Le sort des contrats et des conflits de travail en cours dans les sociétés commerciales en voie de disparition.( Télécharger le fichier original )par Fabrice KABAMBA KADIMA Université de Mbuji-Mayi - Droit 2016 |
B. CausesIl existe des causes de dissolution communes à toutes les sociétés ainsi que celles particulières à chaque forme de société. I. Causes communes L'article 200 AUSCGIE énumère sept causes générales de dissolution applicables à toutes les sociétés. Il s'agit de : - L'expiration de la durée ; - La réalisation ou l'extinction de l'objet ; - L'annulation du contrat de société ; - La décision des associés aux conditions prévues pour modifier les statuts ; - La dissolution anticipée prononcée par la juridiction compétente, à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés empêchant le fonctionnement normal de la société ; - L'effet d'un jugement prononçant la liquidation des biens de la société ; - Toute autre cause prévue par les statuts. Il faut noter que certaines de ces causes sont de plein droit (1°et 2°) ; d'autres sont volontaires (4°et 7°) ; et d'autres encore sont forcées ou accidentelles (3°,5° et 6°). 1°) L'expiration de la durée La société a toujours été constituée pour une durée, et en droit OHADA, la durée maximale est de 99 ans.109 Il va donc de soi que lorsque la société est constituée pour une durée moindre (5 ans par exemple), elle puisse prendre fin à l'expiration de ce délai. Aux termes de l'article 200-1° de l'AUSCGIE, la société prend fin « par l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée », c'est-à-dire lorsqu'elle arrive au terme de sa durée statutaire. L'arrivée du terme constitue donc une cause de plein droit de la société ; c'est ce qui ressort de l'article 30 de l'AUSCGIE. Il s'agit, à en croire Bruno PETIT, d'une dissolution automatique et irrémédiable qui peut se révéler des plus inopportunes.110 C'est pourquoi il est possible, sinon de revenir en arrière, du moins de prévenir l'événement en décidant à l'avance d'une augmentation de la durée de la société. Cette 109 Art. 28 AUSCGIE. 110PETIT B., op.cit., p. 40. 43 augmentation ne peut résulter que d'une décision expresse (et en principe unanime) des associés, appelée « prorogation ». En effet, un an au moins avant la date d'expiration de la société, les associés doivent être consultés à l'effet de décider si la société doit être prorogée.111 Cette consultation est faite à l'initiative des dirigeants qui encourent une responsabilité s'ils omettent de le faire et causent ainsi un préjudice.112 A défaut de consultation par les dirigeants, tout associé peut obtenir en justice la désignation d'un mandataire chargé de provoquer cette consultation.113 Si les associés n'ont pas augmenté la durée de vie de la société, au moins un an avant l'arrivée du terme, par une décision prise à l'unanimité, celle-ci sera dissoute de plein droit.114Cependant, si la société continue quand même de fonctionner alors qu'elle devrait être fermée, elle sera considérée comme une « société de fait » et ne sera plus dotée de la personnalité juridique. Seuls les statuts continueront à s'appliquer entre les associés, comme un contrat ordinaire. Le caractère irréversible de la dissolution conséquente à l'expiration de la durée peut avoir de graves conséquences, juridiques et fiscales, et il est donc important de prendre suffisamment tôt les dispositions nécessaires lorsqu'il y a lieu de poursuivre l'existence de la société au-delà de son terme prévu, en décidant sa prorogation. Cette prorogation ne peut intervenir qu'avant que la dissolution ne soit consommée, c'est-à-dire au plus tard, la veille du jour de l'expiration de la durée.115Au-delà, il serait nécessaire de procéder à la création d'une nouvelle société appelée à poursuivre les activités de la précédente. L'article 32 AUSCGIE dispose que la société peut être prorogée une ou plusieurs fois. Cela signifie en d'autres termes qu'il est possible que la durée d'une société soit successivement