B\ Admission des modes d'anticipation et reconnaissance
du principe de confiance légitime
L'admission de ces deux mécanismes donnerait un
argument de poids pour inviter le législateur a reconnaître le
principe de confiance légitime en droit positif. L'exemple de la
résolution anticipée dévoile en effet l'importance de
l'une des nombreuses composantes de la bonne foi contractuelle188:
la confiance légitime. Cette dernière, pourrait, à partir
de cette
186. Voir infra, p.82
187. Article 1150 du code civil: "Le débiteur n'est
tenu que des dommages et intérêts qui ont été
prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est
point par son dol que l'obligation n'est point exécutée."
188. La doctrine est cependant divisée sur ce point.
À l'inverse de M Vanwijck-Alexandre, Alexis Albarian estime que si il
existe certains points de convergence entre la doctrine solidarisme et le
fidéisme contractuel, ce dernier ne s'appuie aucunement sur la notion de
bonne foi. Pour cet auteur, la confiance légitime est une notion
autonome. Pour notre part, il nous semble pour les raisons
précédemment évoquées (voir supra, p.68) que la
notion de confiance légitime devrait être rattachée
à celle de bonne foi. On peut également noter pour appuyer notre
argumentation que le droit romain ne dissociait pas les concepts de bonne foi
et de confiance: E. Chevreau, Y. Mausen et C. Bouglé affirment en effet
que la déesse fides constituait "la personnification divine de la
bonne
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application exemplaire en matière de résolution
anticipée, devenir l'un des piliers du droit des contrats et constituer
une alternative de taille au principe de l'autonomie de la volonté que
certains auteurs n'hésitent pas à qualifier de
"pseudo-philosophie impraticable"189.
Admettre que la confiance du créancier puisse
être trahie et fonder la mise en oeuvre d'une résolution
anticipée reviendrait à reconnaître que le contrat repose
sur un lien de confiance. La vision traditionnelle du contrat reposant sur la
puissance de la volonté pourrait alors être remise en cause.
Partant, admettre que le créancier puisse résoudre le contrat en
raison d'une perte de confiance revient à fonder la résolution
anticipée sur une apparence extérieure190: le
comportement exécutoire du débiteur. Cette vision s'écarte
radicalement du principe d'autonomie de la volonté qui commanderait que
seul la volonté puisse défaire ce qu'elle a créé.
On peut donc raisonner a contrario et affirmer que si des obligations
contractuelles peuvent disparaître en raison d'une perte de confiance,
elles peuvent également naître d'un gain de confiance et non d'une
simple volonté de s'engager. On retrouve ainsi la thèse des
fidéistes selon laquelle "l'attitude, le comportement d'une personne,
ses qualités particulières, ainsi que la nature des relations qui
l'unissent à son partenaire, peuvent être le fondement d'une
confiance qui oblige de façon autonome celui qui l'inspire". Ce qui
compte, ce n'est pas le fait qu'un contractant ait voulu s'engager mais la
croyance légitime que son comportement aura suscité chez l'autre
partie. De cette croyance légitime naît alors un lien de confiance
qui engage le débiteur.
L'application de la résolution anticipée du
contrat pour perte de confiance met ainsi en évidence la
fragilité de la théorie de l'autonomie de la volonté. Si
la rupture du lien de confiance peut justifier la résolution du contrat,
la création d'un tel lien peut a contrario donner naissance au contrat.
L'importance du principe de confiance légitime met en évidence
l'idée selon laquelle la volonté en elle même n'a aucun
pouvoir. C'est la confiance qu'elle aura légitimement suscité
chez le cocontractant qui engendrerait des effets juridiques.
foi, de la confiance qui doit présider aux conventions
publiques des peuples et aux transactions privées entre individus". Les
auteurs mettent ainsi en avant l'idée de "réciprocité"
bienveillante devant régner entre les cocontractants, à savoir,
un lien de confiance impliquant un comportement de bonne foi de part et
d'autre. (Emmanuel CHEVREAU, Yves MAUSEN, Claire BOUGLE, Introduction
historique au droit des obligations, Litec, Paris, 2007, p.65)
189. G. ROUHETTE, Contribution à l'étude critique
de la notion de contrat, Thèse Paris 1965, p.411
190. Ce qui n'est pas le cas de la résolution pour
inexécution classique où cette dernière est
avérée et judiciairement validée.
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