Chapitre II -La responsabilité disciplinaire du
commissaire aux comptes
La troisième voie par laquelle, la
responsabilité du commissaire aux comptes peut être
recherchée pour des actes ou omissions commis dans l'exercice de leurs
fonctions est précisément la voie disciplinaire.
La responsabilité disciplinaire concerne les
manquements d'un professionnel aux règles d'honneur, de dignité
et de déontologie de sa profession, elle a été
instituée dans le but de la protection de la profession, et ceux qui
font appel à la collaboration de ces professionnels.1
Dans ce sens l'article 24 de la loi n° 15-89
2énonce que : « l'ordre des experts comptables, a
pour objet d'assurer la sauvegarde des principes et traditions de
moralité, de dignité et de probité qui font l'honneur de
la profession d'expert comptable, et de veiller au respect par ses membres des
lois, règlements et usages qui régissent l'exercice de la
profession... »
La soumission aux règles de discipline résulte
de lapplication d'une règle d'équilibre : tout droit a
pour corollaire une obligation.
Si un professionnel accepte de se soumettre à des
obligations disciplinaires, c'est par ce qu'il a des droits, et qu'il est tenu
à les défendre.
La responsabilité disciplinaire du commissaire aux
comptes, représente la réponse du système
déontologique d'expertise comptable, aux actes et omissions illicites
commises par le commissaire aux comptes, dans l'exercice de ses
missions.3
Membre d'une profession libérale, le commissaire aux
comptes, est tenu d'honorer la confiance placée en lui.4
1A. Sayag, Le commissariat aux comptes : Renforcement
ou dérive ?, Litec,1989 p 485
2 loi 15-89 réglementant la profession d'expert
comptable, et instituant un ordre des experts comptables,promulguée par
le dahir n° 1-92-139 du 14 Rejeb 1413,(8 janvier 1993), ( Bulletin
officiel n° 4188 du 11 chaabane 1413/( 3 février 1993
3 A. Robert, Responsabilité des commissaires
aux comptes, « Dalloz Référence », 2008, p 325
4 R.Monéger et T. Granier, Le Commissaire aux
comptes, Dalloz, 1995, p 198
La responsabilité du commissaire aux
comptes
107
Ceci passe par le respect de certaines règles de
conduite fixées par la loi réglementant profession d'expert
comptable, la loi sur la société anonyme, le code des devoirs
professionnels, et les normes professionnelles publiées, ce sont ces
textes qui définissent et garantissent l'ordre interne de ce groupe
social.1
Ces règles de conduite concernent notamment, l'exercice
de la profession, ainsi que les principes de dignité de probité
et de délicatesse.2
Dans ce sens, l'article 101 de la loi n°
15-893, protège le titre de l'expert comptable en
général, et du commissaire aux comptes en particulier, en
punissant celui qui sans être inscrit au tableau de l'ordre des experts
comptables, s'attribue publiquement et sans titre la qualification du
commissaire aux comptes et effectue ses missions, d'une peine d'emprisonnement
de 3 mois à 5 ans, et d'une amende de 1000 à 40000 DH ou de l'une
de ces deux peines seulement. Ainsi que des peines disciplinaires sont
prévues pour sanctionner les manquements des commissaires aux comptes
à leurs obligations professionnelles, ou aux principes de
dignité, de probité et de délicatesse, qui font la base de
la profession.
Avant de procéder à la définition et la
détermination des composants et contours de la responsabilité
disciplinaire du commissaire aux comptes, il convient de signaler une
distinction forte importante entre l'organisation professionnelle marocaine et
française.
En effet au Maroc, les commissaires aux comptes aussi bien que
les experts comptables sont soumis à un régime professionnel
disciplinaire commun, en ce sens que le commissariat aux comptes s'inscrit
parmi les missions de l'expert comptable, conformément aux dispositions
de l'article 1 de la loi n° 15-89 réglementant la profession
comptable, et organisant un ordre des experts comptables qui dispose :
« Est expert comptable celui qui fait profession
habituelle de réviser, d'apprécier et d'organiser les
comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas
lié par un contrat de travail, il est seul habilité à
:
... - exercer la mission de commissaire aux comptes.
»
Raison pour laquelle, les commissaires aux comptes sont soumis
à l'ordre des experts comptables.
1 R.Monéger et T. Granier, Le Commissaire aux
comptes, Dalloz, 1995,p 198
2 Z.Gallez, Le rôle du reviseur à
l'égard du conseil d'entreprise, Maklu, 2010, p 88
3loi 15-89 réglementant la profession d'expert
comptable, et instituant un ordre des experts comptables,promulguée par
le dahir n° 1-92-139 du 14 Rejeb 1413,(8 janvier 1993), ( Bulletin
officiel n° 4188 du 11 chaabane 1413/( 3 février 1993
La responsabilité du commissaire aux
comptes
108
Tandis qu'en France, les régimes régissant les
commissaires aux comptes et expert comptables sont dissociés, dans ce
contexte deux ordres sont institués l'un régissant la profession
de commissaire aux comptes et l'autre la profession d'expert comptable.
