Arrêt de la Cour de Cassation Française : Chambre
Commerciale 11 Février 2003
COMMISSAIRE AUX COMPTES. : DOMMAGE CERTAIN
Le : 08/09/2012
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du 11 février 2003
N° de pourvoi: 99-20139
Non publié au bulletin
Rejet
Président : M. DUMAS,
président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE
FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET
ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 septembre
1999), que le 13 juin 1994, M. X... et la SA KPMG Fiduciaire de France,
commissaires aux comptes de la société anonyme SPI,
société holding des sociétés du groupe
d'édition Y..., ont certifié les comptes de l'exercice clos le 31
décembre 1993 lesquels faisaient apparaître une situation nette
consolidée négative de 23,3 millions de francs ; que, selon
protocole du 10 janvier 1995, les sociétés Editions Albin Michel,
Infomedia et Maxi livres profrance se sont engagées à
procéder, directement ou par l'intermédiaire de la
société Florengeoise de Participation, à l'acquisition
d'actions de la société SPI ou à la souscription d'actions
nouvelles pour détenir à l'issue de ces opérations,
La responsabilité du commissaire aux
comptes
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directement ou par l'intermédiaire de leur holding, 75,5
% du capital de la société SPI ; qu'après audit
contradictoire des comptes consolidés de la société SPI et
expertise judiciaire réalisés après la signature du
protocole du 10 janvier 1995, il est apparu que la situation nette de la
société SPI était négative au 31 décembre
1993 de 74,77 millions de francs ; que les sociétés Editions
Albin Michel, Infomedia et Maxi livres profrance et la société en
nom collectif Florengeoise de participation dont elles étaient les
associés ont assigné les commissaires aux comptes en
réparation du préjudice résultant des fautes qu'ils
avaient commises dans la certification des comptes ; que la cour d'appel a
déclaré recevables les actions des sociétés
Editions Albin Michel, Infomedia et Maxi livres profrance, a
déclaré M. X... et la société KPMG Fiduciaire de
France responsables des conséquences financières dommageables
pour ces trois sociétés et la société Florengeoise
de participation résultant de la certification de la situation nette au
31 décembre 1993 de la société SPI et a rejeté la
demande tendant à ce que les sociétés Editions Albin
Michel, Infomedia, Maxi livres profrance et Florengeoise de participation
soient reconnues responsables de ces préjudices et avant dire droit, a
commis un expert pour évaluer le préjudice subi ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que les commissaires aux comptes font grief à
l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes tendant à
l'irrecevabilité de l'action des sociétés Editions Albin
Michel, Infomedia et Maxi livres profrance dirigées à leur
encontre alors, selon le moyen, que sauf exception prévue par la loi,
seules les personnes habilitées à représenter une personne
morale peuvent intenter une action en justice au nom de celle-ci ; qu'en
jugeant recevable l'action des sociétés Editions Albin Michel,
Infomédia et Maxi livres Profrance en ce qu'elle tendait, notamment,
à obtenir réparation du préjudice subi par la
société holding Florengeoise de participation dont elles
étaient les associées, la cour d'appel a violé les
articles 31 et 32 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les trois
sociétés Editions Albin Michel, Infomedia et Maxi livres
profrance qui ont investi dans la reprise du «groupe» Y... au travers
de la société Florengeoise de participation, transformée
en SNC, ont un intérêt légitime et direct à agir
à l'encontre des commissaires aux comptes responsables, selon elles, du
préjudice qu'elles ont subi dans cette opération tant au travers
de leur société holding que pour leur propre compte et que le
lien de causalité entre l'investissement auquel il a été
procédé au travers de la Société Florengeoise de
participation comme prévu à l'article 2.1 du protocole du 10
janvier 1995 et l'éventuelle faute commise par les commissaires aux
comptes ne peut être valablement contesté par ces derniers ; qu'en
constatant que les trois sociétés demandaient réparation
de leur préjudice consistant dans le surcoût financier et les
pertes que la société Florengeoise de participation et à
travers elle, les trois autres sociétés sont tenues de supporter
à cause d'une opération de reprise non conforme à ce
qu'elles avaient envisagé, la cour d'appel n'a pas méconnu les
dispositions des articles 31 et 32 du Code de procédure civile ; que le
moyen n'est pas fondé en sa première branche ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
La responsabilité du commissaire aux
comptes
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Attendu que les commissaires aux comptes font grief à
l'arrêt de les avoir condamnés à réparer le
préjudice subi et par le société Florengeoise de
