II- L'importance
Au terme de cette analyse historique, de l'évolution du
commissaire aux comptes aussi bien en France qu'au Maroc, il
serait facile de déduire à l'évidence, d'un point de vue
historique, que la profession du commissariat aux comptes a connu de grandes
mutations, tant au niveau du système pris dans son ensemble qu'au niveau
spécifique des dispositifs mis en oeuvre pour assurer sa
viabilité et son efficacité. Or cette efficacité ne peut
résulter que du caractère essentiel, du contrôle
exercé par le commissaire, et qui a été souligné
lors de l'examen de l'expansion de ses missions. A l'origine et comme l'indique
son nom d'ailleurs, le commissaire aux comptes était principalement
chargé de vérifier les comptes de l'exercice.3
En effet au-delà de son utilité évidente
pour les dirigeants, le contrôle légal présente un grand
intérêt d'abord pour la société, mais
également pour ses membres, qu'ils soient des actionnaires, des
salariés, ainsi que les tiers qui peuvent consister en fournisseurs,
épargnants, clients. La nature fondamentale de contrôle tient
aussi à ses caractères. 4
Ainsi Pour réussir ses ambitions et continuer à
exister, la société doit arriver à harmoniser les
intérêts, ce qui exige un système de contrôle dont
l'objectif est de réduire l'attitude opportuniste des dirigeants.
1 Loi 17-95 relative à la société
anonyme, promulguée par le dahir n° 196-124 du 14 rabii 1417 ( 30
aout 1996) telle qu'elle a été modifiée et
complétée par la loi n° 20-05 promulguée par le dahir
n° 1-08-18 du 17 Joumada 1429 ( 23 mai 2008), (BO n° 5640 du jeudi 19
juin 2008)
2 M. Ouhannou, Le Commissaire aux comptes au Maroc,
Sijelmassa,2010, p 18
3 M. Letaief, L'etat et les entreprises publiques en
Tunisie : Les mutations de contrôle, L'Harmattan, 1998,p 369
4 OECD, Le contrôle de la solvabilité des
compagnies d'assurance, OECD Publishing, p 49
La responsabilité du commissaire aux
comptes
9
Ce système de contrôle reste le seul moyen
permettant d'observer les actes des dirigeants, en plus il va permettre aux
différents intéressés de s'informer sur la performance de
la société et sa capacité à honorer ses
engagements. Elle constitue aussi bien pour les actionnaires que pour les
créanciers un moyen qui témoigne de la qualité de la
gestion du dirigeant et de la capacité de l'entreprise à
régler ses dettes.1
Le rôle dévolu au commissaire aux comptes est
justement de protéger la société dans son ensemble, en
certifiant les comptes et en donnant une image fidèle des entités
contrôlées. En bref, asseoir et renforcer la confiance, instaurer
la fiabilité de l'information économique et financière,
sans lesquels tout système est menacé d'écroulement.
Le commissaire aux comptes est une institution essentielle du
contrôle dans les sociétés et organismes
économiques. Il est le contrôleur des comptes. Il s'assure du
respect de la légalité. Il est le garant institutionnel des
intérêts mis en cause par la gestion des dirigeants. Il est le
membre d'une profession libérale sous tutelle
étatique.2
Ainsi le commissaire aux comptes est un organe indispensable
au droit des affaires, dont l'intérêt et l'utilité
s'apprécie à travers les finalités de ses interventions et
missions.3
La finalité première de l'intervention du
commissaire aux comptes, est de confirmer la fiabilité de l'information
que les dirigeants adressent aux actionnaires. Il n'agit pas comme un censeur
qui approuve ou condamne. Son but est de contribuer au bon fonctionnement des
mécanismes d'information et de contrôle au sein des entreprises et
par là, il se place d'abord au service de la société, Il
occupe une position centrale dans ce qu'il est convenu d'appeler le
gouvernement d'entreprise4 (également connu sous la dénomination
anglaise de « corporate governance »).5
Dans un monde complexe où les exigences d'informations
s'étendent sans cesse, le commissaire aux comptes, apporte autant que
possible la sécurité dans l'information financière
publiée par l'entreprise.
