§2: La consécration de l'exception pour risque
d'inexécution
Les détours plus ou moins efficaces évoqués
ci-dessus dénotent l'évidence selon laquelle la
consécration d'un principe général serait bienvenue (A).
Le législateur semble avoir tenu compte de cette nécessité
en consacrant explicitement l'exception pour risque d'inexécution dans
le projet de réforme du droit des contrats (B).
A\ L'opportunité d'un principe
général
La présence des subterfuges évoqués
ci-dessus démontre que le créancier menacé de perdre la
contrepartie attendue de l'exécution de ses propres obligations
contractuelles souhaitera toujours anticiper ce danger. Le refus du
législateur de consacrer pleinement un mode d'anticipation tel que
l'exception pour risque d'inexécution conduit malgré tout
à l'inverse de son intention première qui est de protéger,
coûte que coûte, l'intangibilité du contrat. L'utilisation
artificielle et détournée de certaines règles juridiques
initialement inadaptées à l'anticipation du risque
d'inexécution contractuelle, entraîne effectivement une mauvaise
calibration. Outre l'inefficacité du détour par la
déchéance du terme démontrée par
91. Article L621-40 du ccom:
"I. - Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en
justice de la part de tous les créanciers
dont la créance a son origine antérieurement audit
jugement et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une
somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut
de paiement d'une somme d'argent.
II. - Il arrête ou interdit également toute voie
d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que
sur les immeubles.
III. - Les délais impartis à peine de
déchéance ou de résolution des droits sont en
conséquence suspendus."
92. Andréa PINNA, L'exception pour risque
d'inexécution, RTD civ 2003, p.31 et s.
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Fall Paraiso, le détour par les
référés spéciaux présente également
un certain nombre d'inconvénients. Il convient en effet de noter que "le
risque d'inexécution de l'obligation à terme constituera presque
toujours la menace d'un dommage imminent depuis que le décret du 17 juin
1987 est venu confirmer que le juge de l'urgence ne peut se déclarer
incompétent « en présence d'une contestation sérieuse
». Ce qui signifie que le juge peut autoriser la suspension de
l'obligation préalable, même s'il n'est pas certain que le
débiteur à terme se rendra coupable
d'inexécution."93 Cette règle issue du droit
judiciaire privé représente inévitablement un danger pour
la sécurité des relations contractuelles étant
donné que le juge des référés sera obligé de
statuer quelque soit son degré de certitude quant au risque
d'inexécution. Il s'ensuivrait alors un risque d'assimilation
particulièrement fréquent de ce dernier, quelque soit son
degré d'intensité, à un dommage imminent, et par
conséquent, une utilisation fréquente et inadaptée de ce
type d'"exception pour risque d'inexécution". La volonté du
législateur de protéger l'intangibilité du contrat est
donc contournée par l'utilisation d'outils juridiques inadaptés,
et partant, plus nocifs encore pour le principe de force obligatoire du contrat
que l'on entend protéger.
La consécration explicite d'un outil juridique
répondant à l'objectif d'anticipation recherché
permettrait au contraire de déployer un régime adapté,
claire et précis. De la sorte, les risques que le législateur
entend éviter pourront être exposés clairement dans ses
conditions de mise en oeuvre. Le législateur semble avoir pris acte de
ces inconvénients en consacrant explicitement l'exception pour risque
d'inexécution dans le projet de réforme du droit des contrats.
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