participation et par ses trois associés alors, selon le moyen, que la
société holding Florengeoise de participation, en demandant et en
obtenant la réparation du préjudice qu'elle prétendait
avoir subi du fait de la faute des commissaires aux comptes, faisait
nécessairement disparaître le prétendu préjudice
subi par ces associés du fait de leurs investissements dans cette
société ; qu'en condamnant néanmoins les commissaires aux
comptes à réparer le préjudice subi, et par la
société Florengeoise de participation et par ses trois
associés, la cour d'appel l'a condamné réparer deux fois
le même préjudice et a ainsi violé l'article 1382 du Code
civil et le principe de la réparation intégrale ;
Mais attendu qu'en déclarant les commissaires aux comptes
responsables des conséquences financières dommageables pour les
quatre sociétés résultant de la certification des comptes
au 31 décembre 1993 de la société SPI, la cour d'appel
qui, contrairement à ce qu'il est soutenu, a ordonné une mesure
d'expertise pour déterminer le montant du préjudice subi par les
sociétés n'a pas condamné les commissaires aux comptes
à payer deux fois la même somme, l'une à la
société Florengeoise de participation, l'autre à ses
associés ; que le moyen manque en fait en sa deuxième branche
;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les commissaires aux comptes font encore le
même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen, que
l'acquisition des parts d'une société en état de cessation
des paiements imminente est, par nature, extrêmement risquée pour
des repreneurs qui se fondent sur des comptes certifiés datant de plus
d'une année et qui sont assortis de réserves ; qu'en
l'espèce, soit les repreneurs n'avaient pas conscience du risque qu'ils
couraient en rachetant les parts d'une société en état de
cessation des paiements imminente, et en leur qualité de professionnels
du monde des affaires et de l'édition, ils ont commis une faute qui a
concouru, au moins pour partie, à la réalisation de leur
préjudice, soit ils en avaient conscience, et la cour d'appel ne pouvait
pas, alors condamner les commissaires aux comptes à réparer
l'intégralité des conséquences dommageables d'un risque
qu'ils avaient sciemment couru ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a
violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'en retenant que les sociétés
avaient pris des garanties en proportion de la situation négative au 31
décembre 1993 de la société SPI certifiées par les
commissaires aux comptes et que ces prévisions ne se sont
trouvées remises en cause que du fait de l'inexactitude des dits comptes
dûment certifiés, la cour d'appel a pu décider que les
sociétés n'avaient commis aucune faute en se fondant sur le
rapport de certification des comptes lequel demeure un élément
déterminant pour décider, dans l'urgence, d'investir dans une
société en situation financière difficile ; d'où il
suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que les commissaires aux comptes reprochent encore
à l'arrêt d'avoir rejeté leur appel en garantie à
l'encontre des consorts Y... alors, selon le moyen, que si la
société KPMG
La responsabilité du commissaire aux
comptes
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a certifié les comptes du groupe Y... pour l'exercice
clôturé au 31 décembre 1993, comptes qui
présentaient une situation nette négative de 23,3 millions de
francs alors que celle-ci était en réalité de 74,77
millions de francs, c'est nécessairement que les comptes qui lui ont
été présentés par les consorts Y..., dirigeants du
groupe Y... étaient faux ; qu'en jugeant que ces dirigeants n'avaient
commis aucune faute identifiable envers les commissaires aux comptes, la cour
d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les consorts Y... n'ont commis
aucune faute à l'égard des commissaires aux comptes auxquels,
connaissant parfaitement en cette qualité les sociétés du
groupe Y..., il appartenait de vérifier les déclarations et
informations données par les dirigeants de ce «groupe» et en
constatant que les commissaires aux comptes avaient disposé de tous les
éléments nécessaires à leur mission, la cour
d'appel a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est
pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., la société KPMG fiduciaire de
France aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre
commerciale, financière et économique, et prononcé par M.
Métivet, conseiller le plus ancien qui en a
délibéré, en remplacement du président, en
l'audience publique du onze février deux mille trois.
Décision attaquée : cour d'appel
de Paris (5e chambre, section A) du 8 septembre 1999
Titrages et résumés : SOCIETE
ANONYME - Commissaire aux comptes - Responsabilité - Conditions de sa
recherche et de son fondement.
Textes appliqués :
· Code civil 1147 et 1382
La responsabilité du commissaire aux
comptes
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