Par ailleurs, l'intervention du commissaire aux comptes,
constitue également une garantie de l'intérêt
général, en effet les comptes annuels d'une société
sont aussi destinés à des personnes qui ne sont ni ses
dirigeants, ni ses actionnaires. On pense alors aux membres
1 E. Mandzilla, La gouvernance de l'entreprise : une
approche par l'audit et le contrôle interne, L'Harmattan, 2006, p 204
2 2 R.Monéger et T. Granier, Le Commissaire aux comptes,
Dalloz, 1995,p 17
3 A. Sayag, le commissariat aux comptes : renforcement ou
dérive ?, Litec, 1989, p 36
4 Tsapi. V, Les implications économiques,
comptables et fiscales dans le système Ohada, 2009, p 140
5 M. Mouthieu, L'interet social en droit des
sociétés, L'Harmattan, 2009, p 263
La responsabilité du commissaire aux
comptes
10
de son personnel, aux banquiers, fournisseurs ou clients,
investisseurs et futurs partenaires ainsi qu'aux autorités publiques et
notamment fiscales.1
Tous ceux qui consultent ces comptes annuels ont droit
à la sécurité découlant de la révision des
comptes, le commissaire aux comptes ne participe pas à
l'élaboration des comptes, il peut exprimer à leur sujet
l'opinion objective d'un professionnel totalement extérieur aux
préoccupations des gestionnaires.
Conséquemment, c'est ce contrôle et
révision des comptes qui expliquent la confiance que les
différents intéressés lui accordent.2
Les commissaires aux comptes sont des professionnelles,
chargés de contrôler les comptes de la société, de
la certifier, et plus généralement de réduire toute
incertitude et de vérifier que la vie sociale se déroule dans des
conditions régulières.3
Dans l'environnement économique actuel, le
contrôle revêt une importance fondamentale pour la
société, le commissaire aux comptes, et plus largement pour les
tiers.4
Les récents scandales financiers ont d'ailleurs
clairement souligné les conséquences néfastes que
pouvaient avoir des manquements dans ce domaine.
Malgré son importance incontestée, la notion de
contrôle n'est pas uniformément
définie.
En général, le contrôle est un concept
abstrait qui peut être interprété de diverses
manières.
Il en existe donc une multitude de définitions.
Dans le vocabulaire du Doyen Cornu, on retrouve les trois sens
: vérification, maîtrise et surveillance, les deux derniers ayant
des applications particulières en droit des sociétés.
Ces deux appréhensions de la notion de contrôle
ne sont pas aussi indépendantes l'une de l'autre qu'elles peuvent le
paraître. On ne peut pas les dissocier totalement car elles peuvent
s'influencer réciproquement. Celui qui dispose du contrôle
maîtrise, c'est en principe, les actionnaires majoritaires et donc les
organes qu'ils désignent, disposent finalement du pouvoir de diriger les
affaires sociales. Ce pouvoir peut être plus ou moins absolu en fonction
de l'importance des capitaux détenus et des alliances qui peuvent
exister entre les différents actionnaires. Par ailleurs, les organes
chargés classiquement du contrôle-surveillance, sont
1 M. Ouhannou, Le Commissaire aux comptes au Maroc,
Sijelmassa,2010, p 20
2 A. Sayag, le commissariat aux comptes : renforcement
ou dérive ?, Litec, 1989, p 200
3 E. Genaivre, Ethique et gouvernance d'entreprise en
France, Publibook, 2006, p 67
4 M. Ouhannou, Le Commissaire aux comptes au Maroc,
Sijelmassa,2010, p 22
La responsabilité du commissaire aux
comptes
11
également les élus de l'assemblée
générale. Par conséquent, les organes de surveillance
émanent du cercle des contrôlaires, qui sont ceux qui finalement
dirigent la société, par le biais des organes de gestion, puisque
ce sont les actionnaires majoritaires qui vont désigner ces
organes.1
La société anonyme connait principalement deux
organes de contrôle. Il s'agit du conseil d'administration ou de
surveillance et le commissaire aux comptes.