augmentée (par périodes maximum de 99 ans), sans limitation particulière. En principe, une décision de prorogation peut intervenir à tout moment, alors même que la durée en cours serait éloignée de son terme.116Toutefois, et bien que l'Acte uniforme ne le précise pas explicitement, la décision de prorogation ne devrait intervenir qu'à l'approche de la date prévue pour l'expiration de la durée de la société. On n' aperçoit pas, a priori, l'intérêt qu'il y aurait à prendre une telle décision prématurément. La prorogation implique donc, aux termes de l'article 33 AUSCGIE, une modification ou un complément à apporte à l'article des statuts relatif à la durée. En conséquence, cette décision requiert le respect des conditions 111 Art. 35 AUSCGIE. 112 OHADA, Traité et actes, op.cit., p. 399. 113 Art. 36 AUSCGIE. 114 Art. 30 AUSCGIE. 115 OHADA, Doit des sociétés commerciales et du GIE, commentaires, Edicef, Paris, 1998, p. 10. 116 Idem, p. 11. 44 prévues pour les décisions extraordinaires, et la décision spécifique à la modification des statuts requiert la forme authentique (acte notarié ou acte sous-seing privé déposé au rang des minutes d'un notaire117). En pratique, l'article des statuts relatifs à la durée devrait, après modification, laisser subsister l'indication de la durée initiale et comporter celle de la date et de la durée de la prorogation, de façon à bien la distinguer d'une simple modification de la durée. 2°) La réalisation ou l'extinction de l'objet social Ces deux hypothèses ne sont pas identiques. Il y a réalisation de l'objet social lorsque la ou les opérations pour lesquelles la société s'est constituée sont définitivement achevées.118 La réalisation de l'objet est un événement heureux, puisque la société a atteint l'objectif qui lui avait été fixé : le chantier est achevé, l'immeuble est construit, le marché est exécuté, etc. La réalisation de l'objet est donc la situation dans laquelle les statuts ont été rédigés de façon à ce que l'activité pour laquelle a été constituée la société puisse être terminée : c'est ce qu'on appelle une société de mission. Il sied de noter que cette réalisation ne joue qu'exceptionnellement car elle suppose que les associés n'ont entendu se lier que pour la réalisation d'un programme précis et limité dans le temps. Quant à l'extinction de l'objet, c'est au contraire un événement malheureux puisque la société est empêchée de poursuivre son activité.119Cette dernière est devenue impossible matériellement ou juridiquement. L'objet est éteint lorsqu'il ne peut plus être atteint pour des raisons extérieures à la volonté des associés. En d'autres termes, l'extinction de l'objet social est le cas où la raison d'être de la société prend fin. Par exemple, l'annulation du brevet pour lequel la société était constituée, le retrait d'une autorisation administrative d'exploiter une mine, l'activité est frappée d'interdiction, une société constituée pour gérer un immeuble qui disparaît dans un sinistre, l'objet d'une société devient illicite, etc. La situation est par conséquent différente en cas de simple cessation d'activité non motivée par la disparition de l'objet : la société n'est pas ipso facto dissoute ; elle devient une société en sommeil ou « société coquille » prête à reprendre du service en cas de nécessité. En d'autres termes, une cessation temporaire d'activité suppose une reprise possible si les circonstances changent ; elle s'accompagne habituellement d'une décision collective de « mise en sommeil ».120La pratique révèle de nombreuses sociétés qui sont des coquilles vides n'ayant aucune activité mais prêtes à reprendre une activité nouvelle, et 117 Idem. 118 ISSA-SAYEGH J., dissolution et liquidation, op.cit., p. 1. 119 PETIT B, op.cit., p. 40. 120 OHADA, Droit des sociétés, op.cit., p. 61. 