Section II: L'assujettissement du banquier à une
procédure complexe
Si le déploiement de la saisie immobilière tel
qu'envisagé ci-dessus semble déjà complexe, il y a lieu de
souligner que dans certaines circonstances, cet aspect s'amplifie et la
procédure de saisie immobilière devient particulièrement
lourde et « harassante »165. Ces
164 Malgré la formule large utilisée par
l'article 287 de l'A.U.P.S.R.V.E concernant les personnes susceptibles de
surenchérir, la doctrine affirme à la suite de la jurisprudence
française Civ 2e, 20 mars 1989 que: le droit de
surenchérir ne peut être reconnu aux personnes frappées
d'incapacité d'enchérir. V. ASSI- ESSO(A.H) et NDIAW DIOUF, op.
cit, p. 226. Sont concernées les personnes frappées
d'incapacité de droit commun et celles désignées par
l'article 284 de l'A.U.P.S.R.V.E.
165 ANOUKAHA (F), op. cit P.65.
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circonstances sont notamment celles où la
procédure de saisie immobilière entraine des incidents
(Paragraphe I) et des restrictions aux droits des créanciers (Paragraphe
II).
Paragraphe I : Les incidents de la saisie
immobilière
Il s'agit plus précisément des «
contestations nées de la procédure de saisie ou qui s'y
réfèrent directement et qui sont de nature à exercer une
influence immédiate et directe sur cette procédure.»
166. Les incidents de la saisie immobilière,
dont il y a lieu de constater la pluralité et la
spécificité (A), contribuent à rallonger et compliquer la
procédure167 en dépit de la volonté
affirmée du législateur de les solutionner avec
célérité (B).
A)- La pluralité et la diversité des
d'incidents de la saisie immobilière
Conformément aux dispositions de
l'A.U.P.S.R.V.E168, les incidents de la saisie immobilière
peuvent être rangés en quatre (04) catégories à
savoir: les incidents nés de la pluralité de saisies, les
demandes en distraction, les demandes en annulation et la folle enchère.
Une analyse de ces contestations permettra de mieux les cerner.
Les incidents nés de la pluralité des saisies
sont des contestations mettant en évidence une pluralité des
créanciers poursuivant un même débiteur. Régies par
les articles 302 à 310 de l'A.U.P.S.R.V.E, ces contestation donnent lieu
tantôt à des jonctions de poursuites, tantôt à la
subrogation du premier saisissant.
Les jonctions de poursuites sont prévues dans deux
hypothèses notamment: celle où deux ou plusieurs
créanciers ont fait publier des commandements relatifs à des
immeubles différents appartenant au même débiteur et dont
les saisies sont poursuivies devant la même juridiction, et celles
où le second commandement englobe, outre l'immeuble de la
première saisie, d'autres immeubles.
Dans la première hypothèse, les poursuites sont
réunies à la requête de la partie la plus diligente et
continuées par le premier saisissant169. Dans la seconde
hypothèse, le second
166 La notion n'a pas été définie par
l'A.U.P.S.R.V.E, mais par la jurisprudence. Lire dans ce sens TEPPI KOLOKO (F),
POUGOUE (G), op. cit, p. 77 et suivantes. De même que, ASSI ESSO (A.M),
NDIAW DIOUF, op. cit, p. 229 et suivantes. V. aussi, Tribunal Régional
de Dakar Jugement n° 132 du 2 février 1999, Issa Sall c/
Crédit sénégalais Répertoire. P 119. Lire
également le commentaire de NDIAW DIOUF sur L'Acte Uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies
d'exécution. In OHADA Traité et actes uniformes
commenté et annotés. P.856.
167 V. SOUOP (S), op. cit. P.9. L'auteur, qui est par ailleurs
avocat au barreau du Cameroun, rapporte qu' « il est fréquent
de lire sur le rôle du tribunal des incidents de saisie introduits depuis
plus de (04) quatre ans.».
168 V. les articles 302 à 323
169 Article 302 A.U.P.S.R.V.E
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saisissant se doit de dénoncer son commandement au
premier saisissant, lequel poursuit les deux saisies si elles sont au
même état. Dans le cas contraire, il sursoit à la sienne,
poursuit la deuxième afin de la mettre au même niveau. Ainsi, les
deux saisies seront alors réunies devant la juridiction de la
première saisie170.
