Le sénat au Cameroun entre nécessité et prestige.( Télécharger le fichier original )par Barthélémy Nkoa Ondoa CIFADDEG - Expert en Administration Parlementaire 0000 |
Section2 : L'affirmation juridique du Sénat.Le Sénat se voit confier par la Constitution plusieurs fonctions parmi lesquelles : les fonctions législatives ; les fonctions de contrôle de l'action du gouvernement ; les fonctions consultatives et les fonctions de représentation des Collectivités Territoriales et Décentralisées. Le Sénat est donc appelé à apporter son expertise dans les domaines de plus en plus variés. En effet, c'est dans l'optique de simplifier la compréhension de ces fonctions qu'il sied de les catégoriser , en fonctions dites manifestes (I) suivant le paradigme fonctionnaliste de Malinowski et de R. Brown et de celles dites latentes qui renvoient aux fonctions circonstancielles (II) I. Une définition minutieuse de ses fonctions.Les foncions correspondants aux fonctions que le sénat doit remplir en tant que chambre du parlement qui sont entre autre les fonctions législatives et de contrôle du gouvernement(A) bien celle de représentation lui soit spécifiques(B). A. Les fonctions de légiférer et de contrôle du gouvernement.Au même titre que l'assemblée nationale, le sénatexerce la fonction législative. C'est d'ailleurs ce qui ressort de l `article 14 alinéa 1 de la constitution qui stipule que : « le pouvoir législatif est exercé parle parlement qui comprends 02 chambres :l'Assemblée Nationale et le Sénat ». Plus loin l'alinéa 2 vient confirmer cette position en soutenant que : « le parlement légifère et contrôle l'action du gouvernement ». D'emblée, pour ce qui est de la fonction législative, elle consiste à voter les lois. L'article 26, alinéa 1 de la constitution donne de loi une définition organique en posant que : « la loi est votée par le parlement ». Puisque le Sénat se reconnait dans le parlement, alors l'oeuvre législative résulte d'une étroitecollaboration entre les 02 chambres constituantes. Le champ matériel d'intervention de la loi est limité et clairement définit. La notion de domaine de la loi s'entend effectivement comme l'ensemble des matières qui constituent le champ d'intervention du législateur. L'article 26, alinéa 2 de la constitution déclare ainsi qu'il suit, le domaine de la loi. Sont du domaine de la loi : a) Les droits, garanties et obligations fondamentaux du citoyen : -la sauvegarde de la liberté et de la sécurité individuelles. -le respect des libertés publiques -le droit du travail, le but du citoyen en fonction des impératifs de la défense nationale. b) Le statut des personnes et le respect des biens : -la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les règlements matrimoniaux, les successions et les libertés. -le règlement de la propriété immobilière c) L'organisation politique, administrative et judiciaire concernant : -Le respect de l'élection à la présidence de la république, le respect des élections à l'Assemblée Nationale et au sénat, ainsi qu'aux assemblées règlementaires et locales, et les règlements des consultations référendaires. -Les règlesgénérales de l'organisation et de la défense nationale -L'organisation judiciaire et la création, la création des ordres de juridictions -La détermination des crimes, des délits et de l'utilisation des peines de toute nature, la procédure pénale, la procédure civile, les voies d'exécution, l'armistice. d) Les gestions financières et patrimoniales suivantes : -Le règlement d'émission de la monnaie -Le budget -La création des impôts et taxes et la détermination de l'assiette, du taux et des modalités de recouvrement de ceux-ci -Des règlements domanial, foncier et minier -Le règlementdes ressources naturelles. f) Le règlement de l'éducation Le domaine de la loi définit à l'article 26, alinéa 2 de la constitution désigne selon l'analyse d'A. D. Olinga, le domaine de la loi par désignation explicite de la Constitution. S'agissant de l'initiative législative, c'est à dire le droit de déposer un texte afin qu'il soit discuté