Arrêt de la Cour de Cassation Française : Chambre
Commerciale
18 Mai 2010
COMMISSAIRE AUX COMPTES. : PERTE DE CHANCE
Le : 08/09/2012
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du 18 mai 2010
N° de pourvoi: 09-14281
Non publié au bulletin
Cassation partielle
Mme Favre (président),
président
SCP Gadiou et Chevallier, SCP Nicolaý, de Lanouvelle
et Hannotin, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
La responsabilité du commissaire aux
comptes
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt
suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. et Mme X..., M. et
Mme de Y..., M. Z... et la société Tesdef, tous actionnaires de
la société Aquitaine de Menuiserie (la société
ADM), soutenant que M. A..., commissaire aux comptes de la
société, avait commis des fautes dans l'accomplissement de sa
mission et que ces fautes avaient, d'une part, conduit la société
Tesdef et M. Z... à souscrire à une augmentation de capital
réalisée en pure perte, d'autre part, entraîné pour
eux une perte de chance de vendre la société ADM au prix qu'ils
pouvaient espérer, l'ont assigné en responsabilité ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatrième et
cinquième branches :
Attendu que ces griefs ne seraient pas de nature à
permettre l'admission du pourvoi ; Mais sur le moyen unique, pris en sa
première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de
dommages-intérêts relative au préjudice invoqué par
la société Tesdef et M. Z... résultant de la souscription
par eux à l'augmentation de capital de la société ADM,
réalisée en pure perte, l'arrêt retient d'abord qu'il
résulte des éléments du dossier que l'échec de la
société est du au désengagement brutal de sa banque, puis,
que la société Tesdef et M. Z... n'ont pas mis la juridiction en
mesure d'apprécier si la réaction de la banque peut être en
rapport avec la faute du commissaire aux comptes et qu'ils n'ont en
conséquence pas démontré que l'échec de la
société était lié aux fautes du commissaire aux
comptes ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait
précédemment relevé que M. A... avait commis
différentes fautes dans l'accomplissement de sa mission en certifiant
des comptes sans vérifications sérieuses de la situation
réelle de l'entreprise et que par son défaut d'information, il
n'avait pas mis la société Tesdef et M. Z... en mesure
d'apprécier cette situation et de prendre une décision
éclairée sur leur participation à une augmentation de
capital, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences
légales de ses constatations a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les
autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a infirmé le
jugement du 17 octobre 2006, rendu par le tribunal de grande instance de La
Roche-sur-Yon en ce qu'il a dit que M. A... a par ses fautes engagé sa
responsabilité envers la société Tesdef et M. Z... et
condamné in solidum M. A... et la compagnie d'assurances Covea Risks
à verser, au titre du préjudice résultant de
l'augmentation de capital consentie en pure perte, la somme de 358 455 euros
à la société Tesdef et 144 032 euros à M. Z...,
l'arrêt rendu le 4 mars 2009 par la cour d'appel de
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Poitiers ; remet, en conséquence sur ces points, la cause
et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel
de Poitiers autrement composée ;
Condamne M. A... et la compagnie Covéa Risks aux
dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les
condamne à payer aux demandeurs la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général
près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis
pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt
partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
commerciale, financière et économique, et prononcé par le
président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux
Conseils pour M. et Mme X..., M. et Mme de Y..., la société
Tesdef et M. Z....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR
débouté Monsieur et Madame Jean-Luc X..., Monsieur et Madame
Philippe de Y..., Monsieur Z... et la Société TESDEF de
l'ensemble de leurs demandes dirigées contre Monsieur A... et son
assureur, la Cie COVEA RISKS ; AUX MOTIFS QUE sur la demande relative à
l'apport en numéraires, cet apport a été
décidé au temps où les comptes de 2001 avaient
été certifiés par le commissaire aux comptes, Monsieur
A... ; que dans son rapport du 14 juin 2002, Monsieur A..., pour l'exercice
clos le 31 décembre 2001, a écrit « j'ai effectué mon
audit selon les normes de la profession, ces normes requièrent la mise
