§2: L'efficacité économique comme
fondement de la résolution pour inexécution
L'introduction du principe d'efficacité
économique entraînée par l'admission de la
résolution anticipée, aurait de solides raisons de bouleverser la
vision des juges concernant la résolution pour inexécution qui
fondent actuellement cette dernière sur la notion de cause (A). Par
ailleurs, la notion d'efficacité économique entraînerait un
net recul de l'idée selon laquelle la résolution devrait
être subordonnée au caractère fautif de
l'inexécution (B).
A\ La mise à l'écart de la notion de
cause
Cette assimilation aurait notamment pour conséquence de
mettre à l'écart l'inapproprié fondement de la
cause237, dont le projet de la chancellerie prévoit par
ailleurs sa disparition formelle.
L'on constate en effet que la jurisprudence fonde la
résolution du contrat pour inexécution sur la perte de cause.
L'inexécution contractuelle du débiteur aurait ainsi pour
conséquence de priver l'engagement du créancier de toute cause.
Or, rappelons le, "dans les contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque
contractant trouve sa cause dans l'obligation , envisagée par lui comme
devant être effectivement exécutée, de l'autre
contractant"238. Cette utilisation de la cause
méconnaît toutefois, selon Sebastien Pimont, le rôle
attribué par le législateur à ce concept. Ce faisant, il
rappelle que celui-ci constitue un fondement de la nullité du contrat et
non de sa résolution. Il y a effectivement lieu de rappeler que la cause
constitue, aux termes de l'article 1108 du code civil, une condition de
validité du contrat. Son absence revient donc à dire que le
contrat n'a jamais existé. Or il ne serait pas raisonnable de
236. Yves-Marie LAITHIER, Étude comparative des sanctions
de l'inexécution; LGDJ 2004, p.596
237. Sébastien PIMONT, L'économie du contrat,
PUAM, 2004
238. Civ 30 décembre 1941: DA 1942. 98
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tenir une telle affirmation en raison d'une inexécution
contractuelle. Se fonder sur l'absence de cause pour résoudre le contrat
relève d'un non sens. Il serait alors beaucoup plus judicieux, selon
Sebastien Pimont, de fonder la résolution sur le bouleversement de
l'économie du contrat. Le terme "bouleversement" n'indique pas que le
contrat n'a jamais existé mais que les circonstances ont
changé239. Quant à la référence à
l'économie du contrat, elle possède l'avantage indéniable
de rendre compte de "l'impact de l'inexécution non seulement sur une
obligation mais sur l'ensemble du contrat". L'absence de cause, quand bien
même on admettrait qu'elle puisse fonder la résolution, ne
découle en principe, que de l'inexécution d'une obligation
essentielle. Ce fondement conduit alors à ignorer l'évidence
selon laquelle peut exister des situations où un manquement contractuel
pourrait entraîner de graves conséquences, quand bien même
l'obligation inexécutée n'aurait qu'un caractère
accessoire. L'économie du contrat permettrait en revanche de prendre une
hauteur de vue supplémentaire sur ce dernier. Ce ne serait donc plus le
caractère essentiel ou accessoire de l'inexécution qui
justifierait la résolution du contrat mais les conséquences de
ladite inexécution.
Il convient toutefois de rappeler que la complexité de
la notion de "cause", tantôt objective, tantôt subjective, mais par
dessus tout, difficilement manipulable, a suscité de nombreux
débats doctrinaux quant à l'opportunité de conserver son
existence. Le projet de la chancellerie semble, de prime abord, avoir
tranché pour sa disparition. On constatera malgré tout que si le
terme de "cause" a bel et bien disparu des conditions de validité du
contrat, il en va différemment pour le concept même. Nous pouvons
à cet égard, mentionner l'article 1167 dudit projet de
réforme240 qui prévoit qu'"un contrat à titre
onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie
convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire".
Nous pouvons alors observer que, nonobstant la persistance du concept de cause
objective, la nouvelle rédaction des articles du projet de la
chancellerie ne saurait permettre aux juges de continuer de fonder la
résolution pour inexécution sur le fondement de celle-ci.
L'article 1167 prend effectivement soin de préciser explicitement que
c'est au "moment de la formation" que le caractère dérisoire ou
illusoire de la contrepartie convenue doit être apprécié.
L'inexécution contractuelle provenant d'un événement
postérieur à la formation du contrat, cet article ne pourrait
raisonnablement servir de visa aux juges souhaitant prononcer, ou valider, une
résolution pour inexécution.
239. Sébastien PIMONT, L'économie du contrat,
PUAM, 2004
240. Cyril GRIMALDI, Les maux de la cause ne sont pas qu'une
affaire de mots, D. Avril 2015 p.814
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