1.2.2.2. A chaque connaissance sa méthode
Jean-Louis Ermine parle de transfert « direct » et
« indirect ». Cette distinction est fondamentale pour comprendre les
deux approches que nous allons identifier dans le transfert de connaissances.
Comme nous l'avons vu, la connaissance est d'abord implicite avant d'être
explicite. Il est donc nécessaire de passer par différents moyens
pour expliciter la connaissance.
Durant toute sa carrière, l'expert rédige de
manière continue des documents de tous types à différentes
occasions (présentations, articles, travaux de recherche, etc...). Cela
consiste en la première explicitation de la connaissance. Cette
méthode a l'avantage de demander peu de ressources et d'être
incluse dans les missions de l'expert. Ces documents sont présents sur
le disque dur du collaborateur, sont parfois partagés (articles), mais
pas toujours classés ou enregistrés sur une base
spécifique. Pour qu'ils puissent être utilisés par
d'autres, il est nécessaire de les classer par des systèmes de
modélisation de la connaissance.
Aujourd'hui, plusieurs outils de modélisation ont
été mis en place, à l'image de la méthode
MASK44 (anciennement MKSM) développée par Jean-Louis
Ermine. Cet outil a été élaboré la première
fois en 1989 en université puis au CEA (Commissariat de l'Énergie
Atomique). D'après l'auteur, cet outil qui a fait l'objet de nombreuses
expérimentations, est aujourd'hui opérationnel et sert au sein de
nombreuses entreprises telles que PSA ou Cofinoga. Il permet de créer un
« Livre de la connaissance » dans l'entreprise avec pour objectif
final de capitaliser et de faciliter la transmission de la connaissance. Il
s'inscrit dans une approche
44 Méthode d'Analyse et de Structuration de
Konnaissances
« processus » globale et son principal avantage est
de pouvoir fédérer plusieurs démarches existantes
regroupant tous les domaines de connaissance, à tous niveaux dans
l'entreprise. En effet, il peut être facilement utilisé,
modifié, documenté par tous et nécessite des outils
informatiques de mindmapping bien connus de nos jours. Cependant, la
modélisation de la connaissance n'est pas toujours connue de tous.
Les documents écrits ne sont pas les seules sources de
connaissance dans une entreprise. Ainsi, les enregistrements vocaux ont
aujourd'hui plus d'intérêt à l'utilisation qu'auparavant.
Depuis quelques années, des logiciels de reconnaissance vocale, ouverts
au grand public permettent de traduire sous format texte l'enregistrement
d'interviews, de notes orales, etc... Encore onéreuse pour certains
logiciels, cette technologie se développe et trouve petit à petit
sa place dans les entreprises. Dans la catégorie de conversion de
données, il existe les logiciels de reconnaissance optique de
caractères (OCR) permettant la conversion de données papier en
données numériques. L'avantage considérable de cette
technologie est d'une part sa fiabilité qui a très largement
progressé depuis une dizaine d'années et d'autres parts, son
accessibilité et sa rapidité de réalisation. L'expert y
trouve généralement l'avantage de structurer ses travaux dans une
base de données. Chez Areva un « Record manager » est
d'ailleurs chargé d'enregistrer des documents via un logiciel OCR.
Enfin, il est aussi nécessaire de transmettre la
connaissance tacite comme vu précédemment. Pour cela, parmi les
méthodes classiques, le compagnonnage par tutorat est une des
méthodes les plus classiques et reconnues. Il se développe aussi
dans les entreprises (la tendance est à la hausse) le coaching. Cette
méthode est cependant plus orientée et développée
de nos jours sur le développement personnel que sur le transfert de
connaissance. Dans les autres méthodes connues de socialisation, il
existe le retour d'expérience ou la revue par les pairs. Moins connue,
elle est présente dans les communautés de personnes et notamment
celles ayant trait spécifiquement au savoir. Toutes ces méthodes
de socialisation ont l'avantage de valoriser les personnes qui s'y attardent.
Les actions de « faire savoir », de discussion et d'exploration sont
les fondements de cette méthode qui est un levier de reconnaissance
à mettre en place dans l'entreprise (Ballay, 2002). Cela comporte aussi
l'avantage de légitimer la connaissance par la proximité des
acteurs en action. Une méthode parait alors à la fois puissante
et légitime par le nombre d'acteurs qu'elle touche. Il s'agit de la
communauté de savoir. Nous allons donc nous y intéresser plus
particulièrement et nous verrons qu'elles ont un fort potentiel dans le
domaine du partage de connaissances.
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Première partie - Apprivoiser la connaissance
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