Le conseil d'administration ou le conseil de surveillance
effectuent en réalité un exercice classique du contrôle
dont l'efficacité parait être limitée, pour deux types de
raisons liées à leur composition et au cumul de fonctions qu'ils
pratiquent .2
Tandis que s'agissant du commissaire aux comptes, celui-ci
assure un contrôle légal destiné à assurer la
fiabilité de l'information financière et par la même de
concourir à la sécurité de la vie économique et
sociale, tant pour les besoins de gestion et d'analyse interne à
l'entreprise que pour les besoins de l'ensemble des partenaires ou les tiers
intéressés par celle-ci. 3
En réalité, on peut d'ores et déjà
dire que le contrôle effectué par le commissaire aux comptes
présente différents caractères : il est global, en ce sens
qu'il n'est plus limité à celui des comptes, mais touche la
régularité des actes qui ponctuent la vie juridique de la
société, il est donc comptable financier et juridique. En plus il
est impératif, dans la mesure où les personnes morales de droit
privé, dont les sociétés anonymes, assujetties par la loi
au contrôle d'un ou de deux commissaires aux comptes ne sauraient
empêcher ces derniers de remplir leur mission, l'entrave à
l'exercice des missions étant pénalement sanctionnée.
4
Le contrôle est permanent : il découle
d'après les dispositions de l'article 166 de la loi n° 17-95
5sur la société anonyme que, le commissaire peut
intervenir à tout moment pour mener ses investigations, ainsi qu'il peut
effectuer toutes vérifications et contrôles qu'il juge opportuns,
et peut se faire communiquer sur place toutes les pièces qu'il estime
utile à l'exercice de sa mission et notamment tous contrats, livres,
documents comptables et registres de procès-verbaux.6
1 M. Letaief, L'etat et les entreprises publiques en
Tunisie : Les mutations de contrôle, L'Harmattan, 1998,p 37
2 OECD, Le contrôle de la solvabilité des
compagnies d'assurance, OECD Publishing, p 50
3 A. Diyeye, La responsabilité du commissaire
aux comptes dans L'OHADA, SPECIAL REPORT : The Certified Aquanted- 4th quarter
2005, p 2
4 R.Monéger et T. Granier, Le Commissaire aux
comptes, Dalloz, 1995,p 18
5 Loi 17-95 relative à la société
anonyme, promulguée par le dahir n° 196-124 du 14 rabii 1417 ( 30
aout 1996) telle qu'elle a été modifiée et
complétée par la loi n° 20-05 promulguée par le dahir
n° 1-08-18 du 17 Joumada 1429 ( 23 mai 2008), (BO n° 5640 du jeudi 19
juin 2008)
6 A. Yahia, Le regime juridique des dividendes,
L'Harmattan, 2010, p 466
La responsabilité du commissaire aux
comptes
12
Enfin le contrôle doit être objectif, en ce sens,
qu'il doit préserver les intérêts de toutes les parties,
ainsi son opinion doit être indépendante et impartiale, de
manière à rechercher de façon objective la
réalité économique, sans agir dans l'intérêt
particulier de telle ou telle catégorie de personnes
intéressées : actionnaires, dirigeants, administrations
publiques.1
Cependant, compte tenu de la volonté étatique,
de préserver toute source d'investissement, le commissaire aux comptes
est devenu un contrôleur de la légalité dans les
entreprises. 2
En effet sa mission n'est plus limitée au domaine de la
comptabilité, mais désormais il doit émettre un rapport ou
il doit certifier que les états de synthèse répondent aux
qualifications légales de régularité, de
sincérité et d'image fidèle.3
Mais avant d'établir ce rapport, et en dehors de toute
immixtion, il doit s'assurer d'abord qu'il y a respect des dispositions
légales, en ce sens il doit s'assurer du principe
d'égalité entre actionnaires, révéler tout fait
délictueux auprès de l'assemblée générale,
apprécier la régularité des conventions passées
avec les dirigeants, et enfin attirer l'attention des dirigeants sur tout faits
de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de
l'entreprise.4
Par ailleurs, il convient de signaler que le commissaire aux
comptes exerce une profession libérale, en effet ce caractère
autonome est une conséquence, qui résulte du fait qu'il demeure
