3) Le véritable problème : la psychanalyse et
la philosophie, comme puissances d'expérimentation de la création
littéraire.
Pour comprendre ce qui se joue réellement dans la
rencontre entre Hamlet et la psychanalyse, nous nous trouvons face
à la nécessité de dépasser le conflit
d'interprétations. La psychanalyse est pertinente comme discipline non
herméneutique, par le biais de laquelle, peut-être malgré
elle, est possible une analyse
non interprétative de l'oeuvre littéraire.
Les résistances à la psychanalyse
appliquée s'originent dans les préjugés issus de
l'esthétique du XVIIIème et du
XIXème siècles, dont le principe était la
distinction entre le fond et la forme et la séparation entre les
facultés et tout particulièrement la scission entre
l'intelligence et la sensibilité.
L'oeuvre freudienne opère un mouvement de
réconciliation, en ce sens que Freud effectue la jonction entre la forme
et le fond et entre l'affect et sa représentation. Il donne la
primauté à l'effet produit sur le lecteur, élément
qui sera définitif dans l'analyse scolaire des oeuvres
littéraires en classe de français, dans l'enseignement secondaire
notamment.
Freud souligne par ailleurs l'impossibilité du
désintéressement total par rapport à l'oeuvre d'art. Cette
dernière implique toujours un certain rapport au refoulé. C'est
pourquoi l'oeuvre est symbolique et symptomatique de quelque chose d'autre. Ces
symboles et ces symptômes sont déchiffrables à partir de
traces qui sont autant d'indices que le refoulement a, du moins partiellement,
échoué.
S'ouvre ainsi un espace de lisibilité du symptôme
et du symbole à travers l'oeuvre.
Dans la première partie de notre recherche, nous avons
analysé Hamlet comme le modèle de la connaissance des
processus psychiques. Puis, dans la seconde partie, Hamlet nous est
apparu comme un texte à déchiffrer. Tout ceci nous a permis de
mettre en valeur un mouvement dialectique entre le thème principal,
oedipien, et un autre thème, qu'on pourrait qualifier
d'hamlétien.
De sa correspondance de jeune fondateur de la psychanalyse
à ses tous derniers écrits, Freud a toujours
considéré le refoulement universel du complexe d'×dipe comme
la découverte majeure de la psychanalyse. Le complexe d'×-dipe est,
à bien des égards, le trait distinctif de la pensée
freudienne. Le complexe d'×dipe s'étend effectivement à des
domaines aussi variés que la culture,
443. Jean-Charles Huchet, Littérature
médiévale et psychanalyse. Pour une clinique littéraire,
PUF, écriture, Paris, 1990, p. 21-22.
444. Henriette Michaud, op. cit., p. 44.
445. Sarah Kofman, L'Enfance de l'art. Une
interprétation de l'esthétique freudienne, op. cit.
172
l'organisation sociale et politique, la morale, le Droit, la
religion et la sublimation. Le domaine d'application initial de ce complexe
nucléaire des névroses est l'être humain en
général, l'ensemble de la vie psychique et psycho-sexuelle,
normale ou pathologique.
Puisque le problème d'Hamlet est étroitement
lié au complexe d'×dipe, peut-on supposer qu'il pourrait atteindre
une certaine propension générale, du moins pour une certaine
classe d'individus qui souffriraient davantage des effets
délétères du refoulement que la plus grande
majorité des hommes?
Si Hamlet est bien ce sphinx de la littérature moderne
dont parle Jones, alors, nous l'avons vu, il est celui qui vient questionner
×dipe, celui qui pose une énigme, un problème à
×dipe et qui lui enjoint de répondre car il est le seul capable de
résoudre l'énigme du sphinx Hamlet.
Outre l'×dipe parental, la pièce de Sophocle
comporte la dimension du filicide, comme désir symétrique aux
tendance parricides. Rappelons que dans la légende, c'est Laïos qui
a en premier lieu voulu tuer son fils à la naissance.
Le spectre du père d'Hamlet ne reproduit t-il pas ce
comportement en envoyant son fils se venger de celui qu'il sait être un
assassin?
