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L'anticipation des risques d'inexécution du contrat.

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par gilles quinones
Université Montpellier I - Master 2 Droit de la distribution et des contrats dà¢â‚¬â„¢affaires 2014
  

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B\ Proposition d'un nouveau fondement de la force obligatoire du contrat

Si le lien de confiance est inhérent à la formation et au maintien de toute relation contractuelle (1), celle-ci devrait pouvoir être qualifiée de "légitime" sans quoi elle ne permettrait aucunement de protéger la sécurité contractuelle des parties (2).

1. La confiance en droit des contrats

La difficile mise en pratique de la théorie de l'autonomie de la volonté (a) ne pourrait qu'inviter le juriste français à procéder à la redécouverte de l'ancestrale notion de confiance (b).

a) L'insuffisance du pouvoir de la volonté

De nombreux auteurs estiment que le fait de fonder l'obligation sur le simple pouvoir de la volonté constitue une approche dépassée. Être obligé en raison du simple fait que l'on doit tenir ses promesses correspond à un dogme, un principe moral qui ne répond qu'imparfaitement au pragmatisme juridique que suscite la vie des affaires. Si la création et le maintien de liens contractuels viables nécessitent que les cocontractants soient fidèles à leur parole, ils exigent plus globalement une certaine fiabilité de la part de ces derniers. Or qu'est ce que la fiabilité d'un contractant si ce n'est le sentiment de confiance que sa parole, ou encore son comportement, aura fait naître chez l'autre partie?164 La parole donnée ne peut avoir de sens qu'en fonction de la manière dont elle aura été réceptionnée. Elle ne saurait alors, selon les fidéistes, fonder à elle seule la force obligatoire du contrat. Selon Emmanuel Lévy, auteur considéré comme le "père fondateur" du fidéisme contractuel, "ce qui fait le lien contractuel, c'est la confiance qu'inspire au créancier la promesse du débiteur". Il ressort de ce courant doctrinal, l'observation selon laquelle le contrat serait un "acte de foi". Il ne s'agit pas de "nier la puissance de la volonté" mais de "souligner son insuffisance". En effet, "même dans une perspective exclusivement fondée sur la volonté, le contrat exige d'abord que l'on

164. V. Edel a pu ainsi affirmer que "la volonté du débiteur n'est plus la mesure de son engagement. Il lui est préféré son comportement pris dans la phase de formation du contrat. La question que doit se poser le juge est de savoir si ce comportement a pu donner naissance chez le créancier à une confiance légitime dans l'exécution du contrat" (V.EDEL, La confiance en droit des contrats, thèse Montpellier I, 2006, p.212).

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croit à la volonté de celui qui s'engage"165.

b) La redécouverte de la notion de confiance

La confiance sous-tend l'harmonisation des relations humaines. Toute société nécessite la création de liens de confiance entre les individus qui la composent. Les travaux en commun, la vie en entreprise, et plus globalement, tout ce qui procède d'une certaine coopération entre les individus, nécessite le tissage de nombreux liens de confiance. C'est encore plus vrai dans le domaine du droit des contrats qui constitue le socle des échanges commerciaux. Certes, l'encadrement juridique de tout échange traduit une certaine part de défiance: le contrat est avant tout un instrument ayant pour objet de protéger les intérêts de chacune des parties en cas de litige. Toutefois, nul ne pourrait nier que la conclusion d'un contrat constitue la manifestation d'une "confiance donnée et reçue"166.

Cette omniprésence de la notion de confiance au sein de la vie des affaires, et par conséquent, dans les relations contractuelles, dénote à la fois une évidence psychologique et une existence historique. La notion de confiance en matière contractuelle n'est pas nouvelle et l'idée d'en faire un nouveau fondement de la force obligatoire du contrat procéderait moins d'une innovation que d'une simple redécouverte.

