2- Le cadre historique du commissaire aux comptes :
En fait, le contrôle des premières
sociétés commerciales ne s'est pas d'abord effectué par un
organe légal de contrôle, mais il a subi, depuis son origine, une
longue évolution historique qui s'est conclue notamment par
l'institution du commissariat aux comptes.1
En France par exemple, les dirigeants de
sociétés n'ont pas cédé facilement aux
réclamations des différentes parties comme les actionnaires et
les créanciers, destinées à assurer un contrôle
effectif des comptes et une certaine crédibilité.
Ainsi la loi de 1856 relative aux sociétés en
commandite par action, institua le contrôle de la société
par un conseil de surveillance, celui- ci qui n'a rien de commun avec le
conseil de surveillance organe de direction de la société
anonyme, ne représentait pas du reste une innovation, étant
donné que ses membres étaient soigneusement choisis par les
dirigeants.2
Les membres du directoire agissaient au nom des mêmes
intérêts de ceux qui exerçaient la direction de la
société. Cependant ce système a rapidement
révélé son inefficacité pratique, raison pour
laquelle le pouvoir de contrôle a été attribué au
commissaire aux comptes.
L'institution du commissariat aux comptes, est apparue pour la
première fois en France, dans le cadre de la loi du 23 mai 1863 sur les
sociétés à responsabilité limité , qui fit
obligation, aux sociétés par actions de désigner un ou
deux commissaires, associés ou non par la suite appelés
commissaires de surveillance, ou commissaires de sociétés. Ces
derniers, qui avaient le droit selon le texte « toutes les fois qu'ils
jugent convenable dans l'intérêt social, de prendre communication
des livres, d'examiner les opérations de la société, et de
convoquer l'assemblée générale »,en
réalité n'ont pas exercé de véritable
contrôle malgré qu'il était permanent, leur intervention
était plus ou moins fictive, et consister seulement dans la
vérification du bilan et des comptes, présentés par les
administrateurs, dans le cadre d'un rapport.3
Par ailleurs, dans la loi du 24 juillet 1867,
réglementant la société anonyme, le rôle et les
exigences relatives à la désignation du commissaire aux comptes
ont connu une restriction importante, par conséquent aucune condition de
formation ni d'honorabilité n'était exigée
1V. Tsapi. , Les implications économiques,
comptables et fiscales dans le système Ohada, 2009, p 135
2SEP, Journal des économistes, Guillaumin, 1861, p 316
3L. Tripier, Commentaire sur la loi du 23 mai 1863 sur les
sociétés à responsabilité limité,1863, p
150
La responsabilité du commissaire aux
comptes
6
s'agissant de la nomination des commissaires aux comptes, le
contrôle effectué est devenu trimestriel, alors qu'il était
permanent dans le cadre de la loi précitée, d'autant plus qu'ils
étaient mal rémunérés et ne jouissaient d'aucune
indépendance.1
Cependant, devant la multiplication des abus et des scandales
financiers lors de la crise de 1929, en plus de l'inefficacité du
contrôle, l'incompétence et le manque d'indépendance du
commissaire aux comptes à l'égard des dirigeants, voire
même un déclin de la profession du commissariat aux comptes, le
législateur français promulgua un décret-loi le 8
août 1935, dans lequel, les considérations liées à
la protection des actionnaires et épargnants furent prises en compte, en
plus les incompatibilités destinées à garantir
l'indépendance du commissaire aux comptes à l'égard de la
société et de ses dirigeants furent édictées, or
malheureusement, cette bonne initiative fut mal
appliquée.2
Par la suite, la loi du 24 juillet 1966 constitue une
étape fondamentale dans l'évolution du commissariat aux comptes.
Ceux-ci sont désormais obligatoirement nommés pour une
durée de 3 ans, et ne peuvent être révoqués que pour
justes motifs.3
En effet cette loi, leur confère de larges pouvoirs
d'investigation aux commissaires aux comptes, tout en assurant leur
indépendance et leur autorité à l'égard des
dirigeants de la société .
Cependant sur le plan national, le régime légal
de la profession du commissariat aux comptes, trouve en effet sa place dans le
droit des sociétés et le plus précisément dans le
droit des sociétés anonymes.
La législation marocaine sur la société
anonyme, résultait auparavant du dahir du 11 août 1922
régissant les sociétés anonymes, qui n'a fait qu'a
appliqué à lettre la loi française de 1867, celle-ci fut
simplement et purement annexée au dit dahir. 4
L'article premier de ce dahir énonce en effet :
«Les sociétés anonymes et les
sociétés en commandite par actions ne peuvent se former que dans
les conditions prévues par la loi française du 24 Juillet 1867,
modifiée par les lois des 1er Août 1893, 16 Novembre 1903, 22
Novembre 1913 et 2 Mars 1943. Elles sont régies également par les
dispositions de la dite loi pour tout ce qui touche leur fonctionnement et leur
dissolution...»