Plutôt que de concevoir le complexe d'×dipe comme
une structure, on peut le voir comme un facteur dynamique, en ce sens qu'il
reflète les désirs incons-
cients de l'enfant.
Ce qui est important, c'est ce que Shakespeare fait à
partir de la légende d'Ham-let et ce que Freud fait à partir des
textes de Sophocle et de Shakespeare a fortiori. Bien plus qu'une
interprétation ou une réinterprétation, nous avons affaire
là à des réécritures, à la création
de quelque chose de nouveau à partir de ce qui
était déjà là.
Hamlet n'est-il qu'une variante du thème oedipien dans
l'esprit de Freud? Si l'on suit Freud à la lettre, tel semble être
le cas. Pourtant rien n'est moins sûr, et Freud nous a montré
à plusieurs reprises qu'il en disait souvent plus qu'il n'y paraissait.
C'est en ce sens que Sarah Kofman pouvait dire qu'il était loisible de
lire dans le texte de Freud autre chose et plus que ce qu'il dit dans sa
littéralité ?.
Le phénomène de résistance explique la
tendance générale à maintenir caché le fantasme
oedipien. L'origine du complexe d'×dipe est double : d'une part, la
théorie ontogénétique et d'autre part, l'hypothèse
phylogénétique, que l'on retrouve dans Totem et tabou
avec la théorie de la horde primitive et les hypothèses sur
l'interdiction de l'inceste et sur l'exogamie.
La conception que se fait Freud du père dans Hamlet
découle directement de son idée selon laquelle celui-ci se
décline en différentes figures. En effet, il y a le père
réel, l'imago paternel, le père comme figure tutélaire et
personnage du scénario du parricide, celui-là même qui
imprègne la mémoire collective et le patrimoine de
l'humanité.
Le complexe d'×dipe est une réalité
psychique, et ce peu importe s'il est basé ou non sur un
événement historique ou textuel réel.
173
Hamlet comme sphinx soumet ×dipe à une
épreuve, sa propre épreuve de lui-même, de même qu'il
soumet Freud à l'analyse de son propre inconscient. Si dans la
légende ×dipe a su jadis résoudre l'énigme du Sphinx,
il finit aveugle.
Peut-on concevoir un pouvoir de castration symbolique d'Hamlet
sur ×dipe, de même qu'il existerait un pouvoir de castration de la
littérature sur la psychanalyse, ce à quoi semble se
résoudre Freud? Hamlet doit-il rester subordonné à
×dipe? N'est-il pas lui-même une figure primitive dont l'existence
conditionne la validité du complexe d'×dipe? Dire que la condition
d'Hamlet est celle du névrosé moderne et le fait du
progrès du refoulement à travers les siècles dans
l'âme humaine, n'est-ce pas ôter délibérément
à Hamlet la possibilité d'être porteur d'intensités
et de forces d'un tout autre ordre?
Réciproquement dans la légende, c'est ×dipe
qui donne clarté et raison à l'oracle du Sphinx. Dans la
mythologie, le Sphinx est une figure féminine. Il s'agit d'ailleurs en
réalité de la sphinge. La sphinge représente la
mère et le verbalisme.
Tirons les conséquences de cette comparaison entre
Hamlet et la sphinge dans la tragédie de Sophocle. Ceci semble aller
dans le sens des hypothèses de Freud et de Jones sur la
féminité du caractère d'Hamlet et sur son
éventuelle homosexualité latente.
×dipe, au contraire, représente la lignée
des pères et le règne du réel.
En ce sens, il nous semble intéressant d'être
attentifs à ce qu'on pourrait appeler un devenir-femme, un
devenir-Ophélie d'Hamlet, et ce, tout particulièrement à
partir de la scène du cimetière, scène décisive qui
donne l'impulsion à l'exécution de la vengeance d'Hamlet et qui
pourtant n'a rien à voir avec papa-maman ni avec ×dipe.
