2.3. Des initiatives individuelles de transfert de
connaissances
2.3.1. Les transferts ponctuels
Chez Areva, la filière « expert » est
chargée d'établir une stratégie globale et
centralisée autour de la gestion de la connaissance. Cependant, elle
demande aujourd'hui à être développée. Nous avons vu
qu'il existe des programmes, des dispositifs qui sont impulsés soit par
les unités elles-mêmes (CIFRE, mécénat) soit par la
DRD au Corporate (GapExpert). Avec Experconnect, les experts ont la
possibilité de transférer de la connaissance. Ce dernier
dispositif permet de pallier de potentiels manques de transferts de
connaissances, d'activités, d'arrêts de projets, etc... D'autres
pratiques au sein d'Areva permettent cependant de transférer des
connaissances ponctuellement, pour des raisons précises. Chaque
unité met ainsi en place ses propres processus, sa propre capitalisation
des connaissances, son propre système de transfert. Chaque individu peut
aussi mettre en place des pratiques plus ou moins complexes et que chacun
adapte à sa situation.
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Deuxième partie - Le transfert des connaissances sous
toutes ses formes
2.3.1.1. Les différentes façons de
transférer de la connaissance
Dans cette enquête, trois types de pratiques ont
été identifiées. Le premier est appelé «
succession planning », qui se traduit simplement par « planning de
succession ». Elle consiste en la planification d'actions en
coopération avec le manager, visant à « externaliser »
ou mettre à disposition ses connaissances. Cela peut se faire
grâce à la transmission ou au stockage de documents, à la
mise à jour d'une base documentaire ou encore à la
réalisation et la mise en ligne de cours sur des sujets de
connaissances. Une fois de plus, ces actions sont réalisées sans
coordination avec le reste du groupe Areva. Il est alors parfois difficile
d'identifier les actions à réaliser puisque les experts comme les
managers n'ont pas de vision globale. Ils ne savent donc pas toujours s'il est
nécessaire de transmettre la connaissance, si une autre personne
détient cette connaissance dans le groupe et à qui la
transmettre. Ainsi, il est régulièrement décidé que
seules les connaissances immédiatement utiles soient
transférées. On remarque assez aisément que le temps
investi et les actions réalisées dépendent principalement
de l'intérêt qu'ont les acteurs (expert et manager) à
transférer une connaissance. S'il s'agit de faciliter une prise de
poste, des actions seront entreprises en ce sens, si aucun enjeu direct n'est
identifié alors les connaissances auront moins d'intérêt
à être transférées. Cette méthode n'aboutit
donc pas toujours.
Avec les experts Areva, le système de tutorat pour un
recrutement fonctionne particulièrement bien. Cependant, il est
nécessaire de distinguer le tutorat dans le cadre d'une passation et
dans le cadre d'une formation, de l'accompagnement et dans le
développement de l'expertise d'un collaborateur. Dans le cadre de la
passation, il s'agit d'intégrer le successeur de l'expert avant le
départ de ce dernier. Malgré cela, l'objectif peut être
commun. Car il s'agit de transférer ses connaissances au successeur en
l'accompagnant tout au long de son intégration. Cela passe par le
transfert de dossiers, de documents, de savoir-faire, par des conseils afin de
mieux appréhender un sujet. Lors du programme GapExpert, les jeunes
étaient accompagnés par un tuteur qui jouait aussi le rôle
de formateur, de mentor. L'avantage principal de cette pratique et que le
transfert est complet (cf. Nonaka & Takeuchi). L'expert se socialise avec
son successeur. Les connaissances tacites sont ainsi transmises. Il produit des
documents, externalisant ainsi sa connaissance qui est ainsi transmise et
internalisée par son successeur. Étant complet, ce programme est
globalement apprécié par la sphère des experts, c'est pour
eux, un des meilleurs moyens de transférer de la connaissance. Dans le
cadre d'un recrutement, l'investissement se calcule sur le nombre de semaines
ou mois indexés sur le salaire du tutoré. C'est un avantage qui
peut devenir un inconvénient. En effet, la qualité du
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Deuxième partie - Le transfert des connaissances sous
toutes ses formes
transfert de connaissances dépend de sa durée.