en oeuvre des diligences permettant d'obtenir l'assurance raisonnable que les
comptes annuels ne comportent pas d'anomalies significatives. Un audit consiste
à examiner par sondage les éléments probants justifiant
les données contenues dans ces comptes. Il consiste également
à apprécier les principes comptabilisés suivis et les
estimations significatives retenues par l'arrêté des comptes et
apprécier leur présentation d'ensemble. J'estime que mes
contrôles fournissent une base raisonnable à l'opinion
exprimée ci-après. Je certifie que les comptes annuels sont
réguliers et sincères et donnent une image fidèle du
résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi
que de la structure financière et du patrimoine de la
société en fin de l'exercice ... je n'ai pas d'observations
à formuler sur la sincérité et la concordance avec les
comptes annuels des informations données dans le rapport de gestion du
conseil d'administration et dans les documents adressés aux actionnaires
sur la situation financière et les comptes annuels » ; or des
anomalies figuraient dans ces comptes ; qu'ainsi, au compte « fournisseurs
», des règlements étaient mentionnés pour un montant
de
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103. 563 euros selon l'audit qui a été
réalisé suivant rapport de la Société FIDEA le 26
mai 2004 sans justificatif dont un montant de 29. 399, 61 euros au nom de
FREZOULS, cabinet d'avocats et après ajustement restant pour une somme
de 19. 252 euros ; qu'aucune question n'a été posée par le
commissaire aux comptes sur les raisons du paiement de ces honoraires et sur
l'existence de litiges nécessitant des provisions ; qu'au titre de
l'impôt sur les sociétés, il était mentionné
des émissions de chèques ; qu'il s'est avéré qu'un
certain nombre de chèques ont été émis sans
justificatif, certains au bénéfice de Monsieur B... ; qu'un
simple contrôle avec le montant réel de l'impôt aurait
permis de relever les anomalies qui se sont poursuivies sur plusieurs
années, puisque déjà le 15 octobre 1999 un chèque
de 46. 875 francs avait été encaissé par Monsieur B... ;
que Monsieur A... n'a pas contesté qu'il n'avait pas circularisé
les fournisseurs ; que dans sa note de contrôle du 10 juin 2002, il a
écrit « la circularisation n'est pas adaptée, en 1999-2000
aucun des clients circularisés n'avaient (sic) répondu. Nous
procéderons par apurement » ; que Monsieur A... aurait dû au
moins informer les dirigeants de la société des
difficultés qu'ils rencontraient dans la réalisation de sa
mission, ce qu'il n'a pas fait et en tout cas il devait formuler des
réserves ; qu'il n'avait reçu aucune mission concernant la Sarl
ADMCO, filiale de la société ADM, mais il n'a
procédé à aucun rapprochement entre les comptes des deux
sociétés, ce qui lui aurait permis de constater au titre des
charges de la première et des produits de la seconde un écart au
compte de bilan pour 2001 de 69. 778, 52 euros (audit FIDEA) ; que Monsieur
A... n'a fait aucune remarque sur le « rajeunissement du compte clients
» ; qu'il n'a émis aucune critique de la pratique de Monsieur B...
qui annulait des situations pour en réémettre de nouvelles en fin
d'année ; que pour contester les résultats de l'audit, Monsieur
A... se borne à faire valoir que le rapport est suspect au motif que
l'un des signataires est l'un des associés fondateurs de la
Société ADM et que les Sociétés ADM et ADMC - en
réalité ADMCO-ont fait l'objet d'un contrôle fiscal qui n'a
entraîné aucun redressement ; mais que Monsieur A... ne formule
aucune critique de fond sur le rapport qui remettrait en cause le travail qui a
été réalisé et n'apporte aucune preuve contraire
aux conclusions qui ont été faites ; que Monsieur A... a donc
commis des fautes dans l'accomplissement de sa mission en certifiant les
comptes sans vérifications sérieuses qui auraient mis à
jour la réelle situation de la société ; que par son
défaut d'information, il n'a pas mis la Sarl TESDEF et Monsieur Z... en
mesure d'apprécier cette situation et de prendre une décision
éclairée sur une participation à une augmentation de
capital ; mais qu'il appartient à la Sarl TESDEF et à Monsieur
Z... d'établir que ce manque d'information leur a causé un
préjudice ; qu'ils invoquent l'échec de la société
ADM ; qu'une procédure de prévention des difficultés des
entreprises a été initiée le 13 octobre 2003 et un
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mandataire ad hoc a été désigné par
le Tribunal de Commerce de Bordeaux aux fins « d'étudier les
possibilités de redressement de la société et assister
l'entreprise dans l'élaboration et la mise en place des mesures de