avant tout un expert comptable, conformément aux dispositions des
articles 1 et 4 de la loi n° 15-89 règlement la profession
d'expertise comptable, qui prévoient que le commissariat aux comptes est
une fonction qui s'inscrit parmi les missions de l'expert comptable, et que ce
dernier exerce en dehors de tout contrat de travail, une profession
indépendante.5
Le commissaire aux comptes qui fait publiquement rapport sur
les comptes annuels confère donc une plus grande
crédibilité aux documents produits par les dirigeants de
lentreprise. Ce supplément de crédibilité
découle de sa position d'indépendance par rapport aux
gestionnaires et de la responsabilité qu'il assume en sa qualité
de professionnel. Dans un
1 R.Monéger et T. Granier, Le Commissaire aux
comptes, Dalloz, 1995,p 20
2 M. Mouthieu, L'interet social en droit des
sociétés, L'Harmattan, 2009, p 52
3 J.Renard, Théorie et pratique de l'audit
interne, Eyrolles, 2010, p 80
4 S. Guérard, Regards croisés sur
l'économie mixte, L'harmattan, 2006, p 387
5 M.Ouhannou, Le Commissaire aux comptes au Maroc,
Sijelmassa,2010, p 70
La responsabilité du commissaire aux
comptes
13
tel contexte, il va de soi que la question de la
responsabilité est centrale par rapport au rôle social du
commissaire aux comptes. 1
En effet la responsabilité est la colonne
vertébrale de tout ordre juridique. Elle est une condition de la
juridicité d'un système donné.
La responsabilité est au coeur de notre droit, comme
elle est au fondement des rapports humains. 2
Le terme de responsabilité est tiré du latin
« responsus », participe passé de répondre, qui
signifie « se porter garant répondre ». La
responsabilité représente donc « l'obligation de
répondre d'un dommage devant la justice et d'en assumer les
conséquences civiles, pénales, disciplinaires... soit envers la
victime, soit envers la société... ».3
S'agissant du commissaire aux comptes, la loi 17-95
4relative à la société anonyme, et la loi
n° 15-89 5réglementant la profession d'expert comptable
ont instauré un nombre de mesures visant à assurer le
déroulement de la mission de commissariat aux comptes dans des
conditions de crédibilité et de sécurité
optimales.6
Le non respect par le commissaire aux comptes de ces mesures
pourrait être susceptible d'engager sa responsabilité. Le
commissaire aux comptes est responsable, tant à l'égard de la
société que des tiers, des conséquences dommageables des
fautes et négligences commises par lui, dans l'exercice de ses
fonctions. 7
- L'intérêt du sujet
En réalité, l'étude de la
responsabilité du commissaire aux comptes présente un
intérêt aussi bien sur le plan théorique que pratique.
Tout d'abord d'un point de vue théorique, et d'une
manière générale, aucune institution du droit n'a connu un
développement comparable à celui de la responsabilité.
Le
1 N. Gharbi, Le contrôle fiscal des prix de
transfert, L'Harmattan,2005, p 105
2 H. Watrin, De la Responsabilité civile,
thèse de doctorat, Paris, 1873, p 7
3 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri
Capitant , PUF, p 789
4Loi 17-95 relative à la société anonyme,
promulguée par le dahir n° 196-124 du 14 rabii 1417 ( 30 aout 1996)
telle qu'elle a été modifiée et complétée
par la loi n° 20-05 promulguée par le dahir n° 1-08-18 du 17
Joumada 1429 ( 23 mai 2008), (BO n° 5640 du jeudi 19 juin 2008)
5 loi 15-89 réglementant la profession d'expert comptable,
et instituant un ordre des experts comptables,promulguée par le dahir
n° 1-92-139 du 14 Rejeb 1413,(8 janvier 1993), ( Bulletin officiel n°
4188 du 11 chaabane 1413/( 3 février 1993
6M.Ouhannou, Le Commissaire aux comptes au Maroc,
Sijelmassa,2010, p 170
7 J. Barbieri, Commissariat aux comptes, GLN JOLY,
1996,p 81
La responsabilité du commissaire aux
comptes
14
grand nombre de juristes qui ont traité les
différents aspects de cette matière, et l'apport
considérable d'une jurisprudence abondante l'attestent
clairement.1
La responsabilité du commissaire aux comptes n'est
demeurée étrangère ni à cette immense
évolution ni aux différentes controverses doctrinales qui l'ont
marquée.