La subrogation est également envisagée dans deux
hypothèses. La première hypothèse correspond à
celle où le premier saisissant à qui une seconde saisie est
dénoncée s'abstient de diriger les poursuites. Dans cette
hypothèse, la demande en subrogation est faite par acte écrit
adressé au conservateur de la propriété
foncière171. La seconde hypothèse correspond aux
situations de collusion, fraude, négligence ou autre cause de retard
imputable au saisissant. En pareil hypothèse, le «
créancier ne peut demander la subrogation que (08) huit jours
après une sommation restée infructueuse de continuer les
poursuites, faite par acte d'avocat à avocat aux créanciers dont
les commandements ont été antérieurement mentionnés
à la conservation de la propriété foncière.
»172
Les demandes en distraction173, cependant,
concernent les contestations auxquelles un tiers qui se prétend
propriétaire de l'immeuble cherche à le soustraire à la
saisie. De telles contestations ne peuvent être introduites que par des
tiers qui ne sont tenus ni personnellement de la dette, ni réellement
sur l'immeuble. « La demande en distraction fait partie des incidents
qui peuvent être présentés après l'audience
éventuelle, mais seulement jusqu'au huitième jour avant
l'adjudication. »174. Elle a pour effet de suspendre les
poursuites si elle porte sur la totalité des biens. En revanche, si elle
porte sur une partie des biens saisis, il pourra être
procédé à l'adjudication du surplus. Mais, le tribunal
peut, à la demande des parties intéressées, ordonner le
sursis pour le tout. En cas de distraction partielle, le poursuivant est admis
à changer la mise à prix portée au cahier des charges.
Les demandes en annulation, quant à elles, constituent
les incidents les plus fréquents dans le déroulement de la
procédure de saisie immobilière. On distingue les nullités
pour vice de fonds des nullités pour vice de formes qui sanctionnent les
actes irrégulièrement accomplis. Les demandes en annulation
interviennent à tous les stades de la procédure. Lorsqu'elles
précèdent l'audience éventuelle, elles doivent être
insérées dans le cahier des charges (05) cinq jours au plus tard
avant la date fixée pour cette audience. Quant elles sont
170 Article 303 A.U.P.S.R.V.E
171 Article 304 A.U.P.S.R.V.E
172 Article 305 A.U.P.S.R.V.E. Le texte précise par
ailleurs que le saisi n'est pas mis en cause.
173 Elles sont régies par les articles 308 à 310 de
l'A.U.P.S.R.V.E
174 ASSI ESSO (A.M), NDIAW DIOUF, op. cit, p. 235. V. notamment,
L'article 308 de l'A.U.P.S.R.V.E
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dirigées contre la procédure suivie à
l'audience éventuelle, les demandes en annulation peuvent être
présentée jusqu'au (08) huitième jour avant
l'adjudication. Il faut souligner que dans ce dernier cas, les demandes en
annulations entrainent ipso facto un report de la date d'adjudication. Car, le
poursuivant doit procéder à une nouvelle publicité dans le
respect délais prévue à l'article 270 de l'A.U.P.S.R.V.E.
Par ailleurs, il y a lieu de souligner que lorsque ces demandes sont admises,
la procédure peut être reprise à partir du dernier acte
valable175.
Enfin, la folle enchère constitue un incident «
ayant pour objet de mettre à néant l'adjudication en raison
des manquements de l'adjudicataire à ses obligations et de provoquer une
nouvelle vente aux enchères de l'immeuble.»176.
Etant dirigées contre l'adjudicataire, ces contestations s'ouvrent dans
deux cas, notamment lorsque l'adjudicataire « ne justifie pas, dans
les vingt jours suivant l'adjudication, qu'il a payé le prix, les frais
et satisfait aux conditions du cahier des charges. », ou «
ne fait pas publier, la décision judiciaire ou le procès
verbal notarié d'adjudication à la conservation foncière
dans le délai » de deux mois qui suivent la décision.
Très formaliste177 également, la procédure de
folle enchère n'est cependant soumise à aucun délai, bien
qu'elle ne puisse plus être exercée lorsque les causes d'ouverture
ont disparu. La procédure de folle enchère peut être
intentée par le saisi, les créanciers poursuivants et les
créanciers inscrits et chirographaires.
Conscient de l'impact que les incidents pourraient avoir sur
la procédure, le législateur communautaire les a soumis à
un régime de célérité en ce qui concerne leur
règlement. Mais en pratique, cet objectif peine à être
atteint.
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