1E. Bertin, Audit interne : enjeux et pratique
à l'international, Eyrolles, 2007, p15
2 C. Hannoun, Le contrôle des entreprises :
evlution et perspectives, L'Harmattan, 2007, p144 3D.Jongbloed, EURL
-SARL A CAPITAL VARIABLE, Jongbloed Dominique,2006, p 114
4 A.Idrissi, Le commissariat aux comptes au Maroc,
« Gestion et société » revue trimestrielle,
publiée par l'ISCAE, 1979 p 36
La responsabilité du commissaire aux
comptes
7
En vertu de ce dahir et comme c'était le cas
évidemment en France, aucune condition de compétence ou
d'incompatibilité, n'était prévue, en ce qui concerne la
nomination du commissaire aux comptes, sa mission était limitée
à la préparation d'un rapport annuel destiné à
l'assemblée des actionnaires, tandis que sa responsabilité civile
en vertu de l'article 43 du dit dahir était fixée par les
règles générales du mandat, il en résulté
qu'a cette époque, la responsabilité civile du commissaire aux
comptes était de nature contractuelle.
Cependant cette loi conservait ces imperfections, jusqu' au
1990. Bien qu'elle ne stipulait aucune restriction concernant la
nationalité du commissaire aux comptes, (marocains ou étrangers
pouvaient exercer cette activité).
Par ailleurs, le Maroc recouvre son indépendance en
1956. Des changements structurels s'ensuivent. On peut repérer trois
phases distinctes. La première s'étend jusqu'à la fin des
années 1966, son trait marquant est les conditions de nomination, et les
incompatibilités prévues à l'égard du commissaire
aux comptes, La seconde, au tournant des années 1993, correspond
à une politique d'ouverture du pays et de réforme de la
profession comptable. La troisième phase est dominée par la
modification du droit des sociétés en 1996.
Ainsi il convient de signaler, que pour la première
fois dans l'histoire de la législation marocaine sur les
sociétés, 1le décret royal portant loi n°
195-66 du 7 Rejeb 1386, 22 Octobre 1966 sur les sociétés
d'investissement, énonce des conditions pour la désignation des
commissaires aux comptes y compris des règles d'incompatibilités,
dans les sociétés d'investissement, celles-ci doivent
obligatoirement revêtir la forme de société anonyme, et
sont soumises aux dispositions du dahir de 1922, sauf sur les points où
le décret-royal du 22 Octobre 1966 a édicté des
dispositions dérogatoires au droit commun des sociétés
anonymes.
Le 8 janvier 1993, le dahir 1-92-139 vient promulguer la loi
n°15-892, réglementant la profession d'expert comptable
et instituant un ordre des experts comptables. Cette loi définit dans
son premier article l'expert comptable comme étant : « ...celui qui
fait profession habituelle de réviser, d'apprécier et d'organiser
la comptabilité des entreprises auxquels il n'est pas lié par un
contrat de travail » Mais cette loi vient surtout créer le monopole
des experts comptables, en indiquant que l'expert comptable est le seul
habilité à exercer la mission de commissaire aux
comptes.3
1 A. Midaoui, Les entreprises publiques au Maroc et
leur participation au développement, -impression Afrique-Orient, 1981, p
387
2loi 15-89 réglementant la profession d'expert
comptable, et instituant un ordre des experts comptables,promulguée par
le dahir n° 1-92-139 du 14 Rejeb 1413,(8 janvier 1993), ( Bulletin
officiel n° 4188 du 11 chaabane 1413/( 3 février 1993
3 M. Harakat, les finances publiques et les
impératifs de la performance : le cas du Maroc, L'Harmattan, 2011, p
205
La responsabilité du commissaire aux
comptes
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Cependant, c'est la loi n° 17-95 1relative
à la société anonyme qui révolutionne la profession
du commissaire aux comptes, en effet ce dahir a introduit une profonde mutation
destinée à la perfection de son action. Deux voies furent suivies
par le législateur à cet effet. D'une part la mission du
commissaire aux comptes d'origine contractuelle, est étendue et devient
légale et permanente, et la durée de leurs fonctions passe de 1
à 3 exercices. D'autre part au-delà du simple contrôle des
comptes, un engament personnel du commissaire sur leur régularité
et leur sincérité doit être exprimé au travers la
certification. Son indépendance est désormais assurée en
introduisant un ensemble rigoureux d'incompatibilités et
d'interdictions, sans oublier l'obligation d'inscription à liste
d'experts comptables. D'ailleurs il convient de signaler le renforcement de
tous les aspects de sa responsabilité aussi bien, civile, pénale
que disciplinaire.2
Enfin, il convient de signaler les amendements apportés
par la loi n° 20-05 sur la loi n° 17-95 relative à la
société anonyme, s'agissant du commissaire aux comptes, et qui
ont été destinées au renforcement de l'indépendance
du contrôleur légal.
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