Section II : Le paiement réservé au
banquier
Dans les procédures collectives, le paiement est
toujours fonction de l'issue que va connaître la procédure
initiée. Celle-ci peut conduire au rétablissement ou à la
disparition du débiteur en difficulté. Mais, avant d'effectuer le
paiement proprement dit (Paragraphe II), une évaluation du passif du
débiteur (et donc, des droits des créanciers) est tenue. Laquelle
peut déboucher sur des obstacles au paiement (Paragraphe I).
229 SAWADOGO (F.M), op. cit, « Tout se passe comme en
matière d'inopposabilité où le droit existe mais est
ignoré par la masse.». P.212
230 Idem. P. 213
231 Idem. P. 213
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La protection du banquier dans les opérations de
crédit hypothécaire en zone CEMAC Par MAKOUBA MOUYAMA Julio
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Paragraphe I : Les obstacles au paiement
Ils résultent de la vérification de
créance (A) et des inopposabilités de la période suspecte
(B).
A)- Les obstacles inhérents à la
vérification des créances
Prévue à l'article 84 de l'A.U.P.C.A.P, la
vérification des créances est une formalité obligatoire en
droit OHADA232. En effet, le législateur communautaire l'a
prescrite « quelle que soit l'importance de l'actif et du
passif». S'appliquant au redressement judiciaire et à la
liquidation des biens, la vérification des créances dont
l'objectif est d'établir la consistance exacte du passif du
débiteur, à travers examen des créances produites, et de
rechercher les éléments pouvant servir de base à une
éventuelle action en responsabilité contre les tiers, permet
également de sanctionner certains créanciers dont la
créance ou la sûreté aurait présenté quelques
anomalies.
En effet, menée par le syndic et sanctionnée par
le juge-commissaire, la vérification de créance
conformément à l'alinéa 2 de l'article 84 de
l'A.U.P.C.A.P, « doit intervenir dans les trois (03) mois suivant la
décision d'ouverture.». Ainsi, le syndic vérifie les
productions des créances au fur et à mesure, en présence
du débiteur, qui connaît bien le passif puisqu'il l'a
créé233, et des contrôleurs s'il en a
été nommé234. En cas de contestation de la
créance, ou de la sûreté qui la garantit, le syndic avise
d'une part le juge-commissaire et, d'autre part, le créancier ou le
revendiquant concerné par pli recommandé avec accusé de
réception ou par tout moyen laissant trace écrite.
Dans ces circonstances, le banquier, créancier
hypothécaire, qui voit sa créance ou sa sûreté
contestée dispose, à compter de la réception de l'avis
dressé par le syndic, d'un délai de (15) quinze jours pour
fournir des explications écrites ou verbales au
juge-commissaire235. Passé ce délai, il ne peut plus
contester la proposition du syndic, même s'il s'agit d'un rejet pur et
simple de la créance236.
232 Contrairement au droit français qui ne l'a
prévue que lorsqu'il apparaît que l'actif sera absorbé par
les frais de justice Idem. P. 214
233 SAWADOGO (F.M), op. cit. P. 215
234 Cependant, l'absence du débiteur ou des
contrôleurs ne constitue pas un obstacle à la vérification.
Pourvu qu'ils aient dûment été appelés par pli
recommandé ou par tout moyen laissant trace écrite
235 Précisons que ce délai est de (30) trente
jours, pour les créanciers domiciliés hors du territoire. Article
85 al 2 A.U.P.C.A.P.
236 SAWADOGO (F.M), op. cit. P. 215
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Le non respect des délais sus mentionnés a une
conséquence grave. Elle empêche l'admission définitive des
créances et constitue le premier obstacle au paiement.
Par la suite, le syndic dressera un état de
créance contenant ses propositions d'admission définitive,
provisoire ou de rejet. Avec indication précise pour chacune, de sa
nature chirographaire ou non, ainsi que de la garantie à laquelle elle
est assortie. Au cas où la contestation ne porte que sur
l'hypothèque, le banquier pourra être admis provisoirement
à titre de créancier chirographaire237. Ce qui peut
également rendre difficile le paiement.
L'état de créance établi, le juge
commissaire vérifie la fiabilité du travail effectué par
le syndic. Il peut éventuellement y apporter des modifications, puis
confère à la décision finalement prise un caractère
juridictionnel ou quasi juridictionnel238.