45 dans certains pays, notamment les paradis fiscaux, il y a un véritable marché de coquilles vides.121 De ce qui précède, il faut noter que les deux hypothèses susmentionnées sont cependant très proches. Dans les deux cas, la poursuite de l'objet statutaire devient impossible et la société n'a donc plus de raison d'exister. Une telle situation, en fait, suppose que l'objet de la société ait été précisément et étroitement défini dans ses statuts, ce qui est très inhabituel. Dans les deux cas également, il s'agit d'une dissolution automatique et irrémédiable qui peut se révéler aussi inopportune. Il est néanmoins possible, comme dans l'hypothèse de la durée, de prévenir la dissolution en procédant à la modification appropriée des statuts. Objectivement enfin, la société qui n'a plus d'objet devrait pouvoir être dissoute de plein droit mais encore faudrait-il que la cessation d'activité revête un caractère définitif. Il est cependant vrai que le fait que l'objet social soit souvent bien défini de manière très large fait qu'il est rare de voir dans la pratique des sociétés dont l'objet social aurait complètement disparu. En d'autres termes, les statuts définissent généralement l'objet social de façon suffisamment étendue pour que la société ait toujours une possibilité d'activité. 3°) L'annulation du contrat de société De toute évidence, l'efficacité d'une législation est assurée par les sanctions. Il arrive de fois dans l'AUSCGIE que le législateur précise que la violation d'une disposition est sanctionnée par la nullité. En général, les nullités des sociétés sont envisagées sous deux angles : celles consécutives aux irrégularités de constitution et celles relatives aux délibérations des sociétés. La nullité de la société ainsi que celle des actes sociaux sont soumises à un même régime juridique. Les cas de nullité sont très limités. Les principes sont clairement posés par les articles 242 al. 1, 244 et 245 AUSCGIE. En effet, la nullité d'une société ou de tous actes, décisions ou délibérations modifiant les statuts ne peut résulter que d'une disposition expresse de l'Acte uniforme. La nullité de la société (SARL et SA) pour vice de consentement ou incapacité d'un associé ne peut être prononcée à moins que cette cause de nullité atteigne tous les associés fondateurs.122 La nullité de tous actes, décisions ou délibérations ne modifiant pas les statuts de la société ne peut résulter que d'une disposition impérative de l'Acte uniforme.123La nullité peut toutefois résulter aussi bien des dispositions régissant les contrats en général que celles qui intéressent le contrat de société en particulier. 121DIEYE A, op.cit, p. 108. 122Art. 243 AUSCGIE. 123Art. 244 AUSCGIE. 46 En effet, l'article 253 AUSCGIE dispose que « lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin, sans rétroactivité, à l'exécution du contrat. Il est procédé à sa dissolution et, pour ce qui concerne les sociétés pluripersonnelles, à leur liquidation ». L'application de cette mesure suppose que la société ait été constituée en vue de commettre les faits incriminés ou qu'elle ait été détournée de son objet à cette fin.124Le contrat de société peut être annulé pour non respect des conditions de fond ou de formation d'un contrat (sauf l'hypothèse de l'article 243), pour l'émission des titres sociaux négociables par des sociétés autres qu'une SA125, pour une fusion, scission ou apport partiel d'actif constitué sans déclaration de conformité126, pour le non respect des formalités de publicité dans les SCS et les SNC127 , etc. La non rétroactivité de l'annulation de la société est fondée de la théorie de la société de fait. Celle-ci est une exception remarquable au droit commun des nullités. Pour le passé, la société a fonctionné comme une société de fait et les actes qu'elle a conclus ne sauraient être remis en cause. Dès lors, la nullité ne vaut que pour l'avenir ; elle ne produit que les effets d'une dissolution.128 Les tiers qui ont cru à l'apparence de la société peuvent demander l'exécution des engagements pris par les dirigeants, et il est clairement précisé que « ni la société, ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi ».129Les tiers de bonne foi sont ceux qui ont cru à l'apparence de la régularité de la société.130Il faut noter en outre que les associés dont le comportement est à l'origine de l'annulation engagent leur responsabilité civile.131 Il n'en reste pas moins vrai que quand la nullité est encourue, l'Acte uniforme met à l'action un certain nombre d'obstacle : la prescription de l'action très courte (3 ans conformément à l'article 251), et surtout la préférence pour la régularisation (l'article 60 en cas de réunion des parts en une seule main, les articles 246 et suivants qui traitent de l'obstacle à la régularisation en général). Enfin, les conséquences de la nullité sont très atténuées, la théorie de la société de fait étant consacrée par la loi. 124 PETIT B., op.cit, p. 41. 125 Art. 58 AUSCGIE. 126 Art. 198 AUSCGIE. 127 Art. 245 AUSCGIE. 128 OHADA, Traité et actes, op.cit, p. 462. 129Art. 255 AUSCGIE. 130 OHADA, Traité et actes, op.cit, p. 462. 131 Art. 256 AUSCGIE. 47 4°) La décision des associés aux conditions prévues pour modifier les statuts A tout moment de la vie de la société, les associés peuvent décider à l'amiable de mettre un terme à la société en votant en Assemblée Générale, sa dissolution anticipée. Cette dissolution conventionnelle est prise à la majorité qualifiée et dans les conditions prévues pour la modification des statuts. Cette décision des de modification est prise pour quelque cause que ce soit, même si elle n'est prévue ni par la loi, ni par les statuts. Elle est aussi prise quel que soit le moment, même avant le terme s'il s'agit d'une société à durée déterminée.'32 Il y a lieu de noter que pour une SNC, il faut l'unanimité, pour une SARL les associés représentant 3/4 du capital social, et pour une SA les actionnaires représentant 2/3 du capital social.'33 En outre, il va sans dire que la décision de dissolution peut être prise à titre principal ou à titre incident (acceptation d'une fusion ou d'une scission, transformation de la société en une forme telle que la personnalité morale ne peut être maintenue, etc.). 5°) La dissolution judiciaire pour justes motifs L'article 200, 5° autorise tout associé à demander en justice la dissolution « pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre les associés empêchant le fonctionnement normal de la société ». Cette dissolution repose en effet la double constatation de la disparition de l'affectio societatis et de l'inaptitude de la société à remplir sa fonction économique d'organisation d'entreprise. En d'autres termes, la dissolution judiciaire d'une société nécessite la réunion de deux conditions cumulatives : une mésentente grave entre les associés et une paralysie du fonctionnement de la société.'34 Les justes motifs mentionnés par le texte sont présentés comme des exemples et la liste n'est donc pas limitative. Le texte peut également renvoyer à d'autres circonstances déduites de l'emploi du terme « notamment ». Il reviendra alors au juge d'apprécier la demande de l'associé en fonction de l'intérêt social pour en déduire le juste motif. Cependant en pratique, la demande est le plus souvent fondée sur la mésentente entre associés. Celle-ci doit, pour conduire à la dissolution, être suffisamment grave pour rendre 132 ISSA-SAYEGH J., Dissolution et liquidation, op.cit, p. 2. 133 DIEYE A., op.cit, p. 109. 134 « (...) Attendu que pour prononcer la dissolution anticipée de la société, l'arrêt relève qu'il existe entre M. Nicolas Y. et Mme X une très grave mésintelligence ; qu'il relève encore que le comportement fautif de la gérante, qui a agi dans son intérêt propre et dans celui de son époux en profitant de la majorité des voix que représentaient leurs parts respectives, ne permet pas de poursuivre l'exploitation sociale ; attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la paralysie du fonctionnement de la société, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »( Cass. Comm, 19 mars 2013, Pourvoi n° 12-15.283 ; OHADA, Code bleu, 3ème édition, Juriafrica, 2014, p.199). 