADOGO F.M, op.cit, p. 1193.
211 Art. 43 al. 4 AUPC.
69
En revanche, le débiteur conserve ses droits propres,
tels que les droits de recours contre les décisions, qu'il pourra
exercer lui-même. Mais lorsque le débiteur est une personne
morale, le problème est tout autre. La société
débitrice dissoute est donc dessaisie et à travers elle, les
dirigeants sociaux et le conseil d'administration.
Cependant, en vertu du principe posé selon lequel la
personnalité morale de la société subsiste pour les
besoins de la liquidation, la société dispose encore des droits
encore des droits propres, notamment le droit de faire appel du jugement
ouvrant ou prononçant la liquidation des biens, ou faire appel des
décisions du juge commissaire.
Toute la problématique est alors celle de savoir qui
est habilité à représenter la société dans
ses diverses actions. En d'autres termes, comment pallier ce vide
législatif occasionné par la cessation des pouvoirs des
dirigeants sociaux dès le prononcé du jugement de liquidation des
biens contre la société P
Maître Bérenger Yves MEUKE, un auteur, a
tenté d'apporter une solution à ce problème (laquelle
solution nous paraît logique), en soutenant qu' « il est
indispensable de remplacer les organes sociaux dessaisis et de nommer aux
côtés du syndic un représentant de la société
qui sera chargé de représenter les intérêts propres
de la société débitrice (un liquidateur
sociétaire), car, d'une part le syndic est incompétent pour
exercer les droits propres de la débitrice et par conséquent il
ne doit pas représenter celle-ci dans les actions en justice à
engager dans cette procédure.
Etant chargé de représenter les
créanciers, on pourrait se retrouver face à un conflit
d'intérêts entre les droits des créanciers et ceux propres
à la débitrice. D'autre part, les organes sociaux sont eux aussi
incompétents pour représenter la débitrice puisqu'ils ont
perdu tous pouvoirs dès le prononcé du jugement confirmant la
liquidation des biens ».212
Il est à noter en outre qu'un jugement
prononçant la liquidation des biens est toujours susceptible
d'appel.213Ce jugement doit être mentionné au RCCM et
publié dans un journal d'annonces légales.214Ceci
traduit la nécessité pour le jugement d'ouverture de faire
l'objet d'une publicité afin d'informer les créanciers et les
personnes qui ont traité ou qui voudraient traiter avec le
débiteur. La publicité est habituelle et est
considérée comme justifiée dès lors que la
société est en état de cessation des paiements.
212 MEUKE B.Y., « Qui représente la
société en liquidation des biens dans l'espace OHADA ? »,
Ohada.com/ Ohadata D-08-16, pp. 1-6.
213 Art. 33 al. 5 AUPC.
214 Art. 36 AUPC.
70
2°) Effets du jugement de liquidation des
biens
a) A l' égard du débiteur
· Dessaisissement : Désormais, le
débiteur est dessaisi de la gestion, de l'administration et de la
disposition de son patrimoine. L'accomplissement de ces actes est confié
au syndic. La liquidation des biens d'une société d'une
société entraine de plein droit sa dissolution.
b) A l'égard des créanciers
· Regroupement en une masse : Ne peuvent
participer à la procédure collective que les créanciers
réunis en une masse représentée par le syndic qui est seul
à pouvoir agir en son nom et l'engager.215Ne font partie de
la masse que les créanciers dont la créance est née
antérieurement à la date du jugement d'ouverture de la
procédure.
En plus du regroupement en une masse, le jugement de
liquidation des biens produit les effets suivants, communs à tous les
créanciers :
- Il arrête le cours des inscriptions de toutes les
sûretés216;
- Il emporte, au profit de la masse, une hypothèque
forcée217;
- Il suspend ou interdit toutes les poursuites
individuelles218, sauf les actions en nullité en et en
résolution, ou encore les actions tendant uniquement à la
reconnaissance d'un droit de créance ou de propriété si ce
droit leur est contesté par le syndic après production ;
- Il rend exigibles les dettes à termes à
l'égard du débiteur219 ;
- Il arrête, à l'égard de la masse, le
cours des intérêts des dettes à termes220. Le
fondement psychologique de cette règle de l'arrêt du cours des
intérêts est qu'il n'est pas raisonnable de réclamer les
intérêts là où le recouvrement du capital est
compromis. Au plan technique, cette règle permet de fixer
définitivement le montant de passif.221
- Il oblige tous les créanciers de produire, sous peine
de forclusion, leurs titres de créance auprès du syndic et se
soumettre à la procédure de vérification222.
Cette procédure de vérification aboutit à
l'établissement d'un état qui est déposé au greffe,
notifié à chaque créancier et publié dans un
journal d'annonces légales. La décision du syndic est soit
l'acceptation (partielle ou totale) de la créance, soit le rejet de
celle-ci. Cette décision peut être soit confirmée ou
infirmée par le juge-commissaire, soit contestée par le
créancier devant le tribunal.
215 Art. 72 AUPC.
216 Art. 73 AUPC.
217 Art. 74 AUPC.
218 Art. 75 AUPC. 219Art. 76 AUPC.
220 Art. 77 AUPC.
221 SAWADOGO F.M, op.cit, p. 1220.
222 Art. 78 à 90 AUPC
71
Au bout du compte, il faut noter que tant que la
procédure de liquidation des biens n'est pas close, l'activité de
la société peut continuer. Cette poursuite d'activité peut
présenter quelques avantages : elle procure des revenus et conserve la
valeur du fonds. Mais elle présente le danger, si elle est
déficitaire, d'aggraver le passif au détriment des
créanciers. Le législateur la soumet donc à un
régime particulier.