La décision du juge-commissaire après
vérification et signature est déposée au greffe, qui est
chargé immédiatement d'avertir les créanciers et
revendiquants du dépôt de l'état des
créances239. Par ailleurs, les créanciers et
revendiquants, dont la créance, la revendication ou la
sûreté est totalement ou partiellement rejetée, sont
informés par le greffe, qui adresse un avis avec accusé de
réception ou par tout moyen laissant trace écrite, de ce qu'ils
peuvent former une réclamation240.
Les créanciers et revendiquants concernés
disposent de 15 jours pour faire la réclamation à dater de la
réception de l'avis adressé par le greffier ou de l'insertion
faite dans le journal d'annonce légal. Aux termes de l'article 88 de
l'A.U.P.C.A.P, les réclamations contre la décision du
juge-commissaire doivent être formées par voie d'opposition
directement au greffe ou par acte extrajudiciaire adressé au greffe. Le
défaut d'opposition dans les délais rend la décision
irrévocable. Et, empêche le paiement.
L'opposition régulièrement formée donne
lieu au règlement qui varie selon que la juridiction de la
procédure est, ou non compétente.
237 Article 86 al 2 A.U.P.C.A.P.
238 SAWADOGO (F.M), op. cit. P. 216 Mais, avant de se
prononcer, le juge-commissaire est tenu d'entendre le créancier ou le
revendiquant, ainsi que le débiteur et le syndic. Pour ce faire,
l'article 86 al 4 de l'A.U.P.C.A.P lui astreint de les convoquer par lettre
recommandée avec accusé de réception ou par tout moyen
laissant trace écrite. Ce n'est qu'à la suite de cette
formalité qu'il peut, soit rejeter en tout ou en partie une
créance ou une revendication, soit se déclarer
incompétent238.
239 L'avertissement des créanciers se fait par
insertion dans un ou plusieurs journaux d'annonce légales et par une
insertion au Journal officiel contenant indication du numéro du journal
légal dans lequel a été faite la première
insertion. En outre, le greffier se doit adresser aux créanciers une
copie intégrale de l'état de créances. Article 87 de
l'A.U.P.C.A.P.
240 Al 3 de l'article 87 de l'A.U.P.C.A.P. Précisons
que l'avis adressé par le greffier doit contenir la reproduction de
l'article 88 de l'A.U.P.C.A.P.
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Dans le premier cas, le greffier renvoie les revendications et
les créances contestées ou admises provisoirement pour être
jugées sur rapport du juge-commissaire à la première
audience. Puis, donne avis de ce renvoi aux parties (08) huit jours au moins
avant l'audience, par lettre recommandée avec accusé de
réception ou tout moyen laissant trace écrite. Dans le cas
où la juridiction ne peut statuer au fond avant la clôture de la
procédure, elle admet le créancier ou le poursuivant à
titre provisoire afin de ne pas retarder le déroulement ou le
dénouement de la procédure. En fin de compte, le greffier avisera
les intéressés de la décision prise par la juridiction de
procédure, dans les (03) trois jours, par lettre recommandée avec
accusée de réception ou par tout moyen laissant trace
écrite. Et fera mention de la décision prise sur l'état
des créances.
Dans le second cas, la juridiction de procédure se
déclare incompétente et admet provisoirement la créance
contestée. Le greffier avise les intéressés, dans les (03)
trois jours, par lettre recommandée avec accusée de
réception ou par tout autre moyen laissant trace écrite. Puis,
mentionne la décision prise sur l'état des créances.
Cependant, les intéressés se doivent de saisir le tribunal
compétent pour connaître la contestation dans un délai d'un
mois. Faute de quoi, ils deviendront forclos et la décision du
juge-commissaire devient irrévocable.
L'admission des créances par le juge-commissaire
produit l'effet d'une décision de justice à laquelle est
attachée l'irrévocabilité241. Elle met les
créanciers à l'abri de toute contestation ultérieure
tendant à réduire ou modifier la créance242.
Cependant, la procédure de vérification n'est pas l'unique
procédé susceptible de faire obstacle au paiement des
créanciers. Les inopposabilités de la période suspecte en
sont d'autres.
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