redressement qui pourraient s'imposer » ; que le rapport a
été déposé le 26 novembre 2003 ; que le mandataire
a constaté qu'en 2002 la Société ADM qui n'avait connu
jusque là aucun souci de trésorerie s'est trouvée
confrontée à des problèmes de financement du besoin de
fonds de roulement auxquels il a été remédié par un
apport des actionnaires à concurrence de 300. 000 € et par deux
crédits de restructuration de 150. 000 € chacun mis en place par le
Crédit Lyonnais et la Fortis Banque, que la phase de consolidation des
fonds permanents se trouve alors engagée et concourt à un
équilibre de croissance ; qu'il ajoute que « singulièrement
alors que l'on aurait pu s'attendre à une participation contributive des
partenaires financiers basée sur la confiance et la transparence,
ceux-ci et principalement le Crédit Lyonnais, puis plus tard la BPSO et
la BTP, adoptent une position plus restrictive et manifestent le désir
de se désengager en réduisant les concours à cours terme
de manière conséquente, les accompagnant de mesures
contraignantes. C'est ainsi que le Crédit Lyonnais a, en juillet 2003,
alors que l'entreprise dispose d'un carnet de commandes de l'ordre de 6, 8
à 7 M euros de qualité exceptionnelle, réduit de
moitié sa ligne de financement des créances clients qu'elle
consentait jusque là faisant passer de 600. 000 à 300. 000 euros
ce concours et complète cette réduction par une notification du
solde des créances immobilisées ; que si certains
problèmes exigent des analyses et des solutions inédites, on ne
peut qu'être frappés par les conséquences de la
décision prise par le banquier principal de la société ADM
car la perfusion brutalement supprimée a conduit
irrémédiablement l'entreprise à de graves
difficultés de trésorerie ... dès lors il est
irréaliste et pratiquement impossible à l'entreprise dans la
situation financière qui est la sienne de réduire ses encours ...
sans détruire l'équilibre dans lequel elle se trouvait, maintenu
de manière courant grâce au soutien coopératif de la
banque. Les moyens financiers n'étant pas adaptés à sa
politique d'expansion de bas de bilan la Société ADM a
été très vite fragilisée par cette limitation des
concours et a été pratiquement acculée à traiter
les problèmes au quotidien » ; qu'il précisait que ses
appréciations sur la santé financière étaient
« significatives d'une situation financière saine dès 2002
» ; que le 1er avril 2004, Monsieur de Y..., président du conseil
d'administration de la Société ADM, procédait à une
déclaration de cessation des paiements ; qu'il invoquait à
l'appui les difficultés financières de la société
en raison de la rupture de concours des banques et d'une absence de
rentabilité ; qu'aux temps du rapport du mandataire et de la
déclaration de paiement les anomalies et dysfonctionnements
négligés par le commissaire aux comptes n'étaient pas
encore révélés puisqu'ils le seront par l'audit de la
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Société FIDEA dans son rapport du 26 mai 2004 ;
que la société ADM se présentait dans une meilleure
situation apparente qu'elle n'était réellement ; que la Sarl
TESDEF et Monsieur Z... n'établissent par aucun moyen que la banque
aurait réduit sa participation en raison d'anomalies qu'elle aurait
été amenée à constater ; qu'ils ne
démontrent pas non plus que l'absence d'irrégularités
comptables aurait pu pallier les effets du retrait de la banque et auraient pu
permettre à la société d'éviter un
dépôt de bilan ; qu'ils ne justifient pas que les fautes du
commissaire aux comptes aient été à l'origine du manque de
trésorerie et qu'ils ne produisent aucune étude
circonstanciée sur la situation telle qu'elle aurait dû être
sans les dysfonctionnements et sur leurs répercussions sur l'état
financier de la société ; qu'ils ne mettent pas la juridiction en
position d'apprécier si la réaction de la banque peut être
en rapport avec les fautes du commissaire aux comptes ; qu'ils ne rapportent
donc pas la preuve que les fautes commises par le commissaire aux comptes ont
facilité l'échec de la société et qu'il
n'appartient pas à la juridiction de pallier la carence des parties dans
l'administration de la preuve ; que faute de lien de causalité entre ces
fautes et le préjudice invoqué, les demandes au titre de l'apport
de la Société TESDEF et Monsieur Z... doivent être
rejetées ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la Cour d'appel a expressément
relevé que Monsieur A..., ès-qualités de commissaire aux
comptes de la Société ADM, a commis différentes fautes
dans l'accomplissement de sa mission en certifiant des comptes sans
vérifications sérieuses de la situation réelle de
