Arrêt de la Cour de Cassation Française : Chambre
Commerciale
2 Juillet 1996
COMMISSAIRE AUX COMPTES. : LE DOMMAGE NE DOIT PAS ETRE
REPARE
Cour de cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 2 juillet 1996
N° de pourvoi: 94-18096
Non publié au bulletin
Rejet
Président : M. BEZARD,
président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET
ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Didier, Claude, Marie Y...,
demeurant ...,
En cassation d'un arrêt rendu le 13 mai 1994 par la cour
d'appel de Paris (25e chambre, section B), au profit :
1°/ de la société Média PA, dont le
siège est ...,
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comptes
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2°/ de B... Eliane Celle, veuve Forêt, prise tant en
son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale de
ses enfants mineurs, demeurant ... Longnes,
3°/ de Mme Danielle A..., demeurant ...,
4°/ de Mme Sylvie D..., demeurant ...,
5°/ de M. Gérard C..., demeurant Les
Héliotropes, ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux
moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 21 mai 1996, où
étaient présents : M. Bézard, président, M.
Poullain, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez,
Léonnet, Canivet, conseillers, Mme Geerssen, M. Huglo, Mme Mouillard,
conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat
général, Mme Moratille, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. le conseiller Poullain, les observations de
Me Bertrand, avocat de M. Y..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M.
C..., de Me Odent, avocat de la société Média PA et de Mme
X..., veuve Forêt, les conclusions de Mme Piniot, avocat
général, et après en avoir délibéré
conformément à la loi;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mai
1994), que par acte du 23 janvier 1986, la société Média
PA, Mme veuve Z..., agissant pour elle-même et en qualité
d'administrateur de ses quatre enfants mineurs, Mme E... et Mme A... (les
cédants) ont cédé à M. Y... 220 des 250 parts de la
société COFIPAR, laquelle était propriétaire de
près de 80 % des actions de la société ARCO; que les
cédants avaient consenti une garantie de passif sur la base des comptes
arrêtés au 31 août 1985 et certifiés par le
commissaire aux comptes; que les comptes de la société ARCO se
sont révélés inexacts et que M. Y... a assigné les
cédants et le commissaire aux comptes pour obtenir l'annulation de la
cession et être indemnisé du préjudice subi;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et le second
moyen, réunis :
Attendu que M. Y... fait grief au jugement d'avoir rejeté
ces demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le cessionnaire de parts
sociales ne commet pas d'imprudence en se fiant au bilan qui lui est
présenté certifié sincère par le commissaire aux
comptes, professionnel dont le rôle légal est
précisément d'effectuer les vérifications
nécessaires; qu'en l'absence de toute faute rendant inexcusable l'erreur
dans laquelle il avait été volontairement induit, la cour d'appel
ne pouvait rejeter sa demande sans violer l'article 1116 du Code civil; alors,
d'autre part, que la cour d'appel admet expressément, pour
écarter la responsabilité du
La responsabilité du commissaire aux
comptes
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commissaire aux comptes, «que l'analyse du compte clients
en août 1985 ne pouvait permettre de déceler des anomalies, sinon
l'existence de nombreux avoirs après la clôture de l'exercice; que
ces avoirs avaient été établis dans le plus grand secret,
sans que l'expert comptable n'en soit informé en temps utile» ;
qu'en le déboutant de son action en lui reprochant de ne
pas avoir effectué des vérifications dont elle constate ainsi
elle-même que, même pour un professionnel, elles ne pouvaient
aboutir à la découverte des anomalies du bilan, la cour d'appel
n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations, en violation des articles 1116 et 1382 du Code civil; alors, en
outre, que même lorsqu'elles ne déterminent pas le consentement de
l'acheteur, les manoeuvres commises par le vendeur constituent des fautes
engageant sa responsabilité civile; qu'en le déboutant non
seulement de son action en nullité mais encore de sa demande de
dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 1382
du Code civil; et, alors, enfin, que dans ses conclusions d'appel, il faisait
valoir «qu'il est inadmissible qu'un commissaire aux comptes certifie des
comptes sans réserve s'il estime que la comptabilité était
mal tenue et que les informations nécessaires n'ont pas
été données, qu'il doit au contraire faire preuve de plus
de vigilance» et reprenait les constatations de l'expert ayant
relevé que les difficultés rencontrées par le commissaire
aux comptes «auraient pu l'amener à être plus vigilant»,
«que M. C... n'a pas vu le problème de la préfacturation
d'ARCO qui est un problème majeur sur les comptes au 31 décembre
1985, (qu')il aurait dû le voir s'il était
intervenu de façon plus approfondie sur les ventes et le
poste clients», et que «M. C... n'a pas remarqué l'importance
des avoirs de septembre à décembre 1985 et a ainsi
certifié des comptes qui étaient notablement erronés,
induisant en erreur M. Y... sur la valeur exacte de la
société»; qu'en laissant sans réponse ces conclusions
propres à démontrer la faute d'imprudence et la négligence
du commissaire aux comptes qui s'était abstenu de procéder
à des vérifications que les difficultés auxquelles il
s'était heurté rendaient d'autant plus nécessaires, la
cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de
l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu que, tant par motifs propres qu'adoptés,
l'arrêt relève, tout d'abord, que M. Y..., homme d'affaires averti
qui ne pouvait se méprendre sur la situation financière de la
société ARCO, était, en réalité, très
intéressé par l'acquisition de l'usine dont cette
société était propriétaire, ensuite, que les
cédants, acceptant de garantir l'actif surévalué, ont
réduit «par compensation» de 1 300 000 francs le montant de
leurs demandes au titre des paiements restant dûs; qu'ayant, au vu de ces
constatations, retenu que la remise d'un bilan comportant une
surévaluation de l'actif n'avait pas déterminé le
consentement de M. Y... et fait apparaître que le préjudice subi
par M. Y... n'avait consisté qu'en l'acceptation d'un prix excessif au
regard du bilan de référence, et avait été
réparé par la renonciation des cédants à percevoir
cette part du prix, la cour d'appel, par ces seuls motifs, a pu statuer comme
elle a fait;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être
accueillis ;
Sur les demandes présentées au titre de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que la société Média PA et Mme
veuve Z..., d'une part, et M. C..., d'autre part, sollicitent l'allocation
d'une somme sur le fondement de ce texte;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir ces demandes ;
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PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., envers les défendeurs, aux
dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;
Rejette les demandes formées par la société
Média PA et par Mme veuve Z..., ainsi que par M. C... sur le fondement
de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre
commerciale, financière et économique, et prononcé par M.
le président en son audience publique du deux juillet mil neuf cent
quatre-vingt-seize.
Décision attaquée : cour d'appel
de Paris (25e chambre, section B) du 13 mai 1994
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