48 impossible la poursuite de la collaboration. Elle doit surtout, comme dit ci-haut, entraîner la paralysie du fonctionnement de la société.'35 Sans nul doute, l'action en dissolution est attribuée par le texte aux seuls associés. Cette qualité est donc nécessaire et suffisante : elle doit, en principe, être refusée notamment aux créanciers et aux salariés de la société. La jurisprudence considère qu'il s'agit d'une action d'ordre public à laquelle les associés ne sauraient renoncer par avance, par une clause des statuts notamment.'36 La demande de l'associé doit être de bonne foi ; et un associé ou actionnaire ne peut se prévaloir de la cause de dissolution qu'il a lui-même créée. Dans certains cas les tribunaux n'hésitent pas à condamner le demandeur de mauvaise foi et en sus à lui demander de payer les dommages-intérêts.'37 L'inexécution par un associé de ses obligations peut s'illustrer à titre exemplatif par le défaut pour un associé de réaliser l'apport promis si celui-ci est important pour la vie de la société. En effet, l'associé mécontent qui souhaite obtenir la dissolution d'une société commerciale doit rapporter la preuve de la mésentente entre associés empêchant le fonctionnement normal de ladite société.'38Aussi, celui qui entend solliciter la dissolution anticipée de la société ne doit pas avoir provoqué la mésentente sur laquelle il s'appuie pour la demander.'39 Il se pose dès lors une question, vu ce qui précède : est-il possible d'exclure l'associé à l'origine de la mésentente P Il y a, à en croire Alioune DIEYE, une profonde controverse sur l'existence d'un fondement légal à l'exclusion d'un associé contestataire. L'associé a en principe un droit intangible de faire partie de la société. Pourtant le courant majoritaire estime aujourd'hui que lorsque les fondateurs ont prévu une clause prévoyant l'exclusion, l'associé pourra être exclu, mais si et seulement si les causes d'exclusion sont retenues.'40 C'est ainsi que, dans le cas d'espèce, un associé, monsieur BOKOUM a, suite aux nombreuses difficultés rencontrées avec son associé principal, 135 DIEYE A., op.cit, p. 109; OHADA, Droit des sociétés, op.cit, p. 61. 136 PETIT B., op.cit, p. 41. 137 DIEYE A., op.cit, p. 110. 138 (...) L'associé mécontent ne rapporte pas la preuve d'une mésentente entre associés empêchant le fonctionnement normal de la société ; qu'il s'ensuit qu'en faisant droit à la demande de dissolution, sans déterminer en quoi les allégations du requérant sont fondées, la Cour d'appel de Kayes a insuffisamment motivé sa décision et privé celle-ci de base légale. » (CCJA, Arrêt n° 039/2008 du 17 juillet 2008, Aff. Abdoulaye BALDE et autres c/ Boubacar Alphodio BAH, Juridata n° J039-07/2008 ; OHADA, Code bleu, op.cit, p. 198). 139 Cour d'appel d'Abidjan, Arrêt n° 1048 du 20 juillet 2001 ; Société S.I Flor Tropiques c/ M. Jean Luc DELAURNEY, Ohada.com/Ohadata J-04-103. 140 DIEYE A., op.cit, p. 110. 49 informé ses coactionnaires de son intention ferme et définitive de mettre fin à la société anonyme qu'ils ont créée. Il intente alors une action en dissolution et en liquidation des biens de ladite société, en saisissant le TGI de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) le 23 février 2007, et la décision prononçant la dissolution et la liquidation a été rendue en sa faveur le 06 juin 2007. Les autres actionnaires en Assemblée Générale convoquée le 19 mars 2007, ont déchu monsieur BOKOUM de sa qualité d'associé, l'accusant d'être à l'origine de la mésentente, surtout que ce dernier n'avait pas été associé à ladite assemblée, et ont décidé de lui restituer la valeur nominale de ses actions sans son consentement. Ses coactionnaires défendeurs avaient également soulevé les exceptions de nullité de l'acte d'assignation et la fin de non recevoir tirée, selon eux, du défaut de qualité de monsieur BOKOUM avant la décision, lesquelles exceptions on été rejetées par le tribunal. Contre ce jugement, les