Cependant, dans le cadre de cette analyse de la
responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes, nous nous
intéresserons en premier lieu à l'examen des
particularités de cette responsabilité, pour ensuite traiter de
sa mise en oeuvre.
Section I : Les particularités de la
responsabilité disciplinaire du commissaire aux comptes
La discipline envisagée du point de vue du commissaire
aux comptes, désigne l'ensemble des règles adoptées pour
réprimer, par des moyens et des formes de police intérieure,
particulière, toute violation des devoirs professionnels, tout oubli des
lois de l'honneur, de la délicatesse et de la diligence
nécessaires à l'exercice de cette profession.1
La dignité, le pouvoir, les droits et les
privilèges des commissaires aux comptes, ne leurs sont donnés
qu'a cause du service qu'ils doivent rendre, ainsi le devoir
général de tous les commissaires aux comptes est de rendre ce
service en s'acquittant bien de leurs fonctions, or la violation de ces
devoirs, est susceptible d'engager leur responsabilité sous un aspect
disciplinaire.2
En effet, la responsabilité disciplinaire est
définie comme une sanction des devoirs moraux, il en résulte que
la première particularité de ce type de responsabilité est
qu'elle met en exergue la morale.
Tout agissement contraire à l'honneur, à la
probité et à la dignité, même s'il ne serait pas
réprimé par des juridictions civiles ou pénales, pourra
être sanctionné par la réglementation de la profession dans
le cadre de la défense de l'honneur et l'image de
celle-ci.3
1 H. Eloy, De la responsabilité des
notaires : d'après les lois, la doctrine, la jurisprudence et
les circulaires ministérielles, Volume 2, Durand, 1863, p 390
2 A. Robert, Responsabilité des commissaires
aux comptes, « Dalloz Référence », 2008, p 328
3 H. Ramadan, le fonctionnement de la justice dans les
pays en voie de développement : cas de la Mauritanie, l'harmattan, 2011,
p 457
La responsabilité du commissaire aux
comptes
109
Cependant, pour mieux apprécier les
particularités de la responsabilité disciplinaire, il serait plus
judicieux, de procéder à une comparaison avec les autres aspects
de responsabilité notamment civile et pénale.
Il s'ensuit qu'on s'intéressera au début,
à une comparaison entre la responsabilité disciplinaire et
civile, pour ensuite distinguer entre l'aspect disciplinaire et
pénal.
§ /I La responsabilité disciplinaire et la
responsabilité civile
La responsabilité disciplinaire est totalement
différente de la responsabilité civile, aussi bien au niveau des
sujets, qu'au niveau de la nature.1
Pour le commissaire aux comptes, la responsabilité
disciplinaire relève de son appartenance à l'ordre. Il n'y a pas
de rapport avec sa responsabilité civile délictuelle ou
contractuelle.
En effet, les obligations du commissaire aux comptes, à
l'égard de l'ordre dont il dépend, ne naissent pas d'un contrat,
mais découlent plutôt de son appartenance à une profession
réglementée.2
Ainsi, la responsabilité civile a pour objet la
réparation du préjudice subi par la société ou les
tiers suite au comportement fautif du commissaire aux comptes.
Cette réparation à un caractère
indemnitaire.
En revanche la responsabilité disciplinaire a un pour
objectif, la prévention et la protection de la profession du commissaire
contre tout agissement de l'un de ses membres de nature à porter au
corps professionnel.3
La responsabilité disciplinaire a un caractère
répressif.
La responsabilité disciplinaire, ne donne pas lieu,
à des dommages-intérêts mais à des sanctions
disciplinaires, qui n'affectent ni la liberté ni le patrimoine du
professionnel, et restent limitées dans leurs effets, au seul exercice
de la profession. 4
Conséquemment, il y a une différence
fondamentale entre ces deux types de responsabilité : elles sont
strictement indépendantes l'une de l'autre.
1 P. Bouisseret, Loi de ventose rénovée,
Larcier, 2003,p 74
2 M. Camara, L'essentiel de l'audit comptable et
financier, L'Harmattan, 2009, p67
3 A. Sayag, le commissariat aux comptes : renforcement
ou dérive ?, Litec, 1989, p 483 4J. Poulpiquet,
Responsabilité des notaires, Dalloz, 2009, p 136
La responsabilité du commissaire aux
comptes
110
Un autre aspect de distinction se manifeste également
dans les conditions de mise en oeuvre des actions en responsabilité.
Ainsi, si en matière de responsabilité civile,
la mise en oeuvre de l'action nécessite une trilogie de conditions
:faute, dommage, lien de causalité ; dans le cadre de la
responsabilité disciplinaire une faute du commissaire aux comptes
suffit.1
Enfin il convient de souligner que l'action civile, est
strictement dissociée de l'action disciplinaire.
Ainsi il n'y a pas d'autorité de la chose jugée
au disciplinaire sur le civil et au civil sur le disciplinaire.
Un commissaire aux comptes mis hors de cause par une
juridiction disciplinaire pourra être condamné pour les même
faits, par un tribunal civil et réciproquement.
Par ailleurs, si la responsabilité disciplinaire est
nettement opposée à la responsabilité civile, elle partage
néanmoins certains caractères avec la responsabilité
pénale.2
|