et voté par le parlement, force est de reconnaitre qu'elle est totale, et appartient concurremment au président de la république et aux membres du parlement, à savoir aussi bien les députés que les sénateurs ainsi qu'en dispose l'article 25 de la constitution. Les projets et propositions de loi soumis au parlement sont examinés successivement par les deuxAssemblées Législatives à savoir l'Assemblée Nationale et le Sénat. Une loi est considérée comme définitivement votée que lorsqu'elle est examinée et votée dans les mêmes termes par les deuxchambres. Un va et vient des projets et propositions des lois s'organise ainsi entre celles-ci jusqu'à l'adoption d'un texte unique : c'est l'application du système de la «navette ». En cas de désaccord entre les deux assemblées et après deux lectures du texte par chacune d'elles, le Président de la République peut mettre un terme en provoquant la réunion d'une Commission Mixte Paritaire qui sera chargée de proposer untexte consensuel sur les dispositions restant en discussion, lequel peut être soumis, par la suite, à l'approbation des deux assemblées législatives. Toutefois, cette règle de la navette est écartée par l'exécutif auquel cas une seule lecture suffit pour la Commission Mixte Paritaire afind'être saisie immédiatement. La loidéfinitivement adoptée et transmise par l'Assemblée Nationale au Président de la République aux fins de promulgation. Cependant, il faut relever qu'il n'en est pas de même partout en Afrique. En effet l'initiative des lois n'est pas reconnue a la deuxième chambre dans de nombreux pays tels que l'Algérie, le Botswana, l'Egypte, le Lesotho, le Rwanda et l'Ethiopie bien que ce dernier pays soit un Etat Fédéral. Pour ce qui est du droit d'amendement entendu comme le droit de demander les modifications aux texteslégislatifs, il est égalementreconnu au Sénat au même titre en vertu de l'article 9alinéa 3 de la Constitution. Il en est de même dans presque tous les parlements Africains bicamérauxàl'exception de ceux de l'Algérie du Botswana et de l'Egypte. En tout état de cause, la reconnaissance constitutionnelle du droit d'amendement aux députés et aux sénateurs apporte une garantie d'une double délibération, d'un double examen des projets et propositions de lois par deux chambres du parlement l'AssembléeNational et le Sénat Le tableau ci-dessous donne du reste un aperçu des pouvoirs législatifs de quelques secondes chambres en Afrique Titre : Tableau récapitulatif des pouvoirs législatifs de quelques secondes chambres en Afrique
Source : ManasséAboya Endong59(*) En ce qui concerne la fonction de contrôle de l'action gouvernementale le Sénat est invertid'une importanteprérogative qu'il partage avec l'Assemble National, nonobstant le degré moindre par rapport à cette dernière. En effet le Sénat dispose des moyens de contrôle ci-après au même titre que l'Assemble National :questions orales et questionsécrites, interpellation et commissionsd'enquête. D'une manière un peu plus claire, le Droit Constitutionnel distingue deux types de contrôle informatif60(*)etle contrôle avec mise en oeuvre dela responsabilité du gouvernement61(*). Cependant dans la contexte camerounais, lesdeux chambres parlementaires n'ont pas le même pouvoir de contrôle dans la mesure où seule l'Assemble Nationale est susceptible d'engager la responsabilité du gouvernement62(*)et peut pousser ce dernier à la démission tandis que le sénat n'exerce qu'un contrôle informatif. In concreto, le Sénat comparativement à l'Assemblée Nationale, exerce sa fonctions de contrôle du gouvernement de deux manières : d'abord par le biais des questions aux membres du gouvernement et après, par le biais des commissions d'enquête. Parlant du mécanisme des questions en matière de contrôle du gouvernement par le Sénat, il constitue en théorie l'un des meilleurs moyens dont il dispose pour obtenir des renseignements sur le gouvernement63(*). Suivant la Loi Constitutionnelle du 18 janvier 1996, on distingue deux types de questions notamment : les fonctions écrites et les