3) Une position subtile et nuancée : Hamlet n'est
pas réductible à ×dipe mais il est une figure oedipienne
paradigmatique.
Notons que dans une de ses lettres à Fliess, Freud fait
l'hypothèse que le refoulement de l'hystérique partirait du
féminin pour se diriger vers le masculin. Et si le refoulement partait
du personnage d'Ophélie plutôt que de celui de Ger-
trude dans le cas d'Hamlet?
Même au sein du cercle freudien, les psychanalystes ne
sont pas d'accord sur l'importance qu'il faut accorder aux composantes
oedipiennes chez Hamlet.
On a reproché à Freud, nous l'avons vu,
d'accorder une importance sur-puissante au Père et d'y voir le principal
générateur des névroses. Otto Rank
341. Michel Leiris, note à Jean-Paul Sartre,
Baudelaire, Gallimard, folio essais, Paris, 1988.
342. Ceci est d'ailleurs à l'origine de bien des
égarements : une sorte de vouloir-ne-pas-savoir qui refuse de comprendre
les mécanismes profonds de l'÷uvre et qui s'en tient à
vénérer son aura.
343. ibid.
344. Jacques Lacan, Séminaire Le désir et son
interprétation , op. cit., p. 325.
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reprochera à Freud et à Jones d'avoir beaucoup
trop centré leur analyse d'Ham-let sur la figure du père. La
composante oedipienne essentielle à ses yeux dans la pièce de
Shakespeare est bien plutôt l'inceste. Lacan insistera aussi sur ce point
en développant l'analyse du personnage de la mère d'Hamlet. En
effet, ce qui compte dans Hamlet, bien plus que de comprendre pourquoi
l'accomplissement de la vengeance ordonnée par le spectre est
ajournée jusqu'à la scène finale et d'expliquer ceci par
la dimension oedipienne du parricide, c'est de s'intéresser au
désir de la mère comme à ce qui freine inconsciemment le
prince danois. L'inhibition d'Hamlet n'est pas tant liée aux voeux
inconscients de meurtre du père qu'au désir impétueux et
obscène de la mère.
Si de tels désaccords ont pu voir le jour à
l'intérieur même du champ psychanalytique, cela veut-il dire
qu'Hamlet résiste, envers et contre tout, à toute
ten-
tative de récupération psychanalytique?
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