Le véritable inconscient à l'÷uvre dans la
pièce de Shakespeare, l'inconscient machinique et la puissance de
vérité d'Hamlet seraient à rechercher
plutôt dans le personnage d'Ophélie, ou davantage dans
Ophélie comme corps sans organes, puisque la véritable machine
infernale se déclenche à partir de la mort de la jeune fille, de
cette dissolution ardemment désirable 446
évoquée par Hamlet lors du monologue de la scène
1 de l'acte 3.
Le cheminement freudien qui mène à
l'édification de la psychanalyse est le suivant : tout d'abord, nous
avons accès à des fragments d'auto-analyse occasionnels, puis
l'auto-analyse se fait plus systématique, notamment dans la
correspondance. Ensuite, les hypothèses sur le rêve viennent
parachever les premières esquisses auto-analytiques et élargir
l'analyse de l'inconscient à d'autres psychismes que le sien. C'est
seulement une fois ce socle présent que peut être construite une
théorie générale des névroses.
Hamlet a sa place à chacune de ces
étapes menant à la fondation de la discipline psychanalytique. De
même, il aura sa place à chacune des grandes étapes
théoriques franchies par la psychanalyse et aura son mot à dire.
Alors que paradoxalement Freud ne semble plus avoir de mot à dire sur
Hamlet, ce sont les mots du prince danois qui ont quelque chose
à dire à la psychanalyse. Ceci est flagrant dans les
écrits de maturité. Freud reprendra Hamlet comme
objet
446. a consummation devoutly to be wish'd , voir Hamlet,
III, 1, 62-63.
174
de la psychanalyse dans les tous derniers écrits,
après l'avoir en quelque sorte laissé devenir son égal,
sujet, acteur et moteur de la création en psychanalyse.
Hamlet serait une figure actoriale fondatrice de la
psychanalyse, luttant en sous-main contre un retour à la figure
auctoriale, du créateur et père de l'oeuvre (Freud ou
Shakespeare).
Avec Hamlet, on a l'impression qu'il s'agit pour
Freud d'un problème personnel, de quelque chose de bien plus fondamental
et intensément vécu que le complexe d'×dipe. Freud fait
lui-même le parallèle entre l'état dépressif et
angoissée dans lequel il se trouvait à l'époque où
il exposait à son ami ses premières in-
tuitions sur Hamlet.
D'après le spécialiste de théâtre
et traducteur de Sophocle Robert Pi-gnarre?, le sphinx, cette figure
féminine au même titre qu'Hamlet pour Freud, s'apparente au
démon personnifiant les âmes en peine qui, avide d'amour et de
sang, hante le sommeil des vivants . Dans ×dipe roi, on peut lire
enfants, rejetons nouveaux de l'ancêtre .
×dipe est celui qui a permis l'affranchissement du
fardeau imposé par le
monstre aux énigmes .
Hamlet est-il justement ce monstre aux énigmes dont
il est question dans la pièce de Sophocle? Certains passages de la
pièce de Shakespeare, qui semblent déjà annoncer, ainsi
que nous l'avons suggéré, certains des plus beaux passages des
Pensées de Pascal, nous donnent à penser que tel est le
cas.
Toutefois, lorsque Hamlet évoque l'idée d'une
monstruosité ainsi que celle d'énigme, il s'agit de l'être
humain en général, comme chez Pascal.
Si tout névrosé, voire tout homme, est un
Hamlet, c'est qu'il y a en lui cette dimension à la fois grotesque et
pathétique, terrifiante et ridicule, tragi-comique, ni tout à
fait ange, ni tout à fait bête.
En somme l'homme est une galéjade, une farce grotesque,
mais également une farce effrayante qui ferait pâlir n'importe
quelle créature. On retrouve dans cette définition de l'homme
toute l'atmosphère du théâtre de Shakespeare qui mêle
si habilement, ainsi que Hugo l'a souligné, le sublime et le grotesque,
le tra-
gique et le comique.
Entre Hamlet et ×dipe, nous avons vu que Freud note une
identité de racine, de source et de matière, mais une
différence de moyens et de contexte. Depuis la tragédie de
Sophocle le refoulement a progressé dans l'histoire affective de
l'humanité, et la vie intellectuelle n'est plus la même, ce qui
implique la nécessité de mettre en oeuvre différemment
cette source et cette matière identiques. Avec ×dipe, le
refoulement en est à un stade antérieur à celui que
l'homme moderne connaît. ×dipe doit avoir recours à des
processus d'élaboration et de fabulation. Par contraste le refoulement
chez Hamlet se manifeste par des actions d'inhibition.
