B\ Un souhait doctrinal
Hormis la doctrine européenne qui déploie une
influence certaine sur le droit interne, certains auteurs français ont
également entrepris de proposer l'admission de la résolution
anticipée du contrat en droit positif. Ce mode d'anticipation ne fait
toutefois l'objet d'un consensus au sein de la doctrine française.
L'atteinte à la force obligatoire du contrat, ou devrait-on plutôt
dire son assouplissement98, inhérente à l'admission
d'un tel mécanisme, se heurte à la résistance d'un certain
nombre de juristes fortement attachés à ce fondement
traditionnel.
La réforme du droit des contrats a été
l'objet de deux groupes de travaux doctrinaux majeurs au cours de cette
dernière décennie: l'avant projet Catala ainsi que le plus
récent projet Terré. Bien que la résolution
anticipée ait été écartée du premier, elle a
en revanche été admise par le second99. L'article 111
du projet Terré indique en effet que "si dès avant
l'échéance, il est certain que les conditions de la
résolution sont acquises, le créancier peut demander au
débiteur de l'assurer qu'il sera en mesure d'exécuter dans le
temps prévu en précisant que, à défaut, il sera en
droit de résoudre le contrat par simple notification". L'on peut
d'emblée constater une certaine prudence dans la rédaction de cet
article controversé. Si l'on effectue une comparaison avec les
différents systèmes juridiques admettant la résolution
anticipée, on constate que ces derniers indiquent expressément,
pour la plupart d'entre eux, que le créancier pourra résoudre le
contrat par anticipation si il est manifeste que le débiteur
n'exécutera ses obligations. Or le projet Terré propose au
législateur de subordonner cette possibilité à la demande
préalable par le créancier de justifications attestant de
l'inexécution future du débiteur. Ce n'est qu'"à
défaut" qu'il pourra procéder à la résolution du
contrat par anticipation. Le texte conditionne par ailleurs la
résolution anticipée à un critère de certitude
absolu quant à l'inexécution future, à l'inverse des
dispositions étrangères qui ne requièrent
96. Carole AUBERT DE VINCELLES, La résolution du
contrat pour inexécution, in Pour une réforme du droit des
contrats, sous la direction de François Terré, Dalloz, 2008,
p.273
97. Carole AUBERT DE VINCELLES, La résolution du
contrat pour inexécution, in Pour une réforme du droit des
contrats, sous la direction de François Terré, Dalloz, 2008,
p.273
98. Voir infra, p.61
99. S. PERUS-BICHOT, « La résolution
unilatérale anticipée », in « La réforme du
droit des contrats », RDA n° 1, janv. 2010, p. 85 et s.
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généralement qu'un "critère
d'évidence"100. Bien que la mise en oeuvre d'un tel
mécanisme d'anticipation suppose un encadrement rigoureux, l'exigence de
cette condition drastique peut toutefois être discutée. L'emploi
d'un terme plus modéré telle que le "risque manifeste" semblerait
plus adapté dans le sens où il serait difficilement concevable de
demander au créancier de prédire le futur101. En
revanche, la subordination de la résolution anticipée à un
risque d'inexécution manifeste obligerait le créancier à
prendre sa décision en fonction de la situation actuelle. Si cette
dernière laisse raisonnablement penser qu'il y aura
inévitablement une inexécution de la part du débiteur, le
créancier pourra procéder à une résolution par
anticipation.
Les partisans de la résolution anticipée
exposent, à l'appui de son admission, des arguments qu'il serait
difficile d'ignorer: celle-ci permettrait de limiter le préjudice du
créancier résultant des conséquences de
l'inexécution à venir. Elle aurait également pour effet de
libérer le créancier, et par conséquent, de permettre
à ce dernier de trouver rapidement un autre cocontractant qui serait,
quant à lui, susceptible de répondre à ses attentes.
Enfin, elle permettrait au débiteur de limiter, en raison de la
diminution du préjudice du créancier, le montant des
dommages-intérêts dû au créancier102.
On constate ainsi que les principaux arguments tenant à
l'admission d'un mode d'anticipation tiennent à une recherche
d'efficacité économique103.
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