défendeurs interjetaient appel. La cour d'appel de Bobo-Dioulasso a confirmé le jugement du premier degré en motivant qu'à la date du 23 février 2007, monsieur BOKOUM était toujours associé et que l'AGE141, fut-elle régulièrement convoquée le 19 mars 2007, ne peut pas rétroactivement le déchoir de sa qualité d'associé.142 6°) Dissolution par l'effet d'un jugement ordonnant la liquidation des biens La liquidation des biens prévue par l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif (AUPC) constitue une cause de dissolution de la société commerciale. En effet, les procédures collectives sont des procédures judiciaires ouvertes lorsque le commerçant personne physique ou personne morale de droit privé est en état de cessation des paiements ou connaît des sérieuses difficultés financières, dans la but d'assurer le paiement des créanciers et, dans la mesure du possible, le sauvetage de l'entreprise ou la société et, par voie de conséquence, de l'activité et des emplois.143 Ces procédures sont au nombre de trois, notamment le règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens. Les deux premières ne visent pas la dissolution de la société mais constituent plutôt, d'une part, à éviter ou prévenir la cessation des paiements (règlement préventif) et d'autre part, à sauvegarder la société dans la mesure du possible malgré la cessation des paiements, tout en assurant un traitement par sauvetage (redressement judiciaire). C'est pourquoi seule la liquidation des biens est retenue ici comme cause de dissolution car entraînant la disparition pure et simple de la société. 141 Assemblée Générale extraordinaire. 142 Cour d'appel de Bobo-Dioulasso, Chambre commerciale, Arrêt n° 10/09 du 10 juin 2009 ; UTB, SAWADOGO KOMYABA et autres c/ BOKOUM SAMBA Amadou ; Ohada.com/Ohadata J-10-117. 143 SAWADOGO F.M, Commentaires de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, Juriscope, 2012, p. 1127. 50 Dès qu'une société est en cessation des paiements, il n'est plus à démontrer que l'affectio societatis de certains associés fait défaut pour faire prononcer la dissolution.'44 Etant donné l'importance de la procédure collective de liquidation des biens dans la présente étude, nous avons prévu d'analyser en long et en large cette matière dans la troisième section de ce chapitre. 7°) Toute autre cause prévue par les statuts Les associés peuvent prévoir dans les statuts d'autres causes de dissolution. Ceci leur permet d'envisager contractuellement des cause de dissolution non prévues par la loi ou de rendre plus sévères celles qui existent. Par exemple la possibilité de demander la dissolution au bout d'un délai inférieur à celui de la durée de la société, le décès d'un associé, la modification de la situation juridique d'un associé, trois exercices consécutifs déficitaires ou la baisse continue du résultat, le changement de nationalité, etc. De tout ce qui précède, il sied de noter que cette liste des causes n'est pas exhaustive.'45 Certaines autres causes peuvent être retenues : accumulation des pertes sans espoir de retour à meilleur fortune, impossibilité de trouver de nouveaux dirigeants, variation des capitaux propres, etc. Il a même été jugé que l'abandon par le gérant d'une SARL de ses fonctions statutaires constitue un manquement à ses obligations d'associé, lequel justifie la dissolution de la société.'46 Les causes communes de dissolution des sociétés sont relativement classiques. Il faut également noter que la réunion de toutes les parts ou actions en une seule main n'est plus une cause de dissolution de plein droit de la société. La société d'un seul associé ayant été consacrée dans certaines hypothèses,'47cette cause n'est plus valable que pour les SNC et les SCS qui deviendraient a posteriori unipersonnelles. Il faudrait alors dans ce cas parler de réunion de toutes les parts en une seule main. Dans ce cas, la dissolution ne peut intervenir que par décision de justice lorsque la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an, ou 18 mois si le tribunal a accordé un délai supplémentaire pour la régularisation.'48 144 Tribunal de première instance de Niamey, Jugement civil n° 027 du 20 janvier 1999 ; MOUTARI MACAM SOULEY c/ SEEF Niger ; Ohada.com/ Ohadata J-04-74. 