l'entreprise (arrêt, p. 6, 4ème paragraphe) ; qu'elle a encore
retenu que par son défaut d'information, Monsieur A... n'a pas mis la
Société TESDEF et Monsieur Z... en mesure d'apprécier
cette situation et de prendre une décision éclairée sur
une participation à une augmentation de capital (arrêt, p. 6,
4ème paragraphe) ; qu'en relevant, pour les débouter de leurs
demandes, qu'ils n'établissent pas le lien de causalité entre les
fautes du commissaire aux comptes et le préjudice résultant de la
souscription à une augmentation de capital qui s'est
avérée ruineuse, la Cour d'appel, qui n'a manifestement pas
tiré les conséquences légales de ses propres
constatations, a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la Cour d'appel a également
relevé que l'augmentation de capital avait été
décidée au vu de la certification des comptes de l'année
2001 opérée sans réserve par Monsieur A..., commissaire
aux comptes de la Société ADM (arrêt, p. 5, 4ème
paragraphe) ;
qu'en relevant, pour faire échec à la demande des
exposants, que le préjudice résultant de la souscription à
une augmentation de capital qui s'est avérée désastreuse
est sans lien avec le
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comptes
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comportement fautif de Monsieur A... qui a certifié les
comptes de la Société ADM sans vérification
sérieuse de sa situation réelle, la Cour d'appel, qui n'a pas
tiré les conséquences légales de ses propres constatation,
a derechef violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, DE TROSIEME PART, en l'état des constatations
susvisées, la Cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y
était pourtant dûment invitée (conclusions
récapitulatives d'appel des exposants, p. 28 et s.) si les
associés de la Société ADM n'auraient pas refuser de
souscrire à une augmentation de capital si Monsieur A...,
exerçant pleinement son contrôle, avait refusé de certifier
les comptes de l'année 2001, la Cour d'appel a privé sa
décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code
civil ;
ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, en ne recherchant pas davantage,
cependant qu'elle y était invitée (conclusions
récapitulatives d'appel des exposants, p. 28 et s.), si les
associés n'auraient pas pu prendre, en temps utile, les mesures
nécessaires au redressement de la Société ADM si le
commissaire aux comptes avait refusé de certifier les comptes de
l'année 2001, la Cour d'appel a derechef privé sa décision
de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
ET AUX MOTIFS QUE sur la vente des actions de la
Société ADM envisagée dès 2001 puisque c'est
à cette date qu'un mandat de vente a été donné pour
un prix de l'ordre de trois millions d'euros, ainsi qu'il a été
dit plus haut, la situation de 2001 que Monsieur A... a présentée
n'était pas exacte ; que les errements du commissaire aux comptes ont
perduré en 2002 et 2003 ; que la note de contrôle datée du
10 juin 2002 est succincte ; que selon la mention manuscrite figurant en haut
de page, elle ne parait concerner que l'exercice 2001, alors qu'elle a
été établie quelques jours avant l'assemblée
générale portant augmentation du capital social de la
Société ADM et il n'est produit aucune autre note de
contrôle en vue de cette assemblée ; que des chèques ont
été déclarés comme ayant été
émis au bénéfice du Trésor Public et d'un avocat
sans que le commissaire aux comptes ne vérifie les justificatifs ; que
Monsieur A... n'a procédé à aucune vérification des
comptes de l'exercice 2002 mais il n'a pas non plus effectué de
vérification et la société d'audit FIDEA a constaté
qu'il existait des écarts importants et des incohérences entre
les facturations et l'évaluation des encours, que n'étaient pas
justifiées d'une part les factures au titre du compte des fournisseurs
et d'autre part des créances au titre du compte clients ; que même
en retenant que Monsieur B... aurait pu commettre des malversations, Monsieur
A... ne peut pas en être tenu responsable et l'action pénale
engagée contre Monsieur B... est sans incidence sur les fautes
reprochées à Monsieur A... qui avait une mission de
contrôle, aucun sursis à statuer du fait de la situation
pénale de Monsieur B... n'a à être prononcé,
étant précisé que la décision de sursis à
statuer
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étant soumise à une appréciation et pouvant
ne pas être prononcée la demande est recevable devant la Cour ;
qu'ainsi, quel qu'ait été le comportement de Monsieur B...,
Monsieur A... a manqué à son obligation de contrôle
permanent ; qu'il a laissé les associés dans l'ignorance des