fonctions orales ainsi que leur portée. Pour les questions écrites, il s'agit d'une prérogative d'un membre du Sénat64(*). Au Cameroun, c'est la Loi du 18 janvier 1996 qui institue les questions écrites du parlement au gouvernement. Une Loi qui est reprise par la Loi n°2013/006 du 10 Juin 2013 portant règlement intérieur du Sénat dont l'alinéa 1 de l'article 81 dispose que : « les sénateurs peuvent, en application de l'article 35 de la Constitution, poser aux membres du gouvernement les questions (...) écrites relatives aux affaires relevant des attributions ». Ces deux textes juridiques prévoient donc des questions écrites des sénateurs aux membres du gouvernement ou encore, le droit à l'information des sénateurs65(*). Ces questions écrites tirent leurs noms par le fait qu'elles sont posées généralement sous la forme écrite par le canal du journal officiel et qu'il y exige qu'elles soient répondues de la même façon66(*). Ces questions ont donc pour but « d'obtenir du gouvernement, c'est-à-dire en l'occurrence des administrations intéressées, des réponses les plus détaillées possibles à des questions souvent elles-mêmes précises »67(*). Les questions orales quant à elles trouvent leur fondement dans les dispositions de l'article 35 de la Loi Constitutionnelle du 18 janvier 1996. Conformément à l'alinéa 1 de cette disposition constitutionnelle ; «le parlement contrôle l'action gouvernementale par la voie des questions orales ». On peut donc déterminer les bases constitutionnelles de cette modalités de contrôle et par ricochet, par le Sénat. Cela est d'autant plus vrai lorsqu'on lit La loi n°2013/006 du 10 juin 2013 portant règlement intérieur du Sénat qui dispose en son article 81 alinéas 1 que « les sénateurs peuvent en application de l'article 35 de la Constitution, poser aux membres du gouvernement des questions orales relatives aux affaires relevant de leurs attributions ». En théorie, l'apparition des questions orales dans la pratique parlementaire remonte au XIXe siècle en Grande Bretagne. Il faut alors attendre la IIIe République en France pour voir l'institution des questions orales dans le régime politique français. Au Cameroun, la pratique des questions orales n'est pas du tout inconnue puisque depuis la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996, celles-ci ont été instituées comme un moyen de contrôle de l'exécutif par le parlement. De ce fait, on distingue deux types de questions orales : les questions orales sans débat qui permettent de donner lieu à un dialogue entre parlementaires et membres du gouvernement sans intervention d'un tiers et plus loin les questions orales avec débat qui font intervenir une confrontation d'idée entre le membre du gouvernement interrogé et les parlementaire. On peut donc noter que les questions orales permettent de crédibiliser la fonction de contrôle s'il faut reprendre l'expression d'A. D. Olinga. En somme, il faut relever que l'institution des questions orales n'est pas anodine dans la mesure où on peut déceler une double importance. D'abord elle facilite l'information en ce sens qu'elles renseignent les membres du Sénat ou du parlement à la mise en oeuvre de la politique nationale par le gouvernement. Apres, elles facilitent la maitrise de l'action gouvernementale en ce sens qu'elles permettent d'obtenir des éclairages de la part des membres du gouvernement sur une question précise. Toutefois, il convient de relever que le mécanisme des questions n'est pas la seule technique de contrôle de l'action du gouvernement par le parlement, car il peut également se faire par les commissions instituées par ce dernier. Parlant maintenant des commissions parlementaires, elles s'entendent comme « une formation restreinte et interne de l'Assemblée Nationale(...) chargée de préparer la délibération en séance publique de cette assemblée, que ce soit en matière de contrôle du gouvernement ou en matièrelégislative68(*). Il est donc important de dire que les Commissions parlementaires occupent une place importante dans l'action