B\ Une inexécution suffisamment grave
L'appréciation de la gravité de
l'inexécution (1) doit être effectuée au regard de
certaines situations de faits objectives (2).
1. L'exigence de gravité
Dans les systèmes juridiques de common law, la mise en
oeuvre de la résolution anticipée obéit à des
règles similaires à celles de la simple résolution pour
inexécution. Parmi ces règles, l'on retrouve l'exigence de
gravité de l'inexécution. Il en serait de même en droit
français dans le cas où la résolution anticipée
serait accueillie. Comme a pu le remarquer Yves-Marie Laithier, "ce que la Cour
de cassation exige des juges du fond dans le cadre d'une action en
résolution judiciaire, c'est-à-dire constater l'importance
suffisante du manquement, doit a fortiori s'imposer au créancier qui
prétend résoudre ou résilier le contrat
unilatéralement et par anticipation"121. Il serait en effet
inopportun d'admettre qu'un manquement soit plus sévèrement
sanctionné lorsque ce dernier est anticipé122.
L'apport de la preuve de la gravité suffisante de
l'inexécution reviendrait au créancier en cas de contrôle a
posteriori de la résolution anticipée.
2. Les caractères de la gravité
L'appréciation de la gravité revient
actuellement aux seuls juges du fond étant donné que la
résolution ne peut être, pour l'heure, que judiciaire. Il
conviendrait, dans le cas où la résolution pourrait être
anticipée, et partant, mise en oeuvre unilatéralement par le
créancier, de préciser dans le marbre de la loi quels seraient
les critères de gravité à prendre en compte. Nous pouvons
noter que la jurisprudence considère comme grave, un manquement portant
sur une obligation déterminante de la conclusion du
contrat123. Plus globalement, le juge français prononce
généralement la résolution "lorsqu'il estime que
l'altération du lien contractuel est telle que le demandeur n'aurait pas
contracté s'il l'avait prévu"124. Ces critères
peuvent être
120. Yves-Marie LAITHIER, Etude comparative des sanctions de
l'inexécution du contrat, LGDJ 2004, p. 575
121. Yves-Marie LAITHIER, Etude comparative des sanctions de
l'inexécution du contrat, LGDJ 2004, p. 575
122. Yves-Marie LAITHIER, Etude comparative des sanctions de
l'inexécution du contrat, LGDJ 2004, p. 575
123. Com 2 juillet 1996, bull civ IV n°198
124. F.TERRE, P.SIMLER, Y.LEQUETTE, Les obligations, Dalloz, 11e
edition, p.702
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aisément rapprochés de ceux de la
résolution anticipée du droit anglais qui implique que "le
manquement annoncé soit d'une importance telle qu'il prive
substantiellement le créancier de ce pour quoi il s'était
engagé, ou à défaut, qu'il s'agisse de
l'inexécution d'une obligation fondamentale, quelle que soit la
gravité réelle de ses conséquences"125.
Au regard de ces constatations, il y aurait lieu d'admettre
que la mise en oeuvre d'une résolution anticipée en droit
français soit subordonnée à un manquement portant sur une
obligation essentielle du contrat ou encore sur une ou plusieurs obligations
contractuelles, furent-elles accessoires, "dont l'inexécution auraient
pour conséquence de priver le créancier de ce pour quoi il
s'était engagé".
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