Conséquemment l'importance de la responsabilité
du commissaire aux comptes apparaît quant à la
réglementation que lui réserve le législateur, et quant
à la richesse des développements que lui consacre la
doctrine.2
Dans le même ordre idées il convient de
souligner, l'inflation législative qui marque le droit des affaires en
général et la profession du commissariat aux comptes en
particulier.
Par ailleurs, sur le plan doctrinal, le commissariat aux
comptes a fait l'objet de nombreux écrits, et continue à susciter
la curiosité des chercheurs concernant cette profession.3
En fait tous les traités, manuels et cours de droit des
affaires, ainsi que commercial, traitent du sujet et lui réservent une
place prépondérante dans leur développement.
Mais également des ouvrages spécialisés,
s'y intéressent à l'analyse de la responsabilité du
commissaire aux comptes, selon ses différents aspects, il convient de
citer dans ce sens, l'ouvrage d' Alain Sayag : Le commissariat aux comptes :
renforcement ou dérive, ainsi que l'ouvrage d'Augustin Robert : Les
responsabilités du commissaire aux comptes.4
Malheureusement, nous sommes obligés de constater, que
notre doctrine et notre jurisprudence sur la responsabilité du
commissaire aux comptes, ne sont pas très élaborées. Tout
au long de cette étude, nous aurons, dans la mesure du possible recours
avant tous à ces deux principes d'autorité. Mais nous devrons
également nous référer, à titre
complémentaire, aux principes qui nous sembleront les plus surs chez les
juristes de France. De plus nous ferons maintes fois appel aussi aux
arrêts des juridictions françaises, car la jurisprudence nationale
est très pauvre en la matière.
Ces emprunts à un droit extra-national se justifient
sans peine ni difficulté, puisqu'il est très clair, qu'a
l'égard de la responsabilité du commissaire aux comptes, les
articles des
1A. Sayag, le commissariat aux comptes : renforcement
ou dérive ?, Litec, 1989, p 147
2 M.Ouhannou, Le Commissaire aux comptes au Maroc,
Sijelmassa,2010, p 7
3 M.Ouhannou, Le Commissaire aux comptes au Maroc,
Sijelmassa,2010, p 7 4M.Ouhannou, Le Commissaire aux comptes au
Maroc, Sijelmassa,2010, p 7
La responsabilité du commissaire aux
comptes
15
textes légaux y régissant la matière,
sont à quelques modifications prêts, la reproduction des
dispositions de la législation française.
Par ailleurs, du cote pratique, le commissaire joue un
rôle prépondérant et indispensable, au sein de
l'entreprise, destiné à préserver aussi bien
l'intérêt général, que l'intérêt de la
société, des actionnaires, des salariés, ainsi que les
tiers.1
Dans le contexte actuel, force est de constater que
l'entreprise connaît de profondes mutations.
Elle est une cellule ouverte sur l'extérieur, moteur de
l'activité économique, source d'emploi.
En parallèle, et tout à fait logique, le
rôle du Commissaire aux Comptes a accompagné très
étroitement cette évolution.
La mission du Commissaire aux Comptes s'adapte aux besoins des
entreprises et de leur environnement:
Désormais, quelle que soit la taille de l'entreprise,
salariés, créanciers, pouvoirs publics sont concernés par
la vie de l'entité et manifestent une demande accrue d'informations sur
cette dernière.
