Arrêt de la Cour de Cassation Française : Chambre
Commerciale 14 Décembre 2004
COMMISSAIRE AUX COMPTES. : LA FAUTE DE LA VICTIME
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du 14 décembre 2004
N° de pourvoi: 01-02511
Non publié au bulletin
Rejet
Président : M. TRICOT,
président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE
FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET
ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre
2000), que la société Outillage RC (la société
ORC), aux droits de laquelle se trouve la société Albert Denis, a
été victime, de 1991 à 1993, de détournements de
fonds commis par Mme X..., chef-comptable ;
La responsabilité du commissaire aux
comptes
217
que celle-ci a été condamnée par la
juridiction pénale à réparer le préjudice subi par
la société ORC ; que cette société,
alléguant que M. Y..., commissaire aux comptes, avait manqué
à ses obligations professionnelles et ainsi permis la poursuite des
détournements, a demandé que celui-ci et son assureur, la
Mutuelle du Mans Assurances, soient condamnés à lui payer des
dommages-intérêts ;
Attendu que la société Albert Denis fait grief
à l'arrêt d'avoir rejeté ces demandes alors, selon le moyen
:
1 / que la faute de la victime ne peut exonérer
totalement le responsable du dommage qu'à la condition qu'elle constitue
la cause exclusive de ce dommage ; qu'en exonérant totalement M. Y... de
sa responsabilité au motif que la société ORC n'aurait
elle-même pas contrôlé sérieusement l'activité
de sa comptable, tout en constatant que le manquement du commissaire aux
comptes à ses obligations professionnelles avait concouru à la
survenance du dommage subi par la société ORC, la cour d'appel a
violé l'article 1382 du Code civil ;
2 / que, n'imputant pas les détournements commis en 1991
au commissaire aux comptes, elle a évalué son préjudice
imputable à ses négligences pour les années 1992 et 1993
à la somme de 2 000 000 francs sur le total des 2 494 859 francs
détournés par la comptable ;
qu'en énonçant que la société
«ne met pas la cour en mesure d'évaluer le montant de la partie des
détournements qui, selon son analyse, sont imputables à la
carence du commissaire aux comptes», la cour d'appel a violé
l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que chacun des responsables d'un même dommage doit
être condamné à le réparer en totalité sans
qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités qui
n'affecte que les rapports réciproques entre les responsables et non
l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée ;
qu'après avoir reconnu la faute du commissaire aux comptes qui a permis,
au moins pour partie, les détournements commis par la comptable, la cour
d'appel ne pouvait refuser de le condamner à l'indemniser, au besoin en
deniers ou quittances, au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve des
diligences accomplies pour recouvrer sa créance sur Mme X..., coauteur
du dommage ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé ensemble les
articles 1203 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a retenu que
la société ORC avait, en s'abstenant d'exercer sur
l'activité de Mme X... un contrôle dont la nécessité
était apparue immédiatement après l'arrivée de
celle-ci au sein de la société, commis une faute en l'absence de
laquelle les détournements auraient été
évités, de sorte que cette faute avait, au regard du lien de
causalité, absorbé celle retenue à l'encontre du
commissaire aux comptes puisque celle-ci n'aurait pu être commise en
l'absence de celle-là ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a ni constaté
que le manquement du commissaire aux comptes à ses obligations
professionnelles avait concouru à la production du dommage subi par la
société ORC ni, par suite, exonéré le
La responsabilité du commissaire aux
comptes
218
commissaire aux comptes d'une responsabilité dont elle a
dit que les conditions n'étaient pas réunies ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt étant
justifié par les motifs que critique vainement la première
branche, les griefs des deuxième et troisième branches
s'adressent à des motifs surabondants ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa
première branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Albert Denis aux dépens
;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
rejette la demande de M. Y... et des Mutuelles du Mans Assurances IARD ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre
commerciale, financière et économique, et prononcé par le
président en son audience publique du quatorze décembre deux
mille quatre.
Décision attaquée : cour d'appel
de Paris (1re chambre civile, section A) du 15 novembre 2000
La responsabilité du commissaire aux
comptes
219