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L'anticipation des risques d'inexécution du contrat.

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par gilles quinones
Université Montpellier I - Master 2 Droit de la distribution et des contrats dà¢â‚¬â„¢affaires 2014
  

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Chapitre 2: L'ouverture du droit interne aux mécanismes
d'anticipation

La résolution anticipée du contrat pour risque d'inexécution ne fait l'objet d'aucune reconnaissance législative à l'heure actuelle, bien que la jurisprudence n'y semble pas catégoriquement hostile et que certains travaux doctrinaux plaident en faveur de son admission (Section 2). Une évolution semble toutefois se dessiner avec la reconnaissance explicite de l'exception pour risque d'inexécution au sein du projet de réforme de droit des contrats, bien qu'un telle mécanisme puisse d'ores et déjà être appliqué de manière résiduelle en droit positif (Section 1).

Section 1: La reconnaissance de l'exception pour risque d'inexécution

Bien que l'exception pour risque d'inexécution ne soit pour l'heure admise au sein d'une disposition générale (§1), elle devrait bientôt apparaître au sein de notre système juridique à la suite de la réforme prévue du droit des contrats (§2).

§1: La dissimulation de l'exception pour risque d'inexécution

L'exception pour risque d'inexécution est actuellement admise par certaines dispositions relatives au contrat de vente (A). Au delà de ce seul contrat, de nombreux subterfuges permettent toutefois d'appliquer l'exception pour risque d'inexécution alors qu'elle ne fait l'objet d'aucune consécration générale. C'est ce que permet notamment une application détournée de la déchéance du terme, bien la réelle efficacité de ce détour soit controversée (B), ainsi que des référés spéciaux (C).

A\ Les dispositions relatives au contrat de vente

A l'heure actuelle, le code civil français ne contient pas de dispositions générales tenant à l'exception pour risque d'inexécution. Tout au plus, celui-ci expose un nombre

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particulièrement restreint de dispositions spéciales contenant une telle mesure: il s'agit des articles 1613 et 1653 du code civil. Ces textes concernent le seul contrat de vente.

Aux termes de l'article 1613 du code civil, le vendeur n'est pas obligé "à la délivrance, quand même il aurait accordé un délai pour le payement, si, depuis la vente, l'acheteur est tombé en faillite ou en état de déconfiture, en sorte que le vendeur se trouve en danger imminent de perdre le prix; à moins que l'acheteur ne lui donne caution de payer au terme". N'affichant aucune volonté d'appliquer cette mesure au delà du seul contrat de vente, le législateur ne s'est pas prononcé avec des termes généraux pour désigner l'exception pour risque d'inexécution. Ainsi, nous ne décelons pas d'expressions telles que "suspendre l'exécution de ses propres obligations d'exécution contractuelles" et "en présence d'un risque d'inexécution par le cocontractant" mais de termes propres au contrat de vente. Le risque d'inexécution est ici évoqué sous l'expression "danger imminent de perdre le prix"69 alors que l'exception traduit la non obligation pour le vendeur de délivrer le bien. La mise en oeuvre de ce mode d'anticipation est subordonnée à un "état de faillite ou de déconfiture" chez l'acheteur. La suspension des obligations ne peut donc ici être mise en oeuvre que pour un risque d'inexécution découlant de circonstances bien précises.

Ce faisant, le législateur affiche une volonté de pallier à la suppression de la déchéance du terme70 en cas d'ouverture d'une procédure collective opérée par la loi du 25 janvier 198571. Si il est, depuis cette réforme, impossible de rendre immédiatement exigible une obligation originairement affectée d'un terme en raison d'une procédure collective, il serait inconcevable d'empêcher le vendeur de prendre un certain nombre de mesures lui permettant de protéger ses intérêts économiques72. Si l'obligation à terme du cocontractant ne peut devenir exigible, les conséquences d'une probable inexécution doivent pouvoir être anticipées.

L'article 1653 protège, à l'inverse, les intérêts économiques de l'acheteur situé face à un risque d'inexécution. Selon ce texte, lorsque "l'acheteur est troublé ou a juste sujet de craindre d'être troublé par une action, soit hypothécaire, soit en revendication, il peut suspendre le paiement du prix jusqu'à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble, si mieux n'aime celui-ci donner caution, ou à moins qu'il n'ait été stipulé que, nonobstant le trouble,

69. Fall PARAISO, Le risque d'inexécution de l'obligation contractuelle, PUAM 2011, p.231

70. Andréa PINNA, L'exception pour risque d'inexécution, RTD civ 2003 p.31 et s.

71. Loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises

72. Fall PARAISO, Le risque d'inexécution de l'obligation contractuelle, PUAM 2011, p.231: "Le jugement d'ouverture n'entrainant pas la déchéance du terme, l'obligation de l'acheteur ne peut, même de ce fait, être traitée comme une obligation méconnue".

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l'acheteur paiera." L'expression vague "a juste sujet de craindre d'être troublé par une action" peut poser certaines difficultés d'appréciation. Quel est le degré d'intensité attendu du risque d'inexécution? La jurisprudence semble se livrer à une interprétation restrictive du texte: la cour de cassation a en effet estimé que l'acheteur ne devrait suspendre le paiement du prix qu'en présence d'"un véritable péril d'éviction" ou d'"un danger sérieux"73.

Quant au préjudice, actuel ou éventuel, justifiant la mise en oeuvre de l'exception pour risque d'inexécution, celui-ci est constitué par une atteinte à l'exercice du droit de propriété74. Il convient de rappeler que ce droit est une liberté fondamentale traditionnellement considérée comme étant inviolable et sacrée75. Il n'est alors nullement étonnant de constater que le législateur ait pu prendre soin d'octroyer à l'acheteur un mécanisme d'anticipation permettant d'éviter une telle violation.

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