Dans ce sens, le commissaire aux comptes a été
investi d'une mission générale de contrôle et d'information
devenue institutionnelle au profit non seulement des actionnaires, mais aussi
de tous les tiers concernés (créanciers, fournisseurs, banquiers,
investisseurs actuels ou potentiels, salariés) qui ont à
apprécier la situation financière de l'entité et de ce
fait, doivent pouvoir s'appuyer sur des documents comptables et financiers
fiables.2
Conséquemment c'est au coeur des réalités
économiques et sociales que les Commissaires aux Comptes peuvent prendre
l'exacte mesure de leurs responsabilités respectives.
La responsabilité qu'encourt le commissaire aux
comptes, à raison de son comportement fautif, peut être civile,
pénale, ou disciplinaire.3
C'est pourquoi, nous avons choisi de consacrer notre
étude à la responsabilité du commissaire aux comptes sous
ses divers aspects.
1 T. Brunet, Economie droit : terminale STG,
Bréal, 2006, p 113
2 A. Sakho, Les groupes de société en
Afrique, KARTHALA, 2010, p 183
3V. Guyon, et G. Coquerau, Le commissariat aux comptes : aspects
juridiques et techniques, Librairies techniques, p 271
La responsabilité du commissaire aux
comptes
16
La responsabilité civile du commissaire aux comptes
obéit à un régime légal particulier prévu et
fixé par l'article 180 de la loi n° 17-95 relative à la
société anonyme et qui dispose que : « Le ou les
commissaires aux comptes sont responsables, tant à l'égard de la
société que des tiers, des, conséquences
dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice
de leurs fonctions.
Ils ne sont pas civilement responsables des infractions
commises par les administrateurs ou les membres du directoire ou du conseil de
surveillance sauf, si, en ayant eu connaissance lors de l'exécution de
leur mission, ils ne les ont pas révélées dans leur
rapport à l'assemblée générale. »
Il en résulte que le commissaire aux comptes, engage sa
responsabilité vis à vis de sa société et
notamment, le représentant légal à titre limitatif. De
même, les tiers à l'entreprise peuvent utilement invoquer sa mise
en cause dans certaines conditions. En plus il convient d'indiquer que sa
responsabilité revêt strictement un caractère personnel.
1
Cependant s'agissant, de la nature de la responsabilité
civile du commissaire aux comptes, cette question a crée un débat
controversé au sein de la doctrine.
Toutefois, nonobstant ce débat, la
responsabilité civile du commissaire aux comptes, trouve sa source
principale dans l'inexécution ou l'exécution défectueuse
de ses missions.2
En effet quelque soit la nature de la responsabilité
civile du commissaire aux comptes, la mise en oeuvre de celle-ci repose sur des
conditions identiques à toute responsabilité civile : à
savoir, la faute, le dommage, et le lien de causalité.
Il y a faute, lorsque le commissaire aux comptes commet une
faute ou négligence, causant un préjudice à autrui.
Toutefois, il convient de rappeler que le commissaire aux comptes a une
obligation de moyens et non de résultat.3
S'agissant du dommage, il peut être matériel ou
moral.
Le déclenchement de l'action en responsabilité
civile, nécessite la réunion d'une troisième condition
à savoir le lien de causalité.
Par ailleurs, le droit pénal est une discipline dans
laquelle le problème de la responsabilité occupe une place
centrale.
Il nous parait utile de définir d'abord ce que recouvre
exactement la notion de responsabilité, pour ensuite déduire la
signification du concept de responsabilité pénale.
1 J.BARBIERI, Commissariat aux comptes, GLN Joly, 1996, p77
2 R.Monéger et T. Granier, Le Commissaire aux
comptes, Dalloz, 1995,p 138
3 M. Camara, L'essentiel de l'audit comptable et
financier, L'Harmattan, 2009, p27
La responsabilité du commissaire aux
comptes
17
Le terme se rencontre dans de si nombreux contextes et
significations différents, tant dans la langue de tous les jours que
dans la langue juridique, qu'il y a un danger réel de confusion.