Or d'un point de vue financier, les managers auront plutôt tendance
à vouloir réaliser des économies. Suivant l'enjeu du
transfert pour le manager, la durée sera ainsi plus ou moins longue.
Cependant, afin de réaliser le tutorat, tout comme le « succession
planning », il est important de déterminer les actions de
chacun.
2.3.1.2. Chaque acteur joue un rôle
particulier
Les rôles sont tenus par un ou deux experts qui
transfèrent leurs connaissances de façon directe (par
socialisation) ou indirecte (par le transfert d'une base documentaire
essentiellement). Cependant, quelle que soit la situation, d'autres acteurs
peuvent entrer en jeu. Par exemple la planification d'actions pour le transfert
de connaissances lors d'un recrutement est réalisée avec le
manager. L'expert et le manager s'entendent sur une série de
tâches nécessaires avant le départ à venir. Pour le
manager, cela demande d'accompagner l'expert et pour ce dernier de
réaliser ces tâches, ce qui prend du temps. Cependant, sur le
terrain, par manque de temps et de moyens, ces actions ne sont pas toujours
réalisées, voire planifiées. En ce qui concerne le
système de tutorat, deux acteurs doivent s'entendre auparavant : il
s'agit du département des Ressources Humaines qui intervient sur le
processus de mobilité d'un point de vue administratif et des managers
qui prennent la décision d'intégrer ou non le nouveau
collaborateur avant la date de départ de l'expert. Ainsi, soit le
manager et l'expert font part aux RH d'un projet de départ, soit les RH
effectuent une veille sur leur population et alerte le manager et l'expert d'un
potentiel départ. Sur le terrain, les situations sont là aussi
très différentes. Il n'y a pas de règle et chaque
unité étant indépendante sur ce sujet, il n'est pas
possible de faire ressortir un état des lieux à la fois
précis et global. De plus, il n'existe à ce jour aucune personne
qui soit chargée de vérifier le bon transfert des documents,
fichiers informatiques ou connaissances lors des mouvements de personnels.
Ainsi les RH effectuent le processus de mobilité sans pour autant
être engagées sur cette question de transfert de connaissances.
Les managers mettent en place ce système selon les ressources et le
temps dont ils disposent. Aujourd'hui, comme partout ailleurs, le manager est
en demande de ressources de tous types, dont le temps. Une posture proactive,
de coopération entre RH et manager permettrait de mieux gérer les
ressources afin de réaliser ce transfert de façon optimale.
Prévenir les parties prenantes d'une mobilité (interne ou
externe) devient alors un enjeu qui peut se révéler important.
Pour cela, il est nécessaire que les acteurs puissent se coordonner et
prévoir plusieurs mois, voire années, pour la mobilité des
experts.
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toutes ses formes
Cette coopération entre RH et manager devient alors le
point central pour la réalisation d'un transfert efficace de
connaissances. En effet, plus le transfert est réalisé en amont,
plus il pourra passer d'un « succession planning » à ce que
l'on peut nommer un « proactive planning » et plus le système
de tutorat pourra être efficace. En outre, il est nécessaire de
mettre en place un système d'incitation pour les managers et experts,
car chaque acteur doit y trouver un intérêt personnel afin que le
système fonctionne au mieux et sur du long terme.
Tous ces systèmes de transfert de connaissances que
nous avons vus jusqu'à présent sont la résultante
d'actions coordonnées entre plusieurs acteurs et non uniquement de
l'expert. Nous avons pu identifier les difficultés rencontrées,
ce qui nous permettra d'apporter des éléments de réponses.
En prenant un regard différent, nous voyons que l'expert a d'autres
moyens de transférer ses connaissances tout au long de sa
carrière. Ce transfert est alors réalisé de façon
plus ou moins intense selon son niveau d'expertise, son réseau, son
domaine d'activité et sa personnalité. Ainsi, plus le niveau
d'expertise est élevé, plus il sera amené à
exporter ses connaissances en interne comme en externe.
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