B\ L'inexécution des obligations implicites
J. Flour, J.-L Aubert et E. Savaux ont pu souligner
l'évidence selon laquelle "la référence à la
convention des parties est globale. Cela signifie qu'il convient de prendre
en
243. Article 1134 alinéa 1
244. Rémy CABRILLAC, Droit des obligations, Dalloz, 11e
édition, 2014, p.136
245. D.TALLON, "Pourquoi parler de faute contractuelle?", in
Mélanges Cornu, 1995, p.429
246. Voir infra, p.98
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considération non seulement les obligations qui ont
été spécialement établies par les contractants mais
encore toutes celles que la loi attache à la convention
considérée"247. La responsabilité contractuelle
du débiteur ne saurait donc dépendre uniquement des obligations
cristallisées au sein du contrat. Le bon déroulement de
l'exécution contractuelle implique également l'existence
d'obligations implicites mises à sa charge en vertu de divers principes,
telles que l'exigence de bonne foi.
Nous l'avons précédemment évoqué,
l'idée de contrer le risque d'inexécution contractuelle en
l'absence de mécanisme d'anticipation consacré par le
législateur, a parfois motivé la jurisprudence à
autoriser, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, la
résolution pour inexécution dans le cas où le
débiteur aurait adopté un comportement faisant obstacle à
l'exécution ultérieure du contrat248. Mme
Vanwijck-Alexandre a alors pu soutenir, en se fondant sur le principe de bonne
foi contractuelle, qu'il existait à la charge du débiteur "une
obligation de ne pas porter atteinte à la confiance du
créancier"249. Comme nous l'avons toutefois
précédemment démontré, il nous semble que si une
telle obligation peut effectivement tirer sa raison d'être de l'exigence
d'exécution de bonne foi, son champ d'application ne devrait se limiter
qu'aux seules manoeuvres déloyales du débiteur ayant pour objet
de faire obstacle à son exécution future250. Il
convient par ailleurs de rappeler que l'obligation implicite de ne pas porter
atteinte à la confiance du créancier constitue en
réalité un fondement indirect de la résolution
anticipée251; l'objectif étant, outre la sanction du
comportement déloyal du débiteur, de faire face à un
risque d'inexécution. L'inexécution de l'obligation implicite de
ne pas porter atteinte à la confiance du créancier constitue
alors un manquement à une obligation actuelle tandis que sa sanction a
pour finalité de faire face aux conséquences d'une telle
inexécution: à savoir, le risque d'inexécution de
l'obligation stipulée. Le comportement exécutoire déloyal
du débiteur tendant à faire échec à
l'exécution d'obligations à échoir, présume, en
effet, de manière irréfragable un risque d'inexécution et
constitue alors un fait générateur de responsabilité dont
la mise en oeuvre répond à un double objectif: sanctionner
l'attitude du débiteur par une mise à l'écart du devoir de
minimisation du dommage et du principe de réparation du dommage
prévisible, mais également, anticiper
247. J. FLOUR, J.-L AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations, Le
rapport d'obligation, Sirey, 8e édition, 2013
248. Cass req 4 janvier 1927, DH 1927, p.65; S. 1927, 1,
p.188
249. VANWIJCK-ALEXANDRE (M.), Aspects nouveaux de la protection
du créancier à terme. Les droits belges et français face
à l'"anticipatory breach" de la common law, préf. David-Contant
(S.). Liège. 1982, n°235, p.498
250. Voir supra, p.68
251. Voir supra, p.67
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l'apparition de l'inexécution redoutée.
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