En effet, la continuation de l'exploitation doit être
autorisée par le tribunal, pour les seuls besoins de la liquidation,
pour une durée de 3 mois, si l'intérêt public ou celui des
créanciers n'est pas mis en péril. Au bout de 3 mois,
l'exploitation cesse ; elle peut être reconduite une ou plusieurs fois
sans pouvoir dépasser un an sauf décision spécialement
motivée du tribunal pour des motifs exceptionnels ; et de ce fait, le
syndic doit, tous les trois mois, communiquer le résultat de
l'exploitation.223
3°) Solution de la liquidation des biens
Dès que la liquidation des biens est prononcée,
les créanciers sont en état d'union.224L'union est
l'état des créanciers groupés pour faire valoir leurs
droits. Le syndic, après avoir accompli les mesures de la période
préparatoire (vérification du passif, inventaire de l'actif,
etc.), remet le rapport au juge-commissaire qui l'autorise à
procéder à la réalisation de l'actif et à
l'apurement du passif.
a) La réalisation de
l'actif225
La réalisation de l'actif constitue la question la plus
importante que pose la liquidation des biens.
? Biens meubles : Le syndic poursuit seul la vente
des biens meubles de la société, le recouvrement des
créances et le règlement des dettes. Les créances à
long terme peuvent faire l'objet de cessions afin de ne pas retarder les
opérations de liquidation dans les conditions prévues pour les
compromis et les transactions. Les deniers provenant de ces opérations
sont versés sur un compte spécial sur lequel aucune opposition
n'est recevable.
? Biens immeubles : En principe, les ventes
d'immeubles ont lieu suivant les formes prescrites en matière de saisie
immobilière. C'est le juge-commissaire qui détermine les
conditions essentielles et les modalités de la vente (vente sur saisie
immobilière, vente par adjudication amiable ou vente de gré
à gré). Si, dans le délai de trois mois suivant le
jugement de liquidation des biens, le syndic n'a entrepris aucune
procédure de
223 Art. 112 à 117 AUPC.
224 Art. 146 AUPC.
225 Art. 147 à 163 AUPC.
72
réalisation d'immeuble, les créanciers
hypothécaires et les créanciers munis d'un privilège
général peuvent exercer ou reprendre leur droit de poursuite
individuelle à charge d'en rendre compte au syndic.
b) L'apurement du passif226
Il s'agit du paiement des créanciers. Pour ce faire,
le juge-commissaire ordonne la répartition des deniers entre les
créanciers et le syndic adresse à chaque créancier un
chèque correspondant à son dividende, lequel chèque est
tiré sur le compte ouvert spécialement à cet effet dans un
établissement bancaire ou postal ou au Trésor public.
Le montant de l'actif est repartie entre tous les
créanciers dont la créance est vérifiée et admise,
déduction faite des frais et dépens de la procédure et des
éventuels secours accordés au débiteur et à sa
famille.
Les deniers provenant de la réalisation des immeubles
et des meubles sont repartis entre les créanciers sur base d'un
classement établi par la loi (Articles 166 et 167 AUPC). C'est ce
même classement qui est prévu par les articles 225 et 226 de
l'Acte uniforme sur les sûretés (AUS). Concernant l'application de
ces dispositions, il faut savoir que les créanciers d'un rang
supérieur doivent être intégralement payés avant les
créanciers du rang suivant et ainsi de suite.
c) La clôture de la liquidation des biens
Lorsque les opérations de liquidation des biens sont
terminées, le syndic en rend compte au juge-commissaire, qui dresse un
procès-verbal (PV) constatant la fin des
opérations.227Le PV est ensuite communiqué au Tribunal
qui prononce la clôture de la liquidation des biens et tranche, par la
même occasion, les contestations éventuelles.
L'union est donc dissoute de plein droit et les
créanciers recouvrent l'exercice individuel de leurs actions. La
décision de clôture est publiée au Journal officiel ainsi
qu'au RCCM, par les soins du greffier, après en avoir adressé un
extrait au représentant du Ministère public.228
Si les fonds manquent pour entreprendre ou terminer les
opérations de la liquidation des biens, le tribunal peut, sur le rapport
du juge-commissaire, à quelque époque que ce soit, prononcer,
à la demande de tout intéressé ou même d'office, la
clôture des opérations pour insuffisance d'actif.229
La clôture des opérations pour insuffisance
d'actif est, à en croire le professeur SAWADOGO, le mode de
clôture le plus fréquent, statistiquement
226 Art. 164 à 169 AUPC.
227 Art. 170 AUPC.
228 Art. 172 AUPC.
229 Art. 173 AUPC.
73
parlant.230Il y a insuffisance d'actif lorsqu'il
n'y a pas d'actif du tout231 ou lorsque les frais de
réalisation de l'actif excèdent les recettes attendues. Un tel
mode de clôture s'explique aisément : la procédure tend
à un paiement, ne serait-ce que partiel. S'il n'y a aucune perspective,
il est logique l'on y mette fin, d'autant plus que la poursuite de la
procédure dans ce cas ne peut que gonfler inutilement le passif. De ce
point de vue, la clôture pour insuffisance d'actif apparaît comme
un raccourci ou un diminutif de l'union.
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