Section 2: Les effets de la résolution
anticipée
Les effets de la résolution anticipée
entraînent l'anéantissement rétroactif du contrat (§1)
et s'accompagnent en principe d'une allocation de
dommages-intérêts destinée à réparer le
préjudice subi par le créancier. Leur montant dépendra de
la date à laquelle le préjudice sera évalué
(§2).
1. L'anéantissement rétroactif du contrat
A l'instar de la résolution pour inexécution, la
résolution anticipée donnera en principe lieu à
l'anéantissement rétroactif du contrat139et à
la "libération immédiate des parties"140. Il convient
toutefois de noter que celle-ci pourra avoir l'effet d'une résiliation
dans le cadre d'un contrat à exécution successive.
En outre, il conviendra évidemment de maintenir la
règle selon laquelle la résolution pourra s'accompagner d'une
action en dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait
de la résolution. La résolution étant intervenue en raison
d'une défaillance annoncée ou estimée, la
responsabilité du débiteur doit pouvoir être
engagée.
La responsabilité du créancier pourra en
revanche être engagée lorsque la mesure d'anticipation
s'avérera avoir été mise en oeuvre de manière
abusive141.
2. La date d'évaluation du préjudice
En droit anglais, lorsque le créancier résout le
contrat pour inexécution anticipée, les
dommages-intérêts sont évalués à
l'échéance des obligations dues, peu important les fluctuations
du marché entre le moment de l'inexécution et celui où le
créancier détecte le risque d'inexécution. Cette solution
serait justifiée par la règle de la prévisibilité
du dommage, également présente en droit français, et par
le "souci d'éviter que le créancier ne s'enrichisse en obtenant
des dommages-intérêts alors qu'il apparaît que le contrat ne
lui aurait pas été profitable à l'échéance".
Yves-Marie Laithier critique cette méthode d'évaluation du
préjudice et considère qu'en raison du devoir de minimisation du
dommage qui pèse sur le créancier en
139. F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Dalloz,
11e edition, 2013, p.704
140. Yves-Marie LAITHIER, Etude comparative des sanctions de
l'inexécution du contrat, LGDJ 2004, p. 582
141. Yves-Marie LAITHIER, Etude comparative des sanctions de
l'inexécution du contrat, LGDJ 2004
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droit anglais, il serait préférable
d'évaluer le préjudice au moment où ce dernier aurait
raisonnablement pu le réduire, et ce, "en raison des rapports
étroits qu'entretiennent ce devoir et la date d'évaluation du
préjudice"142. Comme le fait remarquer l'auteur, l'on
pourrait imaginer que, dans le cadre d'une vente, la valeur vénale du
bien vendue au moment où l'acheteur signifiera de manière claire
et non équivoque qu'il ne paiera pas à l'échéance
soit supérieure à celle correspondant au moment où le
créancier procédera à la résolution du contrat, qui
elle-même serait supérieure à la valeur correspondant
à l'échéance de l'obligation. La date à laquelle le
créancier peut évaluer son préjudice correspond au moment
où la décision de ne pas exécuter le contrat lui est
notifiée. C'est donc à partir de cet instant qu'il pourra
raisonnablement le réduire.143
Nous pouvons noter que si la date d'évaluation du
préjudice correspond à l'échéance de l'obligation
et que la valeur vénale du bien aura baissé entre la notification
de l'intention du débiteur de ne pas s'exécuter et la date
d'exigibilité de l'obligation, le créancier risque un
appauvrissement alors que si celle-ci aura augmentée, il risque de
s'enrichir. En revanche, fixer la date d'évaluation du préjudice
à l'instant où le risque d'inexécution se manifeste par
l'intention du débiteur de ne pas s'exécuter et imposer au
créancier le devoir de minimiser son dommage permettrait d'éviter
ces deux écueils.
Il y aurait alors lieu, en droit positif, de suivre
l'affirmation de Yves-Marie Laithier selon laquelle il conviendrait
d'évaluer le préjudice au moment où le créancier
aurait pu raisonnablement le réduire et d'imposer à ce dernier
une obligation de minimiser son dommage. Cette date d'évaluation devra
alors, en cas d'insolvabilité apparente du débiteur, correspondre
au jour d'obtention d'une réponse négative de la part de ce
dernier à la demande d'attestation d'exécution future que le
créancier devra avoir préalablement faite ou à une absence
de réponse à l'issue du délai mentionné dans la
notification. En cas de refus univoque manifesté par le débiteur
d'exécuter ses obligations à l'échéance, le devoir
de minimisation du dommage devra débuter à la date de
réception dudit refus.
Il convient en revanche de préciser que le cas particulier
de la résolution pour perte de
142. Yves-Marie LAITHIER, Etude comparative des sanctions de
l'inexécution du contrat, LGDJ 2004 p.585
143. Yves-Marie LAITHIER, Etude comparative des sanctions de
l'inexécution du contrat, LGDJ 2004 p.585. L'auteur expose l'exemple
suivant: " l'acheteur indique avant l'échéance de façon
claire et absolue qu'il renonce au contrat parce qu'il constate que la valeur
du bien est à la baisse; le prix stipulé est de 10; la valeur du
bien était de 9 au moment du refus exprimé par l'acheteur, de 8
au moment où le vendeur décide de résilier le contrat et
de 7 à l'échéance convenue. S'il était raisonnable
de revendre le bien à un tiers à partir du moment où la
révocation a été "acceptée", condition qu'il
appartient au débiteur de démontrer, le montant des
dommages-intérêts compensant le dommage intrinsèque sera
égal à 2 (10-8) et non pas 3 (10-7), que la revente
confiance ne saurait impliquer la soumission du
créancier à un devoir de minimisation du dommage144.
La date d'évaluation du préjudice devra donc être
évaluée à l'échéance des obligations dues
quand bien même la résolution aurait été
prononcée par anticipation.
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144. Voir infra, p.67
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