parlementaire69(*). C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on distingue deux types de Commissions Parlementaires, chacune avec une portéeconsidérable. On peut citer à cet effet, les Commissions ad hoc d'enquête et les Commissions permanentes. D'abord pour ce qui est des Commissions ad hoc d'enquête, il faut noter qu'en dehors des questions orales et écrites, elles trouvent leur fondement dans le texte constitutionnelCamerounais. En effet, au sens de l'alinéa 1 de l'article 35 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 : « le parlement contrôle l'action du gouvernement par voix des questions orales ouécrites et par la constitution des commissions sur des objets déterminés ». La loi portant Règlementintérieur du Sénat fait égalementallusion à ces commissions. Selon cette dernière : « en applicationde l'article 35(1) de la Constitution, le Sénat peut, par le vote d'une proposition de résolution déposer sur un bureau conformément aux dispositions de l'article 38 du présentrèglementintérieur constituer une commission d'enquête ». De fait, lescommissions ad hoc d'enquête peuvent être définies en théories comme une sorte de « commissions parlementaires temporaires créées par une assemblée aux fins de participer aux missions de contrôle du gouvernement et d'évaluation du pouvoir exécutif et de son administration70(*) ». D'un point de vue finaliste, elles visent en un mot à recueillir un maximum d'information sur des faits déterminés ou dans une certainemesure, la gestion des services publics. C'est dire suivant cette logique que les commissions ad hoc d'enquête concourent à la fiabilité de l'information gouvernementale comme le martèle ainsi le Pr P. Ardant « pour ne pas être tributaire des informationsque le gouvernement veux bien les communiquer, les assemblées peuvent créer des commissions qui, par leur investigation, apportent les élémentsindispensables à l'exercice de leur contrôle » Apres, en ce qui concerne les commissions permanentes, elles sont instituées pour la durée de la législature et dont les membres sont élus à la représentation des groupes et renouvelés chaque année. C'est du moins ce qui ressort des dispositions de l'article 35 alinéa 1 de la loi n°2013/006 du 10 juin 2013 portant règlementintérieur du Sénat qui dispose que : « chaque année, aprèsl'élection du bureau, le Sénat constitue neuf commissions générales pour l'étude des affaire qui lui sont soumises ». Leur fonction première demeure la préparation du travail parlementaire mieux, législatifpuisque faudrait-il le rappeler, ces commissions sont spécialisées en fonction des matières relevant de leur domaine de compétence. C'est pour cette raison qu'une fois une proposition ou un projet de loi à élaborer est déposé au parlement, il passe d'abord à la commission spécialisée pour examen. A cet effet, il est nécessaire de souligner sans risque de se tromper que les commissions permanentes permettent de renforcer le contrôle de l'exécutif et l'informationstricto sensu et la préparation du travail législatif largo sensu. Quid de la fonction de représentation ? * 59M. Aboya Endong « bicamérisme et démocratisationen Afrique : entre vision post conflit et tendances globales » in politéa, n°6, 2004 * 60 P. Ardant, Institutions Politiques Droit Constitutionnel, paris LGDJ 7° éd, 1995, p548 * 61 Ibid. P554 * 62 J. M. Bikoko, les paradoxes constitutionnels en droit positif camerounais, p.33 * 63 P. Ardant, les institutions de la Ve République, hachette, 1995, p114. * 64 R. Dosière, « Le contrôle ordinaire », pouvoir, 2010, p40. * 65 B. Momo, « Le parlement camerounais », lexlata, n°23, 1996, p. 24 * 66 D. Maus, le parlement sous la première République, PUF, 1985, p105. * 67 D. Maus, « Le sénat, l'Assemblée Nationale et le Gouvernement », pouvoirs, n°44, 1988, p.26 * 68 M. Deviliers et A. Le Divelec, dictionnaire de Droit Constitutionnel, op cit, p.55. * 69 P. Avril et J. Gicquel, Doit parlementaire, op cit, p.273. * 70 M. Devillier et A. Le Divellec, op cit, p52. |
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