Freud entend extraire de la pièce de Shakespeare le
caractère de son héros et les motifs de ces hésitations.
Il entend définir précisément la nature de la tâche
que le héros doit s'accomplir. Déterminer
précisément ceci aura une fonction explicative pour les
développements à venir concernant la recherche des symp-
tômes du refoulement d'Hamlet.
447. Robert Pignarre, Notes à ×dipe roi,
Théâtre complet de Sophocle, op. cit.
175
Il n'y a pas de sujet dans l'inconscient freudien. Le retour
à
Freud consiste à surtout ne pas en mettre! [...] On met
en place des unités de production.
448».
Guattari reprend l'expression hégélienne de
belle âme », qui se référait, comme nous l'avons vu,
dans L'Esthétique à la figure exemplaire d'Hamlet, pour
désigner un type de paranoïaque :
désert intériorisé de la belle
âme », sur un fond des flux décodés »
449.
Guattari décrit la grande machine psychanalytique,
machine paranoïaque par excellence, dans laquelle justement le
paranoïaque mondialement célèbre », pourrait-on dire
pour parodier Freud, Hamlet hallucinant un père spectral et de l'inceste
partout, et surinterprétant tous les signes qui se donnent à lui
dans le cours de la pièce comme des éléments de preuve
signifiant la culpabilité, renvoyant en dernière instance
à l'éternel papa-maman, occupe une place d'exception.
L'exprimé (le déplacé », le
transféré) est tributaire de son rapport exclusif à la
machine: représentation-refoulante, représentant-refoulé
(les effets de sens » de la parole sont tributaires du briquetage de
significations de la langue. [...] Tu en passeras par ma grille », Tu en
passeras par mon écriture, par mon ×dipe, par mon
capital, par mon État. » »
450.
Hamlet possède, nous l'avons vu, un pouvoir
heuristique. Il nous semble pertinent de recourir à l'outillage
conceptuel de Deleuze et Guattari pour aborder Hamlet. La
schizo-analyse semble avoir des avantages pour l'étude de la
littérature que la psychanalyse n'a pas. Toutefois, si la méthode
schizo-analytique, la critique-clinique fonctionne en littérature, seule
la psychanalyse est reconnue comme thérapie et comme outil
interprétatif, à mettre en parallèle avec d'autres
méthodes et d'autres outils.
L'approche que l'on fait d'Hamlet ne se
décline pas en lectures (le terme lecture » semble renvoyer
à la notion d'interprétation) mais en usages (fonc-
tionnements, expérimentations) possibles.
Réduire toute forme ou trace de folie à la
maladie mentale peut avoir des conséquences désastreuses,
notamment lorsqu'il s'agit de réduire la créativité,
l'irréductible part de folie inhérente à chacun et qui
échappe à la rationalité, ce qui est de l'ordre de
l'expérimentation, du processus et du vital, de l'errance positive
à une pathologie synonyme de dégradation, de chute, de
déflagration, de retombée du processus désirant.
Réduire Hamlet à sa supposée névrose obsessionnelle
ou hystérie, c'est risquer d'échapper à ce qui fait le
propre du
448. Félix Guattari, Écrits pour
l'Anti-×dipe, Lignes, imec, Paris, 2012, p. 50.
449. ibid., p. 55.
450. ibid.
176
processus désirant. C'est en somme se focaliser sur des
désirs censés être présents inconsciemment chez tout
être humain, de manière homogène et universelle et pouvant
être ramenés à des déterminations parentales, qui ne
tolèrent que très peu de variantes, et ce, quelle que soit la
forme que ceux-ci prennent.
