B)- Les droits relatifs à l'inscription de
l'hypothèque
Une fois inscrite, l'hypothèque confère au
banquier deux prérogatives importantes. Ces prérogatives qui
s'imposent au constituant de l'hypothèque et aux tiers se
résument dans les notions de droit de suite (1) et droit de
préférence (2).
86 Art 130 A.U.S
87 Référence est faite plus
précisément ici, à la procédure de
prénotation des hypothèques. ISSA- SAYEGH, commentaire de l'acte
uniforme portant sûreté, in OHADA Traité et actes uniformes
commentés et annotés, Juriscope, 2008. P.727 à 728.
88 Art 122 A.U.S
89 AYNES (L) et CROCQ (P), op. cit, P.293.
90 Art 11 et 53 A.U.P.C.A.P
91 Art 262 A.U.P.S.R.V.E
92 ANOUKAHA (F), op. cit, p.44.
93 Ibidem.
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1)- Le droit de suite
Le droit de suite consiste à poursuivre, en cas de non
remboursement du crédit, la réalisation de l'immeuble en quelques
mains qu'il se trouve. C'est donc un droit de mettre en oeuvre l'action
hypothécaire94. En d'autres termes, il s'agit du droit de
déclencher les procédures de réalisation de l'immeuble
hypothéqué. Ce droit s'exerce aisément contre le
débiteur95 ou tout tiers dont le titre est publié
postérieurement à l'inscription de
l'hypothèque.96
Cependant, dans son exercice le droit de suite est soumis
à certaines conditions. En effet, en plus de satisfaire aux
formalités de publicité sus évoquées, il faudrait
qu'à l'échéance du remboursement du crédit, le
débiteur n'ait pas honoré ses engagements. Cette condition, qui
rappelle la notion d'exigibilité de la créance, connaît de
nombreux tempéraments dont l'un est organisé par l'article 145 de
l'A.U.S qui dispose que : « Dans le cas où l'immeuble
hypothéqué devient insuffisant pour garantir sa créance,
par la suite de destruction ou de dégradation, le créancier peut
poursuivre le paiement de sa créance avant le terme ou obtenir une autre
hypothèque.». Peut également être
évoqué la cessation de paiement qui, d'après l'article 107
de l'A.U.P.C.A.P, est une cause résolutoire des contrats conclu intuitu
personae. Ces tempéraments que l'on regroupe dans les conventions de
crédit hypothécaire sous les vocables de clauses
d'exigibilité anticipée, sont également des points de
départ de la mise en mouvement du droit de suite.
Ce droit aux termes de l'article 117 de l'A.U.S s'exerce
conformément aux règles de la saisie immobilière. Ce qui
suppose au plan procédural, l'existence d'un titre exécutoire qui
permettra de dresser un commandement de saisi. Condition pas difficile à
remplir pour les banquiers qui préfèrent, en
général, recourir à un notaire lors de
l'établissement de la convention de crédit hypothécaire.
Le droit de suite est donc, avant tout, un droit de saisie dont la mise en
oeuvre vise à rendre l'immeuble hypothéqué indisponible,
à restreindre les droits du débiteur sur l'immeuble, et surtout
à rendre inopposables les actes du débiteur
94 ANOUKAHA (F), CISSE- NIANG (A), MESSANVI (F),
ISSA-SAYEGH (J), YANKHOBA NDIAYE (I), MOUSSA (S), op. cit, p. 192.
95 Lorsqu'il est exercé contre le
débiteur, on parle davantage de droit de saisi.
96 ANOUKAHA (F), CISSE- NIANG (A), MESSANVI (F),
ISSA-SAYEGH (J), YANKHOBA NDIAYE (I), MOUSSA (S), op. cit,P.195
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accomplis au préjudice des intérêts du
banquier sur l'immeuble. Cependant, l'idée même du droit de suite
est intimement liée à celle du droit de
préférence97.
