B)- Les inopposabilités de la période
suspecte
La période suspecte s'étend du jour de la
cessation des paiements, ou dans certains cas, des six mois qui l'ont
précédé, à celui du jugement d'ouverture ou du
jugement déclaratif243. Durant cette période, dont la
durée ne peut excéder 18 mois244, les actes accomplis
par le débiteur sont suspectés de fraude245. Ainsi,
« pour protéger les intérêts en présence et
traiter de manière égalitaire les créanciers, certains
droits obtenus pendant la
241 SAWADOGO (F.M), op. cit. P. 218
242 Sauf, en cas de dol, fraude ou violence d'une disposition
impérative. Idem P. 219
243 NEMEDEU (R), op. cit. P.260. SAWADOGO (F.M), op. cit. P.
223.
244 Article 34 al 2 de l'A.U.P.C.A.P
245 SAWADOGO (F.M), op. cit. P. 223.
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La protection du banquier dans les opérations de
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période suspecte, plus ou moins
présumés frauduleux, peuvent être frappés
d'inopposabilité à l'égard de la
masse...»246.
Les inopposabilités de la période suspecte
sanctionnent donc les actes frauduleux, ou simplement supposés
frauduleux, accomplis par le débiteur. Mais cette sanction, qui touche
surtout les créanciers dans la masse, peut constituer un obstacle au
paiement. En effet, ayant généralement
bénéficié de tels actes pour se protéger des
difficultés apparentes du débiteur, les créanciers vont
voir leurs droits ou mieux leurs sûretés, remises en cause par le
syndic, qui seul peut exercer l'action en inopposabilité au nom et dans
l'intérêt de la masse. La juridiction compétente
étant la même qui connaît de la procédure collective,
le juge va prononcer, soit des inopposabilités de droit247,
soit des inopposabilités facultatives248.
Les premières sont celles que le juge est tenu de
prononcer dès lors que les conditions légales sont
réunies. Tandis que les secondes sont celles pour lesquelles le juge
dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation pour prononcer ou non les
inopposabilités, même lorsque les conditions légales sont
réunies249.
Lorsque les inopposabilités sont prononcées
à l'encontre du banquier créancier hypothécaire, pour des
hypothèques dont il aurait bénéficié pendant la
période suspecte, sa créance ne sera pas annulée car tel
n'est pas le but des inopposabilités. L'inopposabilité «
est une sanction qui admet, d'une part, la validité de l'acte mais,
d'autre part, restreint ses effets à l'égard de certaines
personnes.»250. Ainsi, sa créance sera valable,
mais les créanciers antérieurs ne sauraient souffrir d'une
manière ou d'autre, des ses effets. Par conséquent, il pourra
produire sa créance, mais sa garantie ne sera pas opposable à la
masse qui d'ailleurs y sera colloquée.
246 NEMEDEU (R), op. cit. P.260. Dans le même sens Article
67 de l'A.U.P.C.A.P
247 Les inopposabilités de droit sont régies
à l'article 68 de l'A.U.P.C.A.P qui précise les conditions, les
actes susceptibles d'être frappés par elles. Il s'agit notamment:
des actes à titre gratuit translatif de propriété
mobilière ou immobilière; des contrats commutatifs
déséquilibrés; des paiements des dettes non échus;
des paiements des dettes échus par des procédés anomaux;
des sûretés réelles constituées pour la garantie
d'une dette antérieure, des inscriptions de sûretés
judiciaires conservatoires. Lorsqu'ils sont accomplis pendant la période
suspecte.
248 Les inopposabilités facultatives, qui ont un
domaine plus large que les inopposabilités de droit, sont régies
à l'article 69 de l'A.U.P.C.A.P. Leur prononcé nécessite
la réunion de trois conditions à savoir: que l'acte soit accompli
pendant la période suspecte, que celui qui traite avec le
débiteur ait eu connaissance de la cessation de paiement au moment ou
l'acte a été passé, que l'acte du débiteur ait
causé un préjudice à la masse. Elles visent cependant tous
les actes qui échappent aux inopposabilités de droit et les
actions avec les effets de commerce. V. sur la question SAWADOGO (F.M), op.
cit. P. 234.
249 SAWADOGO (F.M), Commentaire de l'A.U.P.C.A.P... op. cit. P.
950.
250 NEMEDEU (R), op. cit. P.261
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Et, c'est en cela que les inopposabilités peuvent
constituer des obstacles au paiement. Car, le banquier perdra le rang et la
préférence que lui conférait la garantie. Dans pareille
circonstance, le banquier semblable à un créancier chirographaire
ne pourra obtenir paiement si les deniers provenant de la réalisation de
l'immeuble s'avéraient insuffisants. Cette réalité est
plus perceptible dans l'analyse du paiement proprement dit.
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