§ II : l'extinction de l'action :
La responsabilité du commissaire aux comptes peut
s'éteindre de différentes manières, il en ira ainsi par
exemple si une décision judiciaire dotée de la force de la chose
jugée a rejette une action en dommages et intérêts.
1Il est également possible que le commissaire aux comptes et
les personnes préjudiciées, que ce soit la société
qui l'a désigné ou un tiers, mettent fin a leur litige sur la
responsabilité par la conclusion d'une transaction par laquelle ils se
font des concessions réciproques. Ces modes d'extinction de la
responsabilité du commissaire aux comptes ne seront pas traites ici car
il s'agit ni plus ni moins que l'application du droit commun.2
Nous nous intéresserons donc à l'étude de
deux hypothèses essentielles : la prescription et le quitus.
A) La prescription :
La loi n° 17-95 3relative à la
société anonyme, a modifié la prescription du droit commun
en profondeur. Cette loi prévoit pour toutes les actions en
responsabilité contre les commissaires aux comptes, par le biais de
l'article 181, une prescription de 5 ans au lieu de 15 ans prévue par
l'article 387 du D.O.C.
Les règles de prescription, ont été
prévues explicitement par le législateur marocain, dans le cadre
de la loi n° 17-95 relative à la société anonyme a
travers l'article 181 qui dispose :
« Les actions en responsabilité contre les
commissaires aux comptes se prescrivent par cinq ans à compter du fait
dommageable ou s'il a été dissimulé de sa
révélation ».
Ainsi il découle des dispositions prévues par
l'article 181 que le délai de prescription est conditionné par
deux hypothèses essentielles subordonnées au fait dommageable, il
s'agit :
- Si le fait dommageable n'a pas été
dissimulé, la prescription quinquennale court à compter du fait
dommageable
1 1 C. Mélotte, La responsabilité des professions
juridiques, Kluwer, 2006, p 25
2 B . Dubuisson, La Responsabilité Civile :
Chronique de jurisprudence, Larcier, p 567
3 Loi 17-95 relative à la
société anonyme, promulguée par le dahir n° 196-124
du 14 rabii 1417 ( 30 aout 1996) telle qu'elle a été
modifiée et complétée par la loi n° 20-05
promulguée par le dahir n° 1-08-18 du 17 Joumada 1429 ( 23 mai
2008), (BO n° 5640 du jeudi 19 juin 2008)
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comptes
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- Si le fait dommageable a été dissimulé, la
prescription quinquennale ne court qu'a compter de la révélation
du fait dommageable.
En fait, la fixation du point de départ du délai
de prescription, a créé une controverse aussi bien doctrinale,
que jurisprudentielle.1
Ainsi, il en résulte, que le critère essentiel
qui permet de distinguer entre ces deux hypothèses est la dissimulation
ou son absence.
Dans ce contexte, on entend par dissimulation, « le fait
de cacher, ce que l'on doit révéler », c'est un comportement
qui peut être constitutif de dol, de fraude, de recel, de
complicité, cet acte implique donc qu'il soit intentionnel, toutefois,
il doit être prouvé par le demandeur à l'action.
2
Or par rapport au commissaire aux comptes, la dissimulation
doit consister dans le fait ne pas révéler à
l'assemblée générale, les anomalies qu'il a
détectées dans le cadre de l'exercice de ses fonctions.
3
En revanche, à défaut de dissimulation, le
délai de prescription commence à courir a partir du moment de la
réalisation du fait dommageable, il s'agit d'une application stricte de
la loi, toutefois le jour du dépôt des certifications marque le
début du délai.4
Cependant par rapport au droit comparé, et notamment
français, il est à signaler une différence relative
à la durée du délai de prescription qui est triennal.
Ce délai de prescription qui est très court est
destiné en premier lieu, à limiter une longue période
d'incertitude, dans laquelle les commissaires aux comptes, pourraient
être exposés à une action en responsabilité
introduite par la société, ou les tiers, en plus soustraire d'un
point de vue temporel la responsabilité des commissaires aux comptes,
sert à encourager l'initiative d'entreprendre, malgré la
sévérité des responsabilités encourues.
Toutefois, pour mieux cerner cette question de prescription,
il serait plus instructif de l'illustrer par un cas de jurisprudence, notamment
française vu qu'on constate une pénurie de la jurisprudence
marocaine en ce domaine, dont la cause essentielle relève du coté
législatif, qui rend difficile toute poursuite contre le commissaire
aussi bien dans le cadre civil que pénal voire même
disciplinaire.
1 1 A. Robert, Responsabilité des commissaires aux
comptes, « Dalloz Référence »,2008, p 108
2 A.Tonye, Epargnants d'afrique, Inquietez vous ,
L'harmattan, 2009, p 87
33 J. Monéger et T. Granier, Le Commissaire aux
comptes, Dalloz, 1995, p 164
4A. Sayag, le commissariat aux comptes : renforcement
ou dérive, Litec,1989, p 440
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comptes
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Dans ce contexte la cour de cassation française a rendu
un arrêt le 17 décembre 2002, dans lequel, elle a
considéré que la négligence ne peut être
assimilée à une dissimulation du fait dommageable, et en
conséquence la responsabilité du commissaire aux comptes ne peut
être retenue puisque l'action est déjà prescrite :1
« Mais attendu que l'arrêt retient que si le
fait dommageable invoqué à l'encontre de M. X... ne peut
résulter que de la certification des comptes à laquelle celui-ci
a procédé et que si l'insuffisance de diligences et de
contrôles imputés par la société appelante au
commissaire aux comptes constituerait, si elle était établie, une
faute engageant sa responsabilité, les négligences, de la nature
de celles qui sont invoquées, ne sauraient à elles seules
être regardées comme une dissimulation, laquelle implique la
volonté du commissaire aux comptes de cacher des faits dont il a
connaissance par la certification des comptes ; qu'il ajoute qu'il n'est
d'aucune façon démontré par la société
Translab que M. X... ait eu connaissance de détournements commis par le
dirigeant social, M. Y..., à son avantage ou à celui de la
société Avio ou d'irrégularités comptables qu'il
aurait dissimulées ; qu'en l'état de ces constatations et
énonciations, la cour d'appel qui a légalement justifié sa
décision, a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le
moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches »
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