B)- La spécialité de l'hypothèque
quant à la créance garantie
L'article 127 al 2 de l'A.U.S qui pose le principe de la
spécialité de l'hypothèque quant à la
créance garantie signifie que la créance que garantit
l'hypothèque doit être identifiée par sa cause et son
origine, puis déterminée dans son montant.
L'identification de la créance par sa cause est un
élément fondamental de la convention de crédit
hypothécaire. Elle permet d'apprécier la raison d'être de
ce contrat, et partant sa validité. En effet, l'hypothèque
étant un contrat de garantie, elle suppose nécessairement
l'existence d'une créance qui en est la cause61. Or,
conformément à la théorie générale des
obligations et à l'article 6 de code civil applicable au Cameroun, la
validité d'une convention ne saurait être retenue si la cause de
ladite convention est illicite, immorale ou contraire à l'ordre public
et aux bonnes moeurs. Cette règle d'identification de la créance
par sa cause s'analyse d'abord comme une mesure de protection du constituant.
Mais, l'exigence de son respect par le législateur est telle qu'elle
permet de protéger le banquier qui s'y conforme. Car, la sanction
d'inobservation de cette exigence est la nullité de la convention de
crédit hypothécaire. Ainsi, en pratique, le banquier prend
toujours le soin d'indiquer la cause par des mentions telles que ; la
créance garantie provient de tel prêt ou de tel contrat de
prêt.
59 En droit français les exigences du
crédit ont conduit à l'admission de l'hypothèque des biens
à venir dans de nombreux cas notamment: insuffisance des biens
présents, perte ou dégradation de l'immeuble
hypothéqué, construction d'un bâtiment sur le terrain
d'autrui. Les tempéraments en droit français vont beaucoup plus
loin qu'en droit OHADA. Voir, les articles 2419 et 2420 du code civil
français. Également, LEGEAIS (D), op. cit, p. 405. Et, AYNES (L)
et CROCQ (P), op. cit, P. 288.
60 ANOUKAHA (F), op. cit. P.24
61 V. Dans le même sens, ANOUKAHA (F), CISSE-
NIANG (A), MESSANVI (F), ISSA-SAYEGH (J), YANKHOBA NDIAYE (I), MOUSSA (S), op.
cit. P. 184.
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La protection du banquier dans les opérations de
crédit hypothécaire en zone CEMAC Par MAKOUBA MOUYAMA Julio
Chancel
Par contre, l'identification de la créance par son
origine c'est à dire sa source62, ou mieux ce qui permet de
l'individualiser par rapport à d'autres créances, vise
l'interdiction d'une prise d'hypothèque pour toutes les créances
nées et à naitre au profit du créancier, sans limitation
aucune63. En effet, en cas de survenance d'une autre créance,
le banquier comme tout créancier doit prendre une hypothèque
nouvelle sur la base d'un nouvel acte64. Cette hypothèque
nouvelle ou complémentaire qui est dite hypothèque de second
rang, lorsqu'elle porte sur l'immeuble précédemment
hypothéqué, prend acte au jour de son inscription.
Enfin, quant à la détermination de la
créance, il s'agit plus précisément pour les parties
d'indiquer le montant de celle-ci dans la convention de crédit
hypothécaire65. Autrement dit, lorsque l'hypothèque
garantit une créance dont le montant est connu de façon
précise, ce montant doit être indiqué dans l'acte
constitutif. Ce qui se traduit concrètement par la mention dans la
convention de crédit hypothécaire, du capital, des
intérêts et de la date à partir laquelle ils courent.
Cependant, lorsque le montant de la créance est
indéterminé, la doctrine indique66 et la pratique
confirme67 que, le procédé par estimation est l'unique
issue. Les parties se doivent ainsi de faire état des
éléments en leur possession qui rendent le montant de la
créance déterminable. C'est ce procédé qui permet
en effet de garantir par une hypothèque, le solde débiteur d'un
compte courant ou d'une ouverture de crédit.
A l'examen du principe de la spécialité, il
ressort que la règle de spécialité vise surtout la
protection du constituant et non du banquier. Toutefois on peut, d'abord,
constater que le respect de cette exigence de spécialité permet
au banquier d'éviter la nullité de la convention
hypothécaire et par ricochet de se protéger. Ensuite, on peut
considérer que la règle de spécialité
protège le banquier au regard de son usage pratique par le banquier. En
effet, la règle soutient la nécessité des descentes sur
les lieux afin d'évaluer, d'identifier et mieux localiser l'immeuble
hypothéqué. Par ailleurs, le principe de
spécialité, pris dans sa globalité, intéresse
également l'inscription de l`hypothèque qui entre dans les
conditions de forme.
62 SAKHO(A) et NDIAYE (I), op. cit. P. 51.
63 ibidem
64 Dans le même sens, ISSA- SAYEGH, commentaire
de l'acte uniforme portant sûreté, in OHADA Traité et actes
uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2008. P.727 à
728.
65 ANOUKAHA (F), CISSE- NIANG (A), MESSANVI (F),
ISSA-SAYEGH (J), YANKHOBA NDIAYE (I), MOUSSA (S), op cit. P. 184. SAKHO(A) et
NDIAYE (I), op. cit. P. 51. AYNES (L) et CROCQ (P), op. cit, P. 283.
66 Ibidem.
67 Voir, les conventions de crédit
hypothécaire garantissant un compte courant en annexe.
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