Dans L'Île déserte et antres textes,
Deleuze insiste sur l'urgence qu'il y a à purger la folie de la maladie
mentale ?). La clinique deleuzienne est une clinique sans symptômes,
sans malade et sans médecin (si ce n'est le créateur,
véritable médecin de la civilisation , d'après la
définition nietzschéenne reprise par Deleuze). L'urgence n'est
pas de soigner le délire, mais de voir dans le délire
l'expression machinique du désir, et en ce sens, un véritable
moyen de guérison et de libération ainsi que d'investissement
direct du champ socio-politique. Le délire est ce cheminement
hors-sillons et hors-limites qui permet justement de retrouver une prise
concrète sur le réel, désormais non biaisé par les
représentations fantasmatiques.
Pour Lacan, avec les oeuvres littéraires, nous sommes
déjà au-delà de la cure psychanalytique. C'est pourquoi ce
n'est qu'à partir de celles-ci, tout comme ce n'est qu'à partir
de la fin de la cure analytique, que le véritable voyage peut
commencer ??. Lacan dit par ailleurs, dans ses Antres écrits,
que l'écrivain, l'artiste précède toujours le
psychanalyste et que le psychanalyste n'a donc pas à faire le
psychologue là où l'artiste lui fraie la voie. ??. Le texte
littéraire est censé nous faire oublier la perspective de la
cure. Toutefois, la démarche lacanienne est encore plus tributaire que
celle de Freud de la domination du signifiant et c'est pourquoi elle est bien
plus violemment attaquée par Deleuze et Guattari. La clinique lacanienne
est une symptomatologie des maladies mentales en tant que telles, mais cette
clinique est centrée sur le discours en tant qu'il est signifiant, et
c'est là l'écueil.
Nous verrons que la recherche des signifiants dans le discours
shakespearien devient caduque dès lors que Shakespeare fait
délirer la langue par le biais du
délire d'Ophélie.
Ce n'est pas par hasard que le névrosé se fait
un roman familial , et que le complexe d'×dipe doit être
trouvé dans les méandres de ce roman. Avec le génie de
Freud, ce n'est pas le complexe qui nous renseigne sur ×dipe et Hamlet,
mais ×dipe et Hamlet qui nous renseignent sur le complexe. On objectera
qu'il n'y a pas besoin d'artiste, et que le malade suffit à faire
lui-même le roman, et le médecin à l'évaluer. Mais
ce serait négliger la spécificité de l'artiste, à
la fois comme malade et médecin de la civilisation : la
différence entre son roman comme oeuvre d'art et le roman du
névrosé. ?.
Expérimenter Hamlet, c'est privilégier
sa littéralité. La littéralité deleuzienne est ce
processus qui opère entre les significations partagées par
l'usage, pour
451. Gilles Deleuze, L'Île déserte et autres
textes (1953-1974), éd. David Lapoujade, Les éditions de
Minuit, coll. Paradoxe, Paris, 2002, p. 280.
452. Jacques Lacan, Écrits, t. I, Seuil,
Points essais, Paris, 1966, p. 97
453. Jacques Lacan, Autres écrits, Seuil, Le
Champ freudien, Paris, 2001, p. 192-193.
454. Gilles Deleuze, Logique du sens, Les
éditions de Minuit, Paris, 1969, p. 277, Des aventures d'Alice .
177
les mettre en état de rencontre et de co-implication ou
encore d'hétéroge-
nèse. ??.
Ophélie est au-delà de l'être, dans
l'autrement qu'être, au-delà de son intéressement à
soi-même, là où Hamlet métaphysicien est tout entier
focalisé sur l'alternative entre l'être et non-être. Hamlet
n'a pas conscience que seule Ophé-lie est dans l'authenticité.
C'est l'amour qui porte Ophélie là où être ou ne
pas
être n'est pas la question ??.
Dans la pièce de Shakespeare, on a l'impression de
n'avoir à faire qu'à des fragments d'Ophélie face à
une machine dominante, la machine Hamlet qui lisse, unifie par ses beaux
monologues impeccablement structurés, ce qu'il y a de hiatus et de
contradiction dans le délire d'Ophélie. Ce sont justement ces
multiplicités fragmentaires d'Ophélie qui demandent à
être reconsidérées, reprises, rejouées.
|