2- Le droit de préférence
Le droit préférence est une prérogative
qui s'exerce sur le prix représentant la valeur de l'immeuble. Il permet
à son titulaire d'échapper au concours des autres
créanciers. L'A.U.S qui l'organise précise son étendue
à l'article 117 et la procédure de distribution des deniers
provenant de la réalisation des immeubles à l'article 148 se fait
conformément à ce droit.
Pour ce qui est de son étendue, il ressort de
l'alinéa 3 de l'article 117 que le droit de préférence
s'exerce « pour garantir le principal, les frais et les trois ans
d'intérêt au même rang, sauf à prendre des
inscriptions particulières portant hypothèques à compter
de leurs dates pour les intérêts autres que ceux conservés
par l'inscription initiale. » Cette disposition comme le
précisait Joseph ISSA-SAYEGH doit être comprise comme une
règle permettant au créancier de prendre des inscriptions
particulières, pour des intérêts moratoires de plus de
trois ans « lorsque le débiteur n'a pas acquitté sa
dette à l'échéance ou aux échéances
prévues » 98. Par contre, s'il s'agit d'une
opération de crédit hypothécaire conclue en raison d'un
échéancier préétabli et portant sur une
période plus longue que trois ans, les intérêts
conventionnels ou légaux de ce plan d'amortissement seront inclus dans
les montants des échéances. Il n'y aura donc pas lieu d'appliquer
cette règle restrictive, car, celle-ci ne s'applique que pour les
intérêts moratoires qui courent à partir de
l'échéance du prêt, et qui sont supérieurs à
trois ans.
Par ailleurs, l'alinéa 4 de l'article
précité indique que « le droit de
préférence s'exerce également, par subrogation, sur
l'indemnité d'assurance de l'immeuble sinistré.» Cette
disposition conduit aussi à poser certaines questions, lorsque l'on sait
qu'il n'existe pas de principe général de subrogation
réelle.99 Comment les créanciers doivent ils s'y
prendre pour subroger le débiteur sur l'indemnité d'assurance?
N'y a-t-il pas risque pour l'assureur de verser directement les
indemnités dues à la survenance d'un sinistre? Certains auteurs
ont proposé de faire consentir au débiteur une cession
d'indemnité100. La solution est très pratique
97 ANOUKAHA (F), CISSE- NIANG (A), MESSANVI (F),
ISSA-SAYEGH (J), YANKHOBA NDIAYE (I), MOUSSA (S), op. cit. P 195.
98 V. ISSA SAYEGH, commentaire de l'acte uniforme
droit des sûretés, in OHADA, Traité et actes uniformes
commentés et annotés. Juriscope 2008. P. 772.
99 LEGEAIS (D), op. cit. P.433
100 Ibidem. Voir. Aussi, CROCQ (P) et AYNES (L), op. cit P.
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lorsque l'immeuble hypothéqué est
déjà assuré. A contrario la solution passerait par la
souscription d'une police d'assurance au profit du banquier101.
Concernant la distribution du prix provenant de la
réalisation des immeubles, on constate avec l'article 148 de l'A.U.S que
le droit de préférence du créancier hypothécaire
n'est primé que par les privilèges généraux de
justice et par les superprivilèges de salaires. En revanche, il prime
les privilèges généraux soumis à publicité
selon le rang de leur inscription au R.C.C.M, les privilèges
généraux non soumis à publicité selon l'ordre
établi à l'article 107 de l'A.U.S, ainsi que les
créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire lorsqu'ils
sont intervenus par voie de saisie ou d'opposition à la
procédure.
Quant aux questions relatives au contentieux de l'inscription,
la question a été résolue par la règle `'prior
tempore, prior jure102, c'est à dire, celui premier dans
le temps, l'emporte en droit. Ce qui justifie encore l'importance de
l'inscription hypothécaire.
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101 Solution très utilisées en zone CEMAC.
102 DJOUMESSAP METSOBO (J.C), l'hypothèque
conventionnelle dans la pratique bancaire camerounaise. Mémoire de DESS
en Juriste conseil d'entreprise FSJP/Université de Douala 2001- 2002.
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