Section 2: Les effets de l'exception pour risque
d'inexécution
La mise en oeuvre de l'exception pour risque
d'inexécution entraîne une suspension des obligations
contractuelles du créancier (§1). Il conviendrait toutefois
d'admettre la faculté de
150. Thomas GENICON, La résolution du contrat pour
inexécution, LGDJ, 2007, p.238
151. Andréa PINNA, L'exception pour risque
d'inexécution, Rtd civ 2003 p.33
152. Denis TALLON et Donald HARRIS, Le contrat aujourd'hui:
comparaisons Franco-Anglaises (sous la direction de Jacques GHESTIN):
"L'exception d'inexécution suspend le contrat, ce qui peut conduire,
selon la remarque de J. Ghestin, à une situation irréversible,
équivalent à une résolution partielle (par exemple, en
matière de contrat de travail)"
153. Art. 1220 du projet de réforme du droit des
contrats, du régime général et de la preuve des
obligations: Une partie peut suspendre l'exécution de sa prestation
dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera
pas à l'échéance et que les conséquences de cette
inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit
être notifiée dans les meilleurs délais.
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basculer vers une résolution anticipée afin
d'éviter que la suspension ne perdure inutilement (§2).
1. La suspension de l'obligation
L'exception pour risque d'inexécution offre au
créancier la faculté de suspendre l'exécution de ses
propres obligations lorsqu'il est le manifeste que le débiteur
n'exécutera pas les siennes à échéance. Il convient
toutefois de rappeler, et c'est ce qui fait tout l'intérêt de ce
mécanisme, qu'à l'instar de l'exception d'inexécution
classique154, le contrat survit. Seul la résolution
entraîne la libération des parties155.
Notons toutefois que l'article 1188 du code civil qui dispose
que "ce qui n'est dû qu'à terme, ne peut être exigé
avant l'échéance du terme" s'oppose à ce que le
créancier puisse conditionner la levée de la suspension à
l'exécution immédiate des obligations par le débiteur. Ce
dernier pourra en revanche fournir une garantie suffisante de la bonne
exécution de ses obligations aux fins d'ordonner la levée de la
suspension.
2. L'éventuelle conversion en résolution
anticipée
Une fois l'exception pour risque d'inexécution mise en
oeuvre, le créancier pourrait délibérément
provoquer une résolution anticipée à la suite d'une
demande d'"assurance adéquate d'exécution" demeurée
infructueuse (A). Bien que cette faculté doive être maniée
avec précaution, elle permettrait malgré tout de
considérer que l'exception pour risque d'inexécution pourrait
revêtir dans de nombreux cas le caractère de simple
préalable à la résolution anticipée (B).
A\ La possibilité de provoquer la
résolution anticipée
Il est inopportun de laisser la suspension perdurer lorsque le
contrat est voué à l'échec. Telle est la raison pour
laquelle nous pourrions, en nous inspirant des dispositions de l'article 71 et
72 de la convention de Vienne156, concevoir que le créancier
puisse, à la suite d'une
154. Com 15 janvier 1973, bull. civ IV, n°24, p.18,
D.1973.473
155. Com 1er décembre 1992, rtd civ 1993. 578 obs.
J.Mestre
156. Comme le fait remarquer Andréa Pinna, la combinaison
de ces deux articles démontre que la Convention de Vienne relative
à la vente internationale de marchandise ne poursuit pas le but de
l'exception pour risque
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demande d'"assurance adéquate d'exécution" au
débiteur, mettre fin au contrat. La probabilité de
l'inexécution ultérieure devenant une certitude apparente, la
résolution anticipée serait justifiée. Si le
débiteur fournit les justifications demandées, le
créancier ne pourra en revanche mettre en oeuvre ladite
résolution mais devra également lever la suspension de ses
obligations. Il faut également ajouter qu'une telle demande ne pourra
être formulée qu'en présence d'un risque sérieux
d'inexécution de la part du débiteur et que toute demande
intempestive sera sanctionnée157. Autrement dit, les
conditions relatives à l'exception pour risque d'inexécution
doivent avoir été dûment remplies afin de pouvoir demander
une telle attestation. Il est donc de l'intérêt du
créancier de manier cette faculté avec précaution car si
la mise en oeuvre abusive d'une exception pour risque d'inexécution
résultant d'une mauvaise appréciation du risque
d'inexécution, engagerait la responsabilité du créancier
fautif, l'application abusive d'une résolution anticipée
découlant d'une demande d'assurance d'exécution intempestive
à laquelle le débiteur n'aura pu répondre malgré
l'absence de risque sérieux d'inexécution, entraînera a
fortiori un dommage bien plus élevé qu'il conviendra de
réparer.
Celle-ci ne saurait constituer un subterfuge pour
échapper à l'exécution de ses propres obligations
contractuelles.
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