145 OHADA, Traité et actes, op.cit, p. 450. 146 TPI Abidjan, Jugement n° 80 du 12 avril 2001, NIAYE AIME DESSEROUIN FERNANDE c/ Nicole GOMES épouse Lemaître ; Ecodroit, n° 10, avril 2002, p. 79 (Ohada.com/ Ohadata J-02- 96.) 147 Art. 309 AUSCGIE pour la SARL, Art. 385 AUSCGIE pour la SA. 148 Art. 60 AUSCGIE. 51 II. Causes particulières Les dispositions générales consacrant les causes de dissolution de la société doivent être complétées par les dispositions particulières propres à chaque type de société. 1°) Fin de la Société en Nom Collectif Dans la SNC, l'intuitu personae est tel que l'existence même de la société est nécessairement remise en cause par la disparition de la confiance entre associés. Aussi, le décès d'un associé entraîne de plein droit la dissolution de la société sauf à faire figurer dans les statuts une clause de continuation faisant échec à la dissolution.149 La SNC est également dissoute lorsque l'un de ses associés est, en raison de son insolvabilité, de son incompétence, de sa malhonnêteté ou de son incapacité, frappé d'une inaptitude constatée ou prononcée par décision de justice.150 En effet, la SNC subit l'influence des événements qui atteignent personnellement ses associés. Ceci est une des manifestations de l'intuitu personae de ce type de société. En ce sens tout changement dans la condition juridique de l'associé doit être considéré : le décès, un jugement de liquidation des biens ou de faillite frappant un associé, l'incapacité ou l'interdiction qui l'atteindrait. Il faut y ajouter la révocation du gérant statutaire associé.151 Pour éviter de telles causes de dissolution dues à un seul associé, deux solutions sont envisageables : soit les autres associés décident dès la survenance de l'événement de continuer la société, soit ils insèrent dans les statuts une clause appropriée à cet effet.152 Lorsque la société se poursuit notamment avec les héritiers du défunt associé, un problème particulier se pose dans le cas où un ou plusieurs héritiers seraient mineurs non émancipés et incapables d'exercer le commerce. L'article 290 al. 2 et 3 préconise une solution satisfaisante dans la mesure où elle aboutit 149Art. 290 AUSCGIE : « La SNC prend fin par le décès d'un associé. Toutefois, les statuts peuvent prévoir que la société continuera soit entre les associés survivants, soit entre les associés survivants et les héritiers ou successeurs de l'associé décédé avec ou sans l'agrément des associés. S'il est prévu que la société continuera avec les seuls associés survivants, ou si ces derniers n'agréent que certains d'entre eux, les associés survivants doivent racheter aux héritiers ou successeurs de l'associé décédé ou à ceux qui n'ont pas été agréés, leurs parts sociales. En cas de continuation et si l'un ou plusieurs des héritiers ou successeurs de l'associé décédé sont mineurs non émancipés, ceux-ci ne répondent des dettes sociales qu'à concurrence des parts de la succession de leur auteur. En outre, la société doit être transformée dans le délai d'un an, à compter du décès, en société en commandite dont le mineur devient commanditaire. A défaut, elle est dissoute ». 150 Art. 291 AUSCGIE. 151 Art. 279 AUSCGIE 152 OHADA, Traité et actes, op.cit, p. 475. 52 à la limitation de la responsabilité de ce dernier. Celui-ci ne répond alors des dettes sociales qu'à concurrence des parts de la succession de son auteur. 