Dépouillé de toutes considérations
philosophiques ou idéologiques et spéculatives, le terme
responsabilité désigne la possibilité d'avoir à se
justifier, ... l'obligation d'avoir à répondre, ... d'assumer les
conséquences.1
On entendra alors par responsabilité
pénale2: l'obligation de subir les effets dont le droit
pénal assortit une violation de la norme pénale, ou encore
l'obligation pour quelqu'un juge responsable d'une infraction, d'en subir les
conséquences pénales, plus particulièrement les sanctions
prévues pour l'infraction.
On considérera que le fait de rendre un acte passible
d'une peine est la traduction en termes de sanctions de la
responsabilité pénale.
Il en résulte de ces précisions que la
problématique de la responsabilité pénale englobe au moins
trois ensembles de problèmes: la définition de l'infraction, qui
fait naître la responsabilité pénale, et que l'on pourrait
donc aussi appeler l'objet de la responsabilité pénale, le sujet
de la responsabilité pénale, à savoir la personne ou les
instances dont la responsabilité pénale peut être
engagée, et enfin, les effets de la responsabilité
pénale,3
à savoir les sanctions pénales.
S'agissant du commissaire aux comptes, qui demeure le sujet de
cette responsabilité pénale, celui-ci opère par
définition dans le cadre d'une personne morale, à l'égard
de laquelle, il est chargé d'une mission spécifique, or compte
tenu de la multiplication des lois pénales ou des dispositions
impératives dont la violation est sanctionnée, le risque de mise
en cause pénale s'est accrue.4
1H. Muscat, Le droit français de la
responsabilité publique face au droit européen, L'Harmattan,
2001, p 19 2 N. Ferry, Gestion juridique de l'entreprise, Pearson
Education France, 2006, p 73
3H. Bosly, Les infractions, Larcier, 2010, p 126
4J. Renard, Audit interne : ce qui fait debat, Maxima,
2003, p 70
La responsabilité du commissaire aux
comptes
18
La responsabilité pénale du commissaire aux
comptes trouve sa source dans plusieurs lois à savoir :
- La loi n° 17-95 relative à la société
anonyme1
- La loi 15-89 réglementant la profession d'expert
comptable et instituant un ordre des experts comptables2
- Le code pénal3
Dans ce contexte, le commissaire aux comptes peut être
jugé coupable, en tant qu'auteur principal de certains délits
spécifiques liés à sa mission ou son statut, comme la
confirmation d'informations mensongères, et la violation des
incompatibilités, mais également pour des infractions de droit
commun.4
En outre le commissaire aux comptes, peut être reconnu
pénalement coupable de complicité, lorsqu'a été
démontrée son intention de s'associer à une infraction
commise par les dirigeants de la société. La complicité
suppose également la conscience par le commissaire aux comptes, au
moment ou il accomplit les faits du concours, qu'il apporte à
l'exécution des faits.5
Par ailleurs, c'est sous un troisième aspect, que la
responsabilité du commissaire aux comptes, peut être
recherchée, il s'agit de la responsabilité disciplinaire, dont le
régime légal est fixé par loi n° 15-89
régissant la profession d'expert comptable et instituant un ordre des
experts comptables.6
Le législateur a ainsi doté l'ordre des experts
comptables d'un instrument efficace, non seulement pour faire respecter les
règles de la profession, mais aussi pour réprimer les agissements
de ses membres contraires aux vertus à la fois morales et
professionnelles que sont l'honneur, la probité ou la
délicatesse. De même, en réponse aux agissements
contraires, à la déontologie de la profession, le régime
disciplinaire de l'expertise comptable prévoit des
1 Loi 17-95 relative à la société
anonyme, promulguée par le dahir n° 196-124 du 14 rabii 1417 ( 30
aout 1996) telle qu'elle a été modifiée et
complétée par la loi n° 20-05 promulguée par le dahir
n° 1-08-18 du 17 Joumada 1429 ( 23 mai 2008), (BO n° 5640 du jeudi 19
juin 2008)