On retrouve d'anciennes traces de cette idée de confiance à travers la notion de bona fides en droit romain. Avant l'ouverture de l'empire romain aux étrangers, les cocontractants donnaient leur engagement envers la déesse fides qui représentait la fidélité et constituait "la personnification divine de la bonne foi, de la confiance qui doit présider aux conventions publiques des peuples et aux transactions privées entre individus"167. Suite à l'expansion de l'empire, la notion religieuse de fides a évolué vers celle de bona fides qui était assimilé à un "code supranational de bonne conduite"168. Il s'agissait alors d'un concept laïque résultant d'une approche pragmatique: on ne pouvait aisément développer des relations d'affaires avec les pérégrins en soumettant ces derniers au jus civile romain. Celui-ci étant basé sur la religion, les étrangers demeuraient insensibles à ses nombreux rites. La bona fides constituait

165. A. CHIREZ, De la confiance en droit contractuel, Thèse Nice 1977, p.489, n°362

166. Laurent AYNES, La confiance en droit privé des contrats, in La confiance en droit privé des contrats (sous la direction de Valérie-Laure BENABOU et Muriel CHAGNY), Dalloz, 2008, p.153

167. Emmanuel CHEVREAU, Yves MAUSEN, Claire BOUGLE, Introduction historique au droit des obligations, Litec, Paris, 2007, p.65

168. Emmanuel CHEVREAU, Yves MAUSEN, Claire BOUGLE, Introduction historique au droit des obligations, Litec, Paris, 2007, p.65

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le "substrat nécessaire à toute relation et (impliquait) la réciprocité et la confiance"169. Il s'agissait en quelque sorte de purger la notion de bonne foi et de confiance de son aspect religieux. L'ouverture de la cité romaine au monde extérieur induisait alors un recul du formalisme pour laisser place à une approche à la fois moraliste et pragmatique du droit des contrats. La force obligatoire du contrat en droit romain reposait donc indéniablement sur la notion de confiance.

2. La légitimité de la confiance accordée

Si certaines paroles ou actions du débiteur peuvent inévitablement faire naître une certaine croyance chez le créancier, encore faudrait-il que ce dernier n'en ait pas déformé la portée170. Autrement dit, faudrait-il s'assurer que le créancier n'eut pas simplement "entendu ce qu'il eut envie d'entendre". Telle est la raison pour laquelle, les fidéistes ajoutent le terme "légitime" à la notion de confiance. Celle-ci ne doit pas simplement naître de ce que le créancier aura pu croire, mais de ce qu'il aura "raisonnablement" pu croire. L'obligation du débiteur doit alors se fonder sur la confiance légitime que ses paroles, ou encore son attitude, auront fait naître chez le créancier. La légitimité de la confiance ne peut donc s'apprécier qu'en fonction d'un "élément extérieur et observable"171 et non du for intérieur du créancier. En effet, le juge ne saurait avoir pour fonction de sonder les consciences et doit être en mesure de s'appuyer sur des éléments concrets. Alexis Albarian évoque ainsi l'"idée d'une confiance objective voire normative"172. Il s'agit par ailleurs de la conception que retiennent les systèmes juridiques de common law qui considèrent la "reliance", comme l'un des fondements de la force obligatoire du contrat173 et prennent soin de distinguer celle-ci de la notion de "confidence" qui désigne un "état intérieur, largement fondé sur l'intuition", renvoyant ainsi à la confiance subjective174.

169. Emmanuel CHEVREAU, Yves MAUSEN, Claire BOUGLE, Introduction historique au droit des obligations, Litec, Paris, 2007, p.65

170. P. LOKIEC, "Le droit des contrats et la protection des attentes", D.2007.321

171. O. MORETEAU, L'estoppel et la protection de la confiance légitime. Elements d'un renouveau du droit de la responsabilité (droit anglais et droit français), Thèse dact., Lyon III, 1990, p.25, n°8

172. Alexis ALBARIAN, Le fidéisme contractuel, Revue de droit international et de droit comparé, p.601 et s.

173. René DAVID et David PUGSLEY avec la collaboration de Françoise Grivart de Kerstrat, Les contrats en droit anglais, LGDJ, 1985

174. O. MORETEAU, L'estoppel et la protection de la confiance légitime. Elements d'un renouveau du droit de la responsabilité (droit anglais et droit français), Thèse dact., Lyon III, 1990, p.25, n°8

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus