Paragraphe II: Les conditions relatives à la
spécialité de l'hypothèque
La règle de spécialité est posée
doublement dans l'A.U.S en ce qui concerne l'hypothèque. En effet, avant
que l'article 127 al 2 ne précise que l'hypothèque «
doit être consentie pour la garantie de créances
individualisées par leur cause et leur origine, représentant une
somme déterminée et portée à la connaissance des
tiers par l'inscription de l'acte.», l'article 120 al 1 du même
acte soulignait que « l'hypothèque ne peut porter que sur les
immeubles présents et déterminés. ». Ces
exigences de spécialité de l'hypothèque, quant à
son assiette (A) et quant à la créance garantie (B),
méritent d'être examinées.
A)- La spécialité de l'hypothèque
quant à l'assiette
La règle de la spécialité de
l'hypothèque quant à l'assiette signifie que l'immeuble
l'hypothéqué doit être désigné de
façon précise par l'acte constitutif52. Elle ne
constitue pas une interdiction pour le débiteur de consentir une
hypothèque sur tous ses immeubles, mais induit l'obligation d'une
indentification précise de chaque immeuble hypothéqué.
Dans la pratique bancaire, cette exigence à une
connotation particulièrement intéressante. En effet, elle fonde
la logique des descentes sur le terrain afin d'évaluer l'immeuble
certes, mais également de s'assurer de sa nature (s'il s'agit d'un
immeuble bâti ou non), ses dimensions et sa situation
géographique. Ces informations sont certes déjà contenues
dans le titre foncier, qui est la certification officielle de la
propriété immobilière, mais le banquier, en règle
générale, veut s'assurer de l'effectivité
matérielle de ces informations. Car, la chronique bancaire est
prolifique des situations où des hypothèques ont
52 ANOUKAHA (F), CISSE- NIANG (A), MESSANVI (F),
ISSA-SAYEGH (J), YANKHOBA NDIAYE (I), MOUSSA (S), op. cit. P. 187.
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été données sur des immeubles inexistant,
ou encore sur des immeubles ayant pour indications cadastrales un terrain du
domaine public, ou un fleuve53.
Notons, par ailleurs, que les biens susceptibles
d'hypothèques sont déterminés par la loi. L'article 119 de
l'A.U.S énonce clairement que « Seuls les immeubles
immatriculés peuvent faire l'objet d'une hypothèque ».
Ces immeubles immatriculés sont notamment: les fonds bâtis ou non
bâtis et leurs améliorations ou constructions survenues (à
l'exclusion des meubles qui en constituent l'accessoire), ainsi que les droits
réels immobiliers régulièrement inscrits selon les
règles du régime foncier. Quant aux immeubles et droits
réels immobiliers en cours de procédure d'immatriculation,
l'A.U.S soumet leurs hypothèques à l'autorisation des textes
nationaux54, à charge toutefois de procéder à
une inscription définitive après l'établissement du titre
foncier.
Il est acquis que l'hypothèque peut porter sur les
immeubles corporels ou incorporels55, sur les immeubles par nature
ou par destination lorsque ces derniers sont attachés aux immeubles par
nature auxquels ils empruntent la nature immobilière, sur les
démembrements du droit de la propriété tel que: l'usufruit
immobilier, la nue propriété, le droit de superficie, le bail
emphytéotique ou le bail à construction. Cependant,
l'hypothèque ne saurait porter sur les immeubles insaisissables et
indisponibles (tels que : les immeubles dépendant du domaine public)
parce qu'ils ne sont pas dans le commerce juridique. De même,
l'hypothèque est elle-même insusceptible
d'hypothèque56.
Par ailleurs, l'immeuble objet de l'hypothèque, en plus
d'être déterminé avec exactitude, doit
nécessairement être présent. Cette exigence de l'article
120 al 1 de l'A.U.S a pour conséquence, l'interdiction
d'hypothéquer les immeubles à venir57. Cette
règle critiquée58 qui a conduit à l'admission
de nombreux tempéraments importants en droit
53 Lire à ce propos SOUOP (S) op. cit, P.4.
Et, aussi MILONGO ELLONG (J.J), La sécurité des créances
bancaires dans la sous région CEMAC. P. 58
54 Cette inscription d'hypothèque
autorisée par les textes nationaux n'est que provisoire. Art 119 de
l'AUS, lire également à ce propos le commentaire dudit article
par ISSA-SAYEGH (J), in OHADA, traité et actes uniformes
commentés et annotés. Juriscope 2008. P. 723
55 V. ANOUKAHA (F), CISSE- NIANG (A), MESSANVI (F),
ISSA-SAYEGH (J), YANKHOBA NDIAYE (I), MOUSSA (S), op. cit. P. 186.
56 Ibidem. Il est pourtant techniquement concevable
qu'un créancier hypothécaire accorde des hypothèques afin
de permettre à ses créanciers de venir selon leur rang se faire
payer, en cas de distribution du prix du bien hypothéqué, sur le
fond revenant au constituant. Mais, l'OHADA comme le droit français ont
opté pour une interdiction de cette pratique qui s'en doute
complexifierait les transactions hypothécaires. Cependant, la
portée de cette interdiction est en réalité
limitée, puisque le créancier hypothécaire peut subroger
une ou plusieurs personnes de son hypothèque.
57 ANOUKAHA (F), op. cit. P.25.
58 TANAGHO (S), L'hypothèque des biens à
venir, RTD Civ. 1970. P. 441.
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français depuis l'entrée en vigueur de
l'ordonnance du 23 mars 200659, garde toute sa rigidité en
droit OHADA où le législateur n'admet de tempérament que
dans deux hypothèses à savoir: celle permettant le financement de
l'acquisition immobilière et celle des immeubles en cours
d'immatriculation60. En effet, dans le premier cas
l'hypothèque est consentie par le propriétaire avant le
commencement des travaux, soit au profit des architectes, entrepreneurs ou
autres personnes employées dans l'édification, soit au profit du
banquier qui a fourni l'argent. Dans le second cas, il s'agit d'une
anticipation législative permettant au constituant qui n'est pas encore
titulaire de droit immobilier de consentir l'immeuble en cours
d'immatriculation.
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