incohérences et des anomalies qu'il aurait dû constater sans
même avoir à faire des recherches approfondies ; que pour
s'exonérer de toute responsabilité, Monsieur A... invoque en vain
les fautes qui auraient été commises par les associés ;
qu'ainsi il met en cause Monsieur de Y... qui ne se serait pas aperçu de
l'augmentation des charges d'assurance alors qu'il est assureur ; mais que les
chiffres réels n'ont été mis à jour que par l'audit
réalisé en 2004 alors qu'ils auraient dû être
vérifiés par le commissaire aux comptes ; qu'il est
également fait grief à Monsieur de Y... de ne pas s'être
rendu compte que la prestation de service à la Société
ADMCO, filiale de ADM, n'avait pas été comptabilisée pour
un montant de 383. 000 € ; mais que cette vérification incombait au
commissaire aux comptes et il n'était pas de l'intérêt des
associés de procéder à une augmentation fictive des
résultats ; qu'il incombait à Monsieur A... de vérifier
les travaux en cours et de contrôler les chiffres présentés
par Monsieur B... sans qu'aucune tâche de cet ordre incombe aux
associés ; qu'il n'est pas reproché à Monsieur A... une
responsabilité dans les détournements par des émissions de
chèques falsifiés mais un défaut de contrôle de ces
paiements, il ne peut donc invoquer à ce titre la faute de la banque ou
d'un dirigeant de la société ; qu'en définitive, les
carences totales de Monsieur A... dans sa mission de contrôle permanent
n'ont pas permis aux associés de connaître la réelle
situation de la Société ADM ; qu'il leur appartient
d'établir que le manquement de Monsieur A... à ses obligations
leur a fait perdre une chance de vendre la société ; que si entre
juillet 2002 et janvier 2003 le Crédit Lyonnais a reçu cinq
acquéreurs potentiellement intéressés, aucun
élément du dossier ne vient démontrer que leur
renonciation à établir ou à poursuivre les
négociations d'achat aurait eu un lien quelconque avec les agissements
ou plutôt avec le manque de diligence du commissaire aux comptes dans
l'accomplissement de sa mission ; que les dossiers dont la communication
était demandée par des acquéreurs potentiels entre
février 2002 et juin 2003 ne pouvaient faire état que de la
situation connue à l'époque soit à un moment où les
dysfonctionnements n'apparaissaient pas ; que le candidat Monsieur C... qui a
renoncé à la négociation d'un protocole d'accord en
septembre 2003 ne pouvait se fonder que sur la situation financière de
la Société ADM telle qu'elle apparaissait après la rupture
de crédit du Crédit Lyonnais et à sa suite les autres
banques ; que les associés TESDEF-BAGUR ne peuvent donc pas imputer
l'échec de la cession de leurs parts sociales au profit de Monsieur C...
en septembre 2003 aux fautes commises par Monsieur A... puisque ces fautes ne
seront connues qu'en 2004 et que le
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mandataire ad hoc mentionnait dans son rapport que les
indicateurs d'alertes faisaient apparaître une situation saine sans grand
risque particulier ; que la renonciation de Monsieur C... ne peut pas avoir
été causée par des faits connus ultérieurement ;
que les associés TESDEF-BAGUR ne rapportent pas la preuve d'un lien de
causalité entre les fautes commises par Monsieur A... et la perte qu'ils
auraient subie et ce pour des motifs identiques à ceux concernant
l'apport en numéraires ;
ALORS, ENFIN, QUE la Cour d'appel a constaté qu'au titre
de l'exercice 2001, Monsieur A... a laissé les associés dans
l'ignorance des incohérences et des anomalies qu'il aurait dû
constater sans même avoir à faire des recherches approfondies
(arrêt, p. 8, 2ème paragraphe) et qu'au titre de l'année
2002, il n'avait fait aucune vérification (arrêt, p. 7,
6ème paragraphe) ; qu'en se bornant à relever que la renonciation
de Monsieur C..., cessionnaire potentiel des actions de la
Société ADM, n'a pu avoir été causée par les
manquements de Monsieur A... révélés ultérieurement
sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (conclusions
récapitulatives, p. 35 et s.), si la certification fautive des comptes
de l'exercice 2001 par Monsieur A..., associée à l'absence de
toute vérification au titre de l'année 2002, n'avaient pas fait
perdre aux associés de la Société ADM une chance de mettre
un terme au plus tôt aux malversations de Monsieur B... et, partant, de
vendre leurs actions dans les meilleures conditions financières
possibles, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de toute
base légale au regard de l'article 1382 du code civil.
Décision attaquée : Cour d'appel
de Poitiers du 4 mars 2009
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