2°) Fin de la Société en Commandite Simple Aux termes de l'article 308 AUSCGIE, la société continue malgré le décès d'un associé commanditaire. S'il est stipulé que malgré le décès de l'un des associés commandités, la société continue avec ses héritiers, ceux-ci deviennent associés commanditaires lorsqu'ils sont mineurs non émancipés. Si l'associé décédé était seul associé commandité et si ses héritiers sont alors mineurs non émancipés, il doit être procédé à son remplacement par un nouvel associé commandité ou à la transformation de la société dans un délai d'un an à compter du décès. Il se pose cependant une question sur la nouvelle forme de société à choisir en cas de transformation. Il n'en reste pas moins vrai que la forme de la SNC doit être déjà et catégoriquement exclue car l'héritier, qui est ici mineur non émancipé ne peut être commerçant. Il ne pourra par conséquent pas faire partie d'une telle société. Mais le choix des autres formes de société reste envisageable (SARL ou SA)153 3°) Fin de la Société à Responsabilité Limitée La SARL prend fin : - En cas de réduction du capital en dessous du minimum légal154; - Sur décision des actionnaires, en cas de perte de la moitié du capital social.155 Dès que cette situation se présente, l'article 371 fait obligation au gérant ou au commissaire aux comptes de consulter, dans les quatre mois qui suivent l'approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, les associés sur l'opportunité de prononcer la dissolution anticipée de la société. Il est à noter que lorsque les capitaux propres dépassent le montant du capital social, c'est un signe de prospérité ; l'excédent provient alors de la mise en réserve des bénéfices antérieurs. Par contre, si la société se retrouve entrain de « manger » son capital, il y a manifestement des difficultés financières.156 La solution consiste à consulter les associés sur l'opportunité de dissoudre la société ou de la continuer. Dans ce dernier cas, il y a obligation de reconstituer les capitaux propres ou de réduire le capital social.157Les dirigeants 153 OHADA, Traité et actes, op.cit, p. 480. 154 Art. 368 et 369 AUSCGIE. 155 Art. 371 AUSCGIE. 156 OHADA, Traité et actes, op.cit, p. 504 157 Art. 372 AUSCGIE. 53 sociaux qui omettent de convoquer l'AGE pour ladite consultation encourent des sanctions pénales.158 Il sied de noter que l'interdiction d'un associé, sa faillite ou son incapacité, et même le décès d'un associé, ne peuvent causer la dissolution de la SARL.159Donc malgré `intuitu personae de la société, les événements qui atteignent personnellement les associés n'entrainent pas, en principe, la fin de la société. 40) Fin de la Société Anonyme La SA prend fin sur décision des actionnaires en cas de perte de la moitié du capital. Dans ce cas, les administrateurs sont tenus de convoquer une AGE statuant sur la dissolution éventuelle de la société dans les quatre mois suivant le moment où la perte a été ou aurait dû être constatée.160 Si cette mesure n'est pas prise, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société.161Aux termes de l'article 668 AUSCGIE, la juridiction compétente saisie d'une demande de dissolution peut accorder à la société un délai maximale de six mois pour régulariser la situation. Elle ne peut prononcer la dissolution si, au jour où elle statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu. 50) Fin de la Société par Actions Simplifiée L'Acte uniforme n'a pas expressément énoncé les causes particulières à la dissolution de la SAS. Ceci se justifie en ce sens que le fonctionnement de la SAS est pour l'essentiel abandonné à l'imagination des rédacteurs des statuts (fondateurs) suite à une large liberté d'organisation laissée à ces derniers par le législateur. Néanmoins, sur base de l'article 853-3 AUSCGIE, les règles concernant les sociétés anonymes (à l'exception de certains articles spécifiques) sont applicables à la SAS, dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues dans le livre de l'AUSCGIE relatif à la SAS (Livre 4-2). D'où, nous déduisons que la SAS devra en principe prendre fin pour la même cause particulière que la SA, sauf disposition statutaire contraire. 158 Art. 901 AUSCGIE. 159 Art. 384 AUSCGIE. 160 Art. 664 AUSCGIE. 161 Art. 667 AUSCGIE. 54 |
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