2 loi 15-89 réglementant la profession d'expert
comptable, et instituant un ordre des experts comptables,promulguée par
le dahir n° 1-92-139 du 14 Rejeb 1413,(8 janvier 1993), ( Bulletin
officiel n° 4188 du 11 chaabane 1413/( 3 février 1993
3 Dahir n° 1-59-413 du 28 JOUMADA II 1382 ( 26
novembre 1962) portant approbation du texte du code pénal (BO n°
2640 bis du mercredi 5 juin 1963)
44Y. Guyon, et G. Coquerau, Le commissariat aux
comptes : aspects juridiques et techniques, Librairies techniques, p 292
5 M. Ouaniche, La fraude en entreprise : Comment la
prévenir, la détecter, la combattre, Maxima, 2009, p 146
6M. Ouhannou, Le Commissaire aux comptes au Maroc, Sijelmassa,2010,
p 170
La responsabilité du commissaire aux
comptes
19
sanctions diversifiées qui toutes de la plus faible
à la plus forte sont adaptées à la nature de
l'intérêt commun que le droit disciplinaire a pour fonction
principale de protéger. 1
Finalement, comme nous l'avons implicitement
suggéré, l'examen des trois types de responsabilités se
fera selon un schéma classique, en étudiant d'abord la
responsabilité civile (Partie 1), en cette partie initiale nous
tenterons donc d'établir dans un premier chapitre, la nature et le
fondement de cette responsabilité, il s'agit de chercher à savoir
si la responsabilité civile du commissaire aux comptes est limité
à une thèse délictuelle ou contractuelle, ou bien elle
revêt des particularités qui lui confèrent un
caractère hybride ou professionnel.
Après la détermination de la nature de la
responsabilité, nous nous intéresserons au cadre légal de
celle-ci, à savoir le fondement, en analysant, le fondement
spécial de la responsabilité civile du commissaire aux comptes,
en plus des fondements de droit commun.
Sur la base de ces fondements nous consacrerons notre
deuxième chapitre à l'analyse de la mise, en oeuvre de cette
responsabilité, à travers l'étude notamment des conditions
d'existence de la responsabilité civile du commissaire aux comptes
(faute, dommage, lien de causalité), mais également des effets de
cette responsabilité, à travers l'étude du
déclenchement de l'action civile et son extinction.
Cependant, pour plus de commodité, et vu que la
responsabilité pénale et la responsabilité disciplinaire
ont en commun leur caractère répressif, et qu'elles poursuivent
un objectif commun qui consiste à prévaloir
l'intérêt général sur l'intérêt
particulier, nous avons opté pour consacrer la deuxième partie
intitulée la responsabilité répressive, à
l'étude de ses deux aspects pénales et disciplinaires de la
responsabilité du commissaire aux comptes de manière
successive.
Ainsi dans le premier chapitre nous allons traiter de la
responsabilité pénale du commissaire aux comptes, dans lequel il
sera question de mettre en relief les différentes incriminations
susceptibles d'être reprochées au commissaire aux comptes, en tant
qu'auteur principal, qu'elles soient relatives à ses missions ou son
statut.
Mais les infractions susceptibles de lui être
reprochées en tant que complice.
En revanche notre deuxième chapitre sera
réservé à l'étude de la responsabilité
disciplinaire du commissaire aux comptes, dans lequel nous exposerons en
premier lieu les particularités de cette responsabilité, pour
ensuite traiter de ses conditions, et en dernier lieu sa mise en oeuvre.
1J. Poulpiquet, Responsabilité des notaires,
Dalloz, 2009, p 134
La responsabilité du commissaire aux
comptes
20
L'étude de la responsabilité du commissaire aux
comptes aujourd'hui, ne consiste plus, à montrer les conditions et les
effets suivant le modèle classique, mais nécessite une nouvelle
approche qui met en relief les différents aspects de cette
responsabilité.
C'est dans ce contexte que l'objet de notre étude
consistera donc à montrer qu'elles sont les spécificités
de la responsabilité du commissaire aux comptes ?
La responsabilité du commissaire aux
comptes
21
|