Le sénat au Cameroun entre nécessité et prestige.( Télécharger le fichier original )par Barthélémy Nkoa Ondoa CIFADDEG - Expert en Administration Parlementaire 0000 |
II- La thèse de l'inutilité.La thèse de l'inutilité fait référence à la doctrine qui met en mal la nécessité du Sénat (A) et du bicamérisme (B) A. La thèse de l'inutilité du Sénat.Diverses arguments sont avancés en faveur de la doctrine qui soutient l'inutilité du sénat souvent taxé d'institution `'budgétivore'',`'de chambre applaudissent'', de `'gadgetinstitutionnel'',`'d'inutile'', `'d'anomalie'', `' de clone de l'Assemblée Nationale''ou `'d'assemblée bis''.L'institutionsénatoriale est donc vouée à toute sorte de soupçon, au rejet. D'ailleurs, elle est réduite selon J.P. Marichy a une simple senatophobie ou encore a la senatrose47(*) Contrairement au besoininstitutionnel qui favorise la démultiplication des institutions,c'esta dire que c'estgrâce aux réformes institutionnelles qu'on a pu passer du moins monocamérismeau bicamérismeayant pour corollaire la naissance du sénat, les pourfendeur de cette institution n'entendent pas ça de la même oreille . A titre d'illustration ; Harold Laskiannonçait ainsi l'aube du 20° siècle la disparition des secondes chambres car pour lui le monocamérisme était plus adopte aux défis des Etats modernes. De ce fait, le Sénat subit de virulentes critiques un peu comme le laisse croire l'Abbé Sieyès : « si la chambre haute est d'accord avec la chambre basse, elle est inutile. Si elle n'est pas d'accord, elle devrait être abolie ». Toutefois, il est important de souligner que le Sénat camerounais n'a pas échappé un seul instant à ces critiques ardues. A cet effet, pour A. D. Olinga ; le Sénat tel que mis en place au Cameroun n'a pas lieu d'être, étant donné l'état actuel du processus de décentralisation, celui-ci ne saurait en l'absence de l'objet à représenter accomplir véritablement son rôle de représentant de Collectivités Territoriales Décentralisées à savoir les régions. Ceci n'est rien d'autre que mettre la charrue avant les boeufs d'où son inopportunité. Plus loin, E. A. T Gatsi s'intéresseaux fondements du Sénat Camerounais pour montrer les mauvaises conditions de sa mise en place. Pour cet auteur, l'institutionnalisation du Sénat en tant que deuxième chambre doit être consécutive soit à l'organisation d'un Etat, ou encore à une histoire propre susceptible de justifier cette institutionnalisation. Par-là, il fait référence aux Etats fédéraux donc la deuxième chambre permet de justifier la forme fédérale de l'Etat lorsqu'on sait que les Etats fédérés jouissent d'un autonomie fonctionnelle quasi-totale dont, les intérêts doivent être gardés, sauvegardés et protégés par cette chambre. Par ailleurs, il fait aussi référence aux Etats régionaux comme l'Espagne et l'Italie, car c'est dans la nature des régions avec des particularités et des spécificités propres qu'il faut voir les fondements d'une chambre Haute visant la sauvegarde de ses intérêts. En ce qui concerne l'histoire, c'est lorsque l'Etat ne répond pas à ces différentes formes d'Etat, qu'il faut y faire recours. Ainsi, à l'exemple de l'Angleterre c'est l'histoire qui sert de fondement à l'institution du Sénat dans la mesureoù le Sénat résulte de la House of Lords qui remonte au Moyen Age avec l'existence d'un grand conseil composé de barons et d'hommes d'église puissants. C'est dans l'optique de corroborer cet argumentaire que Jean Pierre Marichy soutient que : « si dans le cadre d'une monarchie limitée ou dans celui d'un Etat fédéral, le bicamérisme ne souffre guère de discussions, il est loin d'en être de même dès qu'il apparait dans un Etat Unitaire et démocratique48(*) ». A observer dans le contexte camerounais, rien n'est pareil. Le Cameroun n'a pas une forme fédérale, ni régionale encore moins, une histoire constitutionnelle conduisant pour ainsi dire à servir de fondement à l'institution du Sénat, bien que les Collectivités Territoriales Décentralisées qu'il est censé représenté jouissent d'une personnalité juridique et d'une autonomie de gestion. C'est à ces propos qu'E. A. T Gatsi arrive à conclure que : « le Sénat camerounais dans la configuration qui est la sienne aujourd'hui, est une anomalie constitutionnelle qui nécessite une réforme pour lui donner un fondement plus légitime conforme à l'orientions constitutionnelle du pays49(*) ». J. C. Eko'oAkouafane s'attarde pour sa part sur l'absence de légitimité qui entache l'institution sénatoriale du fait de la nomination de certains par le Président de la République. Il estime que : « la catégorie des sénateurs nommés apparait comme les personnalités représentant les CTD en vertu des dispositions constitutionnelles sans avoir reçu le mandat de ces dernières, contrairement à l'esprit du principe représentatif » Pour finir, il est à noter que le constat le plus fustigeant de l'importance du Sénat est celui de M. Hilaire KouomegneNoubissi pour qui, « le Sénat camerounais a été simplement pensécomme un nouvel instrument placé aux mains du pouvoir en place, lequel en fera l'usage le plus profitable du moment et les contingences de la vie politique50(*) ». * 47J.P. Marichy, la seconde chambre dans la vie politique française depuis 1875, Paris, LGDJ ,1967 P 139. * 48 J. P. Marichy, op cit, p787. * 49 E. A. T Gatsi, op cit, p164. * 50 H. KouomegneNoubissi, Décentralisation et centralisation au Cameroun : compétence entre l'Etat et les collectivités locales, l'harmattan, 2013, p85 |
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