Section 2: L'influence de l'efficacité
économique sur le droit positif des contrats
La reconnaissance de l'efficacité économique comme
pilier fondateur du droit des contrats entraînerait inévitablement
un assouplissement de la conception traditionnelle de la force obligatoire
(§1). Outre le fait qu'elle pourrait aisément constituer un
fondement de la résolution anticipée du contrat, elle saurait a
fortiori fonder le mécanisme classique de la résolution pour
inexécution. En effet, si la résolution anticipée a pour
objet d'éviter ou limiter une rupture de l'économie du contrat,
la résolution pour inexécution a nécessairement pour objet
de pallier à une telle rupture. (§2).
§1: L'assouplissement de la force obligatoire du
contrat
A l'instar de la résolution anticipée pour perte
de confiance, la reconnaissance de la résolution anticipée
fondée sur l'efficacité économique du contrat
entraînerait un assouplissement de la force obligatoire du contrat.
Lorsque l'économie du contrat est menacée, le créancier
peut prendre les mesures d'anticipation nécessaires à la
neutralisation de ce danger, celles-ci pouvant résulter d'une
résolution du contrat par anticipation. Il n'est donc nullement tenu
d'exécuter ses propres obligations bien qu'une conception rigide de la
force obligatoire du contrat, fondée sur le respect de la parole
donnée, le lui imposerait. Le risque d'inexécution
révèle une menace pour l'économie du contrat qu'il
convient d'écarter.
Par ailleurs, l'assouplissement de la force obligatoire du
contrat se traduirait également par son détachement du principe
de l'exécution en nature qui entraîne actuellement une certaine
méfiance à l'égard de toute idée de
résolution unilatérale du contrat. En effet, le
235. Le champ d'application beaucoup plus vaste de la
résolution anticipée fondée sur l'efficacité
économique ne saurait malgré tout écarter l'utilité
de celle qui se fonde sur la perte de confiance. Celle-ci permet en effet
d'octroyer une sanction plus sévère au débiteur qui aura
tenté d'échapper à ses obligations contractuelles par la
commission de manoeuvres déloyales. La sévérité
accrue de la sanction se traduirait par la mise à l'écart du
principe de réparation du dommage prévisible, le dol du
débiteur s'y opposant ainsi que l'inapplicabilité du devoir de
minimisation du dommage pesant normalement sur le créancier.
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principe de résolution judiciaire provient notamment de
"l'attachement dogmatique (du droit français) à
l'exécution en nature du contrat". La notion d'exécution
forcée "rejaillit sur la perception de la résolution,
censée être exceptionnelle"236.
Une reconnaissance explicite de la résolution
anticipée, qui ne saurait raisonnablement être mise en oeuvre par
voie judiciaire, pourrait alors entraîner une désolidarisation
entre la force obligatoire du contrat et le principe d'exécution en
nature.
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