II. La mise en place du
Sénat : des imperfections législatives
Il s'agit pour nous ici, de questionner le dispositif
légal qui encadre le processus de mise en place du Sénat au
Cameroun et quia, notamment, présidé à la conduite du
processus électoral ayant abouti à l'institution du
premierSénat. A ce titre, on remarque des motifsd'insatisfaction
pouvant altérer la légitimité de cette chambre. En effet,
les imperfections constatées peuvent être dues soit à des
dispositions floues et pas assez clairement posées, soit à un
dispositif insuffisamment élaboré par la loi, ou encore à
la violation pure et simple des certaines exigences posées par celle-ci.
C'est le cas du questionnement sur l'éligibilité des candidats(A)
qui est censé parfaire la représentation.(B)
A. La question de
l'éligibilité des candidats
La légalité du processus de mise en place du
Sénat est elle-même mise en doute du point de vue des conditions
d'éligibilité. En effet, au chapitre des conditions à
remplir pour être candidat aux élections sénatoriales,
seuls les conditions fixées expressément sont celles liées
à l'âge, à la résidence et à la
nationalité. Ensuite, l'article 221 du code électoral renvoie aux
articles 156 à 161 qui fixe le régime des conditions à
remplir pour être candidat aux élections des
députés, transpose mutatis mutandis aux élections
sénatoriales.
Parmi toutes les conditions fixées par ces
dispositions, une nous intéresse particulièrement, celle
liée à l'exigence d'inscription sur une liste électorale.
La difficulté se trouve dans l'application de cette condition
édictée pour les élections des députés au
cas qui nous intéresse, à savoir les élections
sénatoriales. On peut en effet se demander de quelle liste
électorale il s'agit, d'autant qu'on sait qu'en dehors des listes
électorales des articles 45 et 46 qui sont communes aux élections
du Président de la République, des députés et des
conseillers municipaux, il y'a celles de l'article 223 qui sont propres aux
élections sénatoriales. La réponse à cette question
détermine en réalité la légalité du
processus et peut varier selon qu'on fasse appel à la technique
d'interprétation exégétique ou
téléologique.
En utilisant la première méthode
également connue sous la dénomination de méthode
classique, on pourrait admettre qu'il s'agit des listes électorales de
l'article 223( c'est-à-dire celles propres aux élections
sénatoriales) puisque, en parlant d'un raisonnement a rubica, celles des
articles 45et46 ne concernent que les élections présidentielles,
des députés et municipales et du referendum tel qu'il ressort du
titre III du code électoral, à l'exclusion des élections
sénatoriales et régionales. Selon cette interprétation,
lorsque la loi précise que pour être éligible aux
élections sénatoriales les candidats doivent être inscrit
sur une liste élection, cela reviendrait à dire qu'ils doivent
eux même être des membres du corps électoral comme cela est
le cas des autres élections. Or, être membre du corps
électoral pour les élections sénatoriales signifie
être conseillers municipaux ou conseillers régionaux puisque eux
seuls forment ce corps électoral. Vue sous cet angle, les
sénatoriales de 2013 se seraient déroulées dans
l'illégalité dans la mesure où cette formalité n'a
pas été respectée, les candidats aux élections
sénatoriales n'ayant pas été recrutés dans les
conseils municipaux. Cette interprétation pourrait être
renforcée par un argument par analogie encore appelé argument
à pari ou a simili qui part des autres élections où on
observe un principe constant selon lequel nul ne peut être
éligible s'il n'est lui-même électeur pour
l'élection considérée.
En adoptant ensuite la méthode
téléologique qui consiste à interpréter en fonction
du telos ou objectif, on peut aboutir à une solution moins alarmante
puisque la question ici est celle de savoir si le législateur a vraiment
voulu restreindre autant les personnes pouvant postuler aux élections
sénatoriales bien qu'il soit difficile de trouver la volonté
autonome du législateur camerounais, nous pensons qu'il faille
répondre par la négative car s'il avait voulu adopter une
position aussi radicale et grave, il ne serait pas contenter de
déduction et de d'allusion : il aurait posé expressément
comme il a par exemple fait pour la condition liée à l'âge.
C'est dire que nonobstant ces dispositions équivoques, les
élections sénatoriales le, Cameroun restent ouvertes, et il faut
plutôt croire que la lettre a trahi l'esprit de la loi, celui-ci devant
prévaloir. Il convient alors de procéder à un ajustement
en vue de faire disparaitre ce quiproquo qui, s'il n'est pas très
remarquable, peut tout de même aboutir à des
interprétations diverses. C'est en tout cas de manière large que
le conseil électoral d'Elections Cameroon (ELECAM), suivie en cela par
la cour suprême statuant comme conseil constitutionnel, à entendu
les listes électorales sur lesquelles les candidats doivent être
inscrits, puisqu'il a rejeté les liste électorales du RDPC dans
la région de l'Adamaoua aux motif que l'un des candidats n'a pas produit
les preuves qu'il était inscrit sur une liste électorale des
articles 25 et 26 et non comme celle l'article